Mads dévisageait son cygne à la recherche d’une émotion tangible. Elle était dure à déchiffrer, il avait déjà eu l’occasion de le voir. Pour l’heure, il ne pouvait que deviner une grande déception ainsi qu’une forme de colère. Elle était si distinguée. Même dans cet état. Ça forçait l’admiration. Le regard du flic s’était fait plus doux alors qu’il comprenait que l’avis de la jeune femme sur lui comptait. Il ne voulait pas qu’elle positionne du mauvais côté de la barrière ce qu’elle avait de toute évidence déjà fait. « Et pourquoi pas ? » qu’il s’était entendu dire quand elle avait ironiquement dit qu’il était un héros. Il n’avait pas cette prétention mais il était persuadé d’être du bon côté, celui des gentils dans les films. Il ne faisait que semblant d’être un méchant mais ça elle n’en savait rien. « Je promets de tenir cette promesse. » qu’il affirma, se moquant bien de ses mises en garde. Il n’avait qu’une parole, il le savait. Elle ne le croyait pas mais ça la regardait. Mads avançait et elle ne reculait pas. Comme quoi. Elle n’avait pas peur. Il ne lui faisait pas peur. Tout n’était donc pas perdu. Ou alors, elle était complètement dingue ce qui, à la réflexion faite, était fort probable. « Bien sûr que non. Je n’ai pas la prétention de vouloir vous apprendre quoi que ce soit. » Il caressait la bête dans le sens du poil. Des plumes plutôt. Doucement petit cygne sauvage, doucement. « Très bien. » qu’il avait dit en opinant du chef alors qu’elle l’envoyait balader une première fois. Elle ne voulait pas de son aide, ni de sa protection. A vrai dire, il ne lui avait pas demandé son avis et il comptait bien faire sans. Aussitôt, elle avait tourné les talons et commençait à marcher. Mads, lui, avait commencé à la suivre. Quelques mètres plus tard, elle se retournait pour tenter de le congédier une nouvelle fois. Il secoua la tête. « Vous ne comprenez pas. Je ne me fais pas du soucis pour moi, je n’ai rien à me reprocher. Je suis inquiet pour vous. » Et c’était la vérité la plus pure seulement elle ne le croirait jamais. D’ailleurs, elle avait repris sa marche et si Mads ne se dépêchait pas, il allait finir par perdre sa trace.

Les yeux de Mads me dévisagent, comme s’il cherchait à retrouver le visage d’ange de la danseuse, de celle qu’il voulait séduire et se servir, comme tout autre. Ce masque que j’arborai comme tant d’autres. Ou peut-être cherchait-il à savoir ce que je comptais faire pour la suite : m’enfuir en courant, me jeter sur lui, dégainer une arme, ou appeler la police ? Rien de tout cela. J’étais peut-être devenue obsédée par la haine et l’envie de leur faire subir tout ce que j’avais subi, peut-être étais-je un peu folle, mais ce n’était que le résultat de la douleur terrible qui me terrassait et du chagrin que je ne pouvais surmonter. Tout ceci vrombissait en moi, et cette scène ne faisait que remonter tout cela. Mads plus qu’un autre, sans que je ne sache pourquoi il provoquait chez moi une réaction si violente. Ma déception à son encontre était grande. Pourquoi ? Je n’attendais rien de lui pourtant… Et pourtant, un instant durant notre première rencontre, j’avais espéré mieux…

Ma gorge se serra un instant, mais je me repris, m’armant de mon armure de cynisme. Mes lèvres frémirent. Pensait-il sincèrement que quiconque le verrait comme un héros en travaillant pour le clan ? « Les héros n’existent pas. » lui rétorquais-je, avec une forme de mépris et une soudaine tristesse vint troubler mon regard. Les héros n’existaient pas et ceux qui essayaient, finissaient tous par se faire tuer. Je me mordis la lèvre, perturbé par mes propres pensées, énervée de me laisser dépasser si facilement. Et sa nouvelle promesse ne fit que m’agacer un peu plus. A nouveau il touchait une corde sensible que je pensais avoir enterrer profondément depuis bien longtemps. Je serrais les dents. Je ne répondis rien, détournant la tête. Cela n’avait aucune importance ce qu’il me disait de toute façon. Il ne comptait pas pour moi, alors ses paroles n’avaient – ne devraient – avoir aucune importance elles non plus.

