Elle ne m’a pas attendu pour continuer à vivre Anna, et ça me réjouit autant que ça me peine. Ma petite soeur qui pendant si longtemps avait souffert de cette vie de solitude que lui imposait le palais ne s’était pas refermée face au deuil. Elle avait continué d’aimer et avait poursuivi sa route vers son propre bonheur. Sans moi. Jamais je ne pourrais rattraper ces instants perdus, tous ces moments dans lesquels j’aurais pu la soutenir, l’encourager. Son mariage avec Kristoff, la naissance de ses enfants. J’aurais voulu voir tout cela de mes yeux, rire, aimer et pleurer avec eux chaque fois que la vie l’aurait permis. Avoir manqué tout cela m’attristait, mais moins que de savoir que ma petite sœur s’était interdit le bonheur à cause de moi. Cela m’aurait bien plus dévasté. Anna était donc maman, d’une fille lui ressemblant fortement au même âge, mais aussi d’un petit garçon que j’allais pouvoir rencontrer une fois de retour à Arendelle. Notre famille s’était agrandie au-delà de mes espérances et je ne peux m’empêcher de penser que père et mère auraient été tout aussi fiers d’elle que je ne le suis aujourd”hui.

Le récit de ces vingt dernières années est repris pour Olaf tandis que je plonge plus loin dans le passé pour raconter à Iduna comment s’était révélé mes pouvoirs. Et il me semble qu’ils avaient toujours été là, aussi loin que je me souvienne. Tout comme Anna. Au travers des jeux et des histoires d’enfants, mes pouvoirs s’étaient toujours exprimés sans même que je ne sache comment et pourquoi. Ils étaient simplement là, chaleureux et doux, jusqu’à l’accident qui nous avait conduit à nous éloigner Anna et moi. Jusqu’à ce qu’Anna me libère de la forteresse dans laquelle je m’étais enfermée. Le palais. Une forteresse et prison dans laquelle Anna avait enfermé sa propre fille pour la protéger et lui éviter un destin tout aussi tragique que le mien. Elle ne le dit pas Anna, mais je sais que ce sont ces raisons qui ont motivé son geste. La peur d’une mère pouvait parfois faire prendre des décisions peu judicieuses, mais qui pouvait vraiment en vouloir à Anna pour cela, après tout ce qu’elle avait enduré… Et Iduna comprendrait aussi. En sachant tout ce que j’avais traversé avec mes pouvoirs, en voulant suivre cette voix qui m’appelait bien au-delà de la forêt enchantée, elle comprendrait pourquoi sa mère lui avait imposé ce sort. Et je suis sûre qu’elle lui pardonnerait. Je tente donc de réconforter Anna sur son geste, même si je ne l’approuve pas vraiment. Elle a fait ce qu’elle pensait être le mieux pour sa fille, comme père avait pensé faire le mieux pour moi.

Anna dans mes bras, je me montre réconfortante au possible. Pleurer le passé ne changerait rien. Un nouvel avenir nous attendait, tous ensemble, et le plus important était là. Alors que les larmes de ma soeur sèchent, je regarde aux pieds d’Iduna la petite fleur percer la neige. « Je n’ai pas ce genre de don, et les esprits de la forêt non plus. » Un sourire rassurant vient prendre place sur mes lèvres avant de regarder tour à tour Kristoff et Anna, qui acquiescent. Iduna semblait avoir un lien particulier avec la nature. « Je pense que tu dois avoir quelques questions à poser à tes parents, et moi, sur tout ça, n’hésite pas à le faire. Et ne t’inquiète pas, tu verras que ton pouvoir est très ancré en toi, et très influencé par ce que tu peux ressentir, mais il fait partie de toi, et comme tout le reste, il n’est pas hors de contrôle. » Iduna ne devait pas faire la même erreur que moi et se laisser dépasser par son pouvoir. C’était elle qui le contrôlait, et non l’inverse. « Les jardins du palais seront plus beaux qu’ils ne l’ont jamais été. » Je ris doucement, ce n’était surement pas pour cette raison qu’Iduna avait été doté d’un pouvoir, mais parfois, il pouvait être rassurant de pouvoir se sentir utile. « Je ne peux rien affirmer, mais il est possible qu’à partir de maintenant, tu n’entende plus la voix. Mais si cela devait se reproduire, parle nous Iduna. Nous ferons tout ce qui est possible pour t’aider à traverser ça. Tu n’as pas à le faire seule. Je ne l’étais pas non plus. » Même si j’étais la seule à avoir atteint Ahtohallan, Anna, Olaf, Kristoff et Sven avaient été là pour m’épauler, les northuldra et les esprits pour me guider et m’apporter des réponses. Et nous serions là aussi pour Iduna si cela était nécessaire.

Tante Elsa réconforte maman, et moi... je me souviens. L’algue, les racines et les fleurs dans la neige. Ces fleurs qui faisaient pleurer maman lorsque j’étais enfant. Les trolls qui ont accepté de l’aider avec réticence, qui lui on rappelé que ça ne durerait pas.

Et soudain, à mes pieds, une petite fleur blanche en forme de clochette émerge de la neige. C'est moi qui ai fait ça ? Tante Elsa n'a pas ce genre de dons, et les esprits de la forêt non plus. Papa et maman hochent la tête, comme pour confirmer que c'est bien moi qui ai fait ça.

Tante Elsa pense que je dois avoir quelques questions à leur poser, à mes parents et à elle, sur tout ça - et m'encourage à ne pas hésiter. Je ne dois pas m'inquiéter, dit-elle. Il fait partie de moi. Il est très influencé par ce que je peux ressentir, mais il n'est pas hors de contrôle.
- Je ne sais pas vraiment m'en servir exprès... mais je crois que c'est comme ça que je suis descendue te rejoindre. Et comme ça que j'ai voyagé avec l'esprit de l'Eau, aussi.

Les jardins du palais seront plus beau qu'ils ne l'ont jamais été. C'est vrai, je peux ? je demande à maman. D'habitude, je n'ai pas le droit d'aller dans les jardins, encore moins de participer à l'entretien des fleurs.  Ma mère sourit doucement, hoche la tête. J'ai presque l'impression qu'elle a rajeuni, tout à coup.

Tante Elsa pense que je n'entendrais plus la voix... Mais je dois leur en parler si cela se reproduit. Ils feront toux pour m'aider à traverser cela. Je ne suis pas seule, et elle ne l'était pas non plus. Je hoche la tête.

Tu m'aideras à apprendre ?

C'était décidé, Runa en avait terminé avec les gants - soi-disant "de dame" le matin et la tisane soporifique le soir. Elle en avait fini de se cacher entre les murs du château et d'accepter de demi-réponses. Désormais, sa famille était à nouveau réunie, elle voulait qu'ils vivent tous ensemble, libres, et elle voulait voir de quoi elle était capable.