"C'est pourtant bien ce que vous semblez tenter de faire..." Rétorquais-je, en lui lançant un regard d'avertissement, peut-être un peu plus doux que je ne le voudrais. Ou résigné... De toute façon, il n’avait même pas l’air d’écouter le moindre de mes arguments. Tout ce que je pouvais faire, c’était m’en aller, ce que je fis. Et il me suivit. Mes yeux le fusillèrent, perdant ma froideur apparente, avant que je ne me reprenne. « Je n’ai pas besoin de votre inquiétude, ni de vos promesses. Elles sont encombrantes. Je me débrouille très bien seule. » Lui dis-je tout en tournant les talons et m’éloignant de lui. Je marchais vite, enfonçant mes mains dans les poches de ma veste. Je voulais m’éloigner de lui, mais quelques regards par-dessus mon épaule, je pouvais voir Mads me suivre. Je traçais ma route, m’arrêtant finalement dans un bar que je connaissais bien, dans celui que je savais que mes clients fréquentaient peu, ce qui me permettait de souffler quelque peu quelquefois. Peut-être qu’ainsi, il finirait par me laisser. Je commandais le cocktail du mois quelque peu au hasard, m’asseyant à une table en hauteur, m’asseyant sur le tabouret. Le barman m’amena un verre au liquide bleu turquoise. Il me connaissait suffisamment pour me laisser seule à ma table, quand d’autres posaient des regards intrigués, voir particulièrement intéressés sur ma personne. Mes yeux balayèrent tous ces visages, l’un d’entre eux sembla croire à un signal pour se lever, initiant une approche vers ma table. Moi, je n’avais pas fait attention pour cette fois, mélangeant distraitement le cocktail avec ma paille, essayant de savoir si Mads m’avait suivi ou non, s’il me surveillait encore.

Les héros n’existent pas. C’était dit, ça avait claqué dans l’air. Evidemment qu’elle n’y croyait pas. Rien ne jouait en sa faveur à vrai dire, il le savait. Il aurait rien que cette fois pouvoir dire la vérité mais c’était bien trop risqué. Il était certain de ne pas avoir besoin de se méfier d’elle mais son côté programmatique lui chuchotait qu’elle pouvait très bien mener un double jeu elle aussi. De plus, la mettre dans la confidence, ça reviendrait à la mettre en danger et il ne pouvait tout simplement pas se le permettre. C’était une civile. Une innocente. Mads avait construit sa vie autour de la protection de son prochain, autour d’une quête de la justice absolue. Et il en était arrivé là, coincé entre deux mondes, forcé à questionner sa moralité encore et encore. Dans les croyances de Mads, les héros existent. La justice aussi. Quelque chose avait rendu son cygne cynique mais il ne savait pas encore quoi. Il sentait une douleur chez elle, il avait l’impression de le voir au plus profond de ses regards froids et détachés. Si seulement ils pouvaient se parler vraiment.
Mads s’était mis à la suivre, la demoiselle avait vu rouge. Ce n’était pas étonnant. Le flic comprenait à quel point ça pouvait sembler intrusif. Elle pouvait même avoir peur de lui, qui sait ? Quelque chose avait changé ce soir. Si le cygne s’était toujours montré méfiant, elle se montrait maintenant inapprochable. Bête sauvage dont il avait perdu la confiance. Il n’avait rien répondu à ses remontrances. Pourquoi faire ? Il n’avait pas prévu de l’écouter et de rentrer chez lui, elle ne comprenait pas que ses intentions étaient louables.
Dans le bar, Mads s’était fait discret. Il voulait garder un oeil sur elle tout en ne paraissant pas trop oppressant. Mais une femme comme elle dans un bar comme celui-là ? Il savait qu’il ne faudrait que quelques minutes avant qu’elle n’ait des problèmes. Ou des sollicitations en tout cas. Et ça n’avait pas loupé. Très vite, un homme s’était approché, initiant une conversation. Sans savoir pourquoi, Mads n’avait rien aimé de ce spectacle. Il ne se passait rien de mal. Peut-être même que le cygne aurait envie de se laisser séduire ? Il n’était personne pour l’en empêcher. Néanmoins, il n’avait pas pu s’empêcher de se lever et, abandonnant son verre derrière lui, s’approcher du couple. « Non. » qu’il avait simplement dit avec autorité en repoussant l’homme de son bras. S’il était calme pour le moment, l’homme avait tout intérêt à accepter de s’éloigner pour qu’il le reste.

Mes yeux balayaient le bar, dont la décoration boisée et les lumières tamisées donnaient un aspect chaleureux à cet endroit. L’ambiance était créée et parfait pour cet aspect de détente et avait trouvé un bon équilibre, qui évitait de tomber dans un aspect trop huppé qui les rendait froid, ou bien, au contraire, cette ambiance sombre qui ne laissait pas la place à la détente. Pas pour quelqu’un comme moi du moins. Je l’avais souvent fréquenté cette endroit et je me demandais pourquoi avoir trouvé refuge ici pour fuir Mads. Parce que je m’y sentais plus épargnée, la sécurité étant un sentiment que j’avais oublié ? Je préférais me convaincre de cela que de laisser d’autres pensées faire leur chemin. Je devrais avoir peur de lui, au moins m’en inquiéter, ou encore le détester, certainement pas lui montrer une part de ma vie. Et prendre le risque que le barman révèle mon prénom…

Alors je continue d’observer autour de moi, distraite par mes pensées, distraite par le fait de rechercher Mads, sans savoir pourquoi exactement… Ma marche m’avait calmé vis-à-vis de lui, ce qui ne devrait pas. Je devrais le détester. Il fallait absolument. C’était vitale. Alors pourquoi ? Cette idée me fit serrer les dents et baisser les yeux sur mon verre. C’est à ce moment qu’une voix me sortie de mes pensées. Je relevai mes pupilles, croisant le regard de celui qui venait m’accoster. « Bonsoir. Je n'ai pas pu m’empêcher de remarquer votre entrée. Vous êtes très élégantes. Est-ce que vous attendez quelqu’un ? » L’inconnu marquait quelques points. Si son approche était peut-être brusque, il se montrait polie – ce qui était bien plus que bon nombre de personnes –, il prenait le temps de me complimenter et pas seulement pour mon apparence, mais ce que je dégageais et si j’étais accompagnée. Oui, il marquait quelques points, en théorie. Je m’apprêtai à répondre, quand une présence menaçante fit son apparition. Je sentis une émotion faire son apparition, vague, que je mis sur le compte de l’agacement.

Mon regard détaché se posa sur lui, mes doigts arrêtant leur course sur ma paille. L’inconnu lança un regard mécontent à Mads, essayant d’affronter le regard du ganster. Il avait un certain courage, il fallait le reconnaitre. « Je ne crois pas que vous ayez été invité. » Lui dit-il. Je les observais, restant silencieuse un instant. Je pouvais accepter la proposition de l’inconnu, pour me débarrasser de Mads. Une réaction très égoïste, mais qui était plus que nécessaire ici. « Vous non plus n’avez pas été invité si je ne m’abuse. Finis-je par intervenir, mes yeux posés sur l’inconnu, ramenant l’attention sur moi. Je finis par faire un sourire affable, avec une pointe de charme. Merci pour votre proposition et votre compliment me touche, mais je suis accompagnée. » Ajoutais-je en lançant. L’inconnu fut désarçonné par ma réaction, lança un regard à Mads, hésita, puis finit par tourner les talons. Je laissai un silence s’installer entre nous, mes doigts reprenant leur mouvement. Mes pupilles finirent par se poser sur loup. « En plus de me suivre pour ma sécurité, vous comptez également faire fuir tous ceux qui s’approchent de moi ? » Questionnais-je, cynique, en me redressant, mon dos s’appuyant sur le dossier. « Vous êtes bien encombrant. » Je n’avais qu’à lui dire de partir. Oui, tu n’as qu’à lui dire… Je saisis le pied de mon verre, portant la paille à mes lèvres, prenant une gorgée du liquide bleuâtre.

Si Mads avait promené son regard dans la salle du bar, c’était seulement pour voir qui pourraient potentiellement s’y trouver pour importuner son cygne. Il se moquait bien de la décoration et même du verre qu’il avait pourtant commandé. Son attention était toute focalisée sur elle. Il était hors de question qu’il lui arrive quoi que ce soit. Ni par sa faute, ni tout court. Le flic se tenait prêt à agir et dès que l’occasion se présenta, il sauta dessus. Il s’imposait alors qu’elle lui avait demandé de la laisser sans aucune vergogne. Il ne pouvait pas laisser faire ça, pas sous ses yeux, c’était plus fort que lui. Il savait pertinemment qu’il dépassait les limites mais son cerveau s’était mis en off à la minute même où il avait été question de défendre la belle blonde. Mais la défendre de quoi au juste ? Mads n’avait rien remarque d’irrespectueux, encore moins de dangereux. Il pourrait dire qu’il anticipait quelque chose de mal mais la vérité c’est que rien ne laissait penser que ça allait tourner mal et, connaissant le cygne, elle était largement capable de s’en sortir seule. Pourtant il était là, l’air grave, à repousser cet homme comme s’il était un vulgaire envahisseur. Il n’avait pas cillé quand ce dernier avait rétorqué qu’il n’avait pas été invité et pour seule réponse, Mads le défia du regard. Il savait avoir l’air dangereux. Ou bien il l’était. Des fois, Mads ne savait plus trop démêler le vrai du faux. Et puis Swann était intervenue, congédiant l’inconnu en prétextant être accompagnée. Ce n’était pas tout à fait un mensonge puisque Mads n’était présent ici que parce qu’elle l’était. Un bref instant, on avait pu voir un sourire satisfait sur le visage du flic. Sourire qui s’était vite évanoui alors que la danseuse le décrivait comme encombrant. « Il aurait pu être dangereux. » qu’il répliqua avec un brin de mauvaise foi. Elle devait certainement penser qu’il était lui-même l’homme le plus dangereux dans la pièce. Quelle erreur. « Et pour être franc… Vous méritez mieux. » Peut-être que de caresser son cygne dans le sens des plumes allait un peu la radoucir ? Mads tentait la flatterie mais savait très bien que la jeune femme n’était pas aussi facilement apprivoisable.

Mes yeux posés sur les deux hommes, pendant un instant, je craignis le pire. L’inconnu ne semblait pas prêt à céder du terrain face à Mads et ce dernier était plus que dans une opposition. Serait-il prêt à le frapper seulement pour l’éloigner ? Sans aucune raison. Je l’avais bien vu cette violence ce soir, pourquoi pas une autre de sa part ? Pourtant, une petite étincelle, qui continuait de croire en lui malgré mes tentatives pour l’éteindre, semblait persuadé qu’il n’irait pas jusque-là. Il tiendrait sa position, continuerait de repousser l’homme s’il insistait, mais le frapper ? Non, quelque chose refusait d’y croire, et cela m’énervait. J’aurais préféré le voir uniquement comme un homme mauvais, prêt à tout pour obtenir ce qu’il voulait. Ce serait bien plus simple ainsi…

Malgré tout, pour éviter une catastrophe, j’étais intervenue, repoussant ses avances. L’homme fut suffisamment éclairé pour faire marche arrière et nous laisser. J’avais alors ramené mon attention sur le loup, agacée par ses interventions dans ma vie, par son petit sourire qu’il fit rapidement disparaitre. Agacée qu’il se croit permis de s’imposer de la sorte. Un rire sans joie s’échappa de mes lèvres. « Dangereux ? Ce n’était pas lui le plus menaçant ici. Et si je ne sais pas gérer un homme comme lui, il vaudrait mieux que je me reconvertisse rapidement. » Par ce biais, j’espérais le ramener à notre statut originel : la danseuse et le client. Ce n’était pas la première fois que je rencontrais des difficultés avec des clients un peu trop insistant, pour qui le rêve ne s’était pas arrêté à la sortie du club. Mais Mads était différent : il s’imposait, mais gardait une forme de respect ? Ce n’était pas vraiment cela, mais disons que ça y ressemblait.

Je levais un sourcil sur sa réplique suivante, un peu surprise, avant que la colère ne remonte et ne vienne poser un voile sombre sur mes pupilles. « Je mérite mieux ? Qui êtes-vous pour vous permettre un tel jugement ? » J’avais eu mieux. J’avais tellement eu mieux que n’importe qu’el homme ici. Et lui se permettait, alors qu’il était l’un d’entre eux… Je détournais la tête, autant par colère, que pour ne pas qu’il me voit débordé autant. Je ne réagissais jamais en temps normal. Leurs commentaires glissaient sur moi. « Si je souhaite passer la soirée avec quelqu’un, vous n’avez rien à dire là-dessus. Vous êtes un de mes clients, n’oubliez pas ça. Je ramenais mon regard sur lui, ayant repris une expression plus calme, remettant mon masque de cynisme. « Mais je serais curieuse, qu’est-ce que je mérite selon vous ? »

Mads n’était pas mécontent de la manoeuvre du cygne. Elle avait éloigné l’autre type qui, pour une raison qu’il ne s’expliquait pas vraiment, avait tout d’un minable pour Mads. Une forme de jalousie ? Sans doute mais il était hors de question de l’admettre. C’était déjà assez d’avoir fait le déplacement pour écarter cet homme. Si la danseuse lui demandait des comptes, il aurait du mal à justifier son comportement. Ça ne s’expliquait pas. Ce n’était que de l’instinct. Le flic avait à peine eu le temps de savourer sa petite victoire que son cygne s’acharnait déjà sur lui. Elle était dure, ça, il le savait déjà mais il ne pensait pas s’attirer ses foudres aussi rapidement. C’est dommage. Il n’aura fallu qu’un petit événement de rien du tout pour retourner totalement une situation. « Je suis le plus menaçant alors. » qu’il souffla, conscient que tout se jouait contre lui. Ses intentions étaient pures, il serait prêt à le promettre, mais ses promesses n’avaient plus aucune valeur aux yeux de la jeune femme. La colère grondait de nouveau dans sa voix, Mads restait stoïque. Venait-il de toucher un point sensible ? Etait-ce une peine de coeur qui avait rendu le cygne si méfiant ? Mads avait l’impression d’avoir enfin une piste, un indice sur la personne en face de lui si bien qu’il n’était pas mécontent de se faire enguirlander de la sorte. « Rassurez-vous, ce n’est pas parce que je me sens supérieur que je pense ça. » Il laissa sa réflexion en suspend, pas certain de vouloir continuer. Il se lança cependant après quelques secondes de plus à réfléchir : « C’est parce que je vous pense supérieure. » Il détourna brièvement le regard. « Je suis un de vos clients, oui, mais nous ne sommes pas sur votre lieu de travail. » qu’il fit remarquer, ses yeux retrouvant finalement ceux du cygne. Il haussa les épaules à sa question. « Quelqu’un qui vous ressemble. Plus de charisme, plus de caractère que ce gars. » Etait-ce la mauvaise foi qui parlait et le poussait à dénigrer cet inconnu ? Peut-être. Mads ne savait pas trop s’il était objectif ou pas. Il était en tout cas sincère.

Mads se tenait toujours devant ma table, presque comme s’il souhaitait provoquer tous les autres de venir vers nous. Quelques regards nous étaient encore lancés, inquiet de le voir toujours debout devant moi. Le barman nous regardait aussi, mais je l’ignorais. Je ne voulais pas qu’il se mêle de ça, ni qu’il fasse l’erreur de prononcer mon nom. Mads n’avait pas besoin de le savoir, encore moins avec cette attitude qui m’énervait, alors que sa position n’avait rien de dangereuse. Son regard était presque trop doux pour quelqu’un comme lui. Quelqu’un censé être un danger. « Prenez un air plus charmant la prochaine fois de menacer quelqu’un dans ce cas. » S’il avait si peur de mon jugement après tout, il n’avait qu’à faire autre chose… Et moi je devais rester sur mes positions face à quelqu’un comme lui.

Comment faisait-il au juste ? Pour réveiller aussi violemment ses sentiments en moi. Une simple phrase et je sentais déjà les flammes de la colère monter en moi. Une phrase, un mot, un sous-entendu. Je méritais mieux. Soi-disant… Il ignorait tout de moi pourtant. Il n’avait aucune idée de qui j’étais. Et, si je n’aimais pas les membres du clan, que je souhaitais leur perte, eux ne me provoquait que du rejet. Seul les responsables réveillait chez moi cette vive haine, que j’avais du apprendre à maitriser, même dans mes émois les plus violents. Mais Mads… c’était un cocktail imprévisible, que je détestais ressentir. Je le détestais pour ça. J’avais croisé mes bras sur ma poitrine, tandis que le loup chercha à m’apaiser j’imagine. J’enfonçais mes doigts dans mes bras. « Vous semblez me placer en bien haute estime pour quelqu’un dont vous ignorez tout. » Lui rétorquais-je en ramenant mes yeux sur lui, sans savoir si ses paroles m’atteignaient. Je posais mes coudes sur la table, me penchant en dardant mon regard sur lui. « Non, nous ne sommes pas au club, mais je n’apprécie pas que mes clients fassent irruption dans ma vie privée. » Même si j’avais connu bien plus envahissant et lourd que lui, mais ils restaient plus gérable que Mads… Puis je me sentis déroutée par les paroles qu’il prononça. Je m’étais attendue à bien des choses, mais certainement pas à cela. Il n’avait pas vu la douce et séduisante Swann ce soir, mais ce qui restait de Svana : froide et en colère. Je détournais les yeux. « Vous semblez persuadé que je comptais faire ma vie avec cet homme. Ou vous avez une dent contre lui. » Et je refusais de penser à la raison qui l’avait poussé à intervenir. Je ramenais mes yeux sur lui, relâchant mes bras. « Et je suppose que dans cette pièce, le quelqu’un qui me ressemble, ce serait vous ? » Mes yeux se plantèrent dans les siens. Un vague doute s’insinua en moi. Pourquoi avais-je posé cette question ? Ca ne ferait que le conforter dans ses interventions auprès de moi.