Tu rigoles. Tu rigoles doucement quand elle te demande de faire venir Silas pour qu’il puisse lui parler. Tu secoues la tête quand elle insinue aussi qu’elle pourrait, par choix, juste faire le tour du garage pour avoir ce qu’elle veut. Mais tu sais aussi ce que cela voudrait dire. Tomber sur des choses que le public n’est pas censé connaître. Tu baisses un peu la tête, croisant son regard. Tu grognes intérieurement, parce que le brun avait raison. Cette petite te plaît. Elle te plaît de plus en plus, mais tu aurais plus de chance de voir la tête de Jésus en priant qu’espérer ne serait ce qu’un seul instant qu’elle pourrait te laisser une chance.

Vous n’êtes pas du même monde, du même milieu. Elle est à des kilomètres de tes problèmes, et même si elle pense pouvoir en éliminer certains en faisant sortir ton frère de prison, il y en a d’autres qu’elle ne pourra jamais combler. Tu soupires et secoues la tête. Tu commences à ouvrir la porte pour vérifier quelque chose dehors et te mets à siffler. Un de tes hommes arrive, une tête de plus, la barbe noire et le regard fou. Tu fais signe pour qu’il se baisse pour lui parler et montre la blonde dans la pièce.

- Amène-la à Silas. Qu’personne n’les dérange pendant qu’ils parlent. Pigé ? Sinon, j’les plombe.

Il redresse la tête, observe un instant la jeune femme et hoche la tête en te regardant de nouveau. Il sort, attendant devant la porte comme un brave soldat. Tu recules pour montrer la porte grande ouverte.

- Mon pote Mika va vous guider. Sil’ bosse à l’accueil, il quitte jamais son bureau. On a trop d’merdier à rattraper d’puis qu’mon père est plus là.

Que tu dis en tirant de nouveau sur l’incendiaire. Tu ne rajoutes rien de plus, te disant que cela ne servirait à rien, vu la situation.

- Bonne chance avec lui.

Que tu souffles quand elle passe devant toi alors que tu as la tête baissée. Tu ne rajoutes rien de plus, te contentant de la regarder marcher, te maudissant un peu. Ouais nan… Trop bien pour toi...

La tête dans les papiers, sur l’ordinateur, tu ranges rapidement les archives et mets à jour les comptes pour que les comptables et les huissiers ne vous tombent pas dessus. Par chance, Søren est assez discret pour que le garage passe inaperçu aux yeux de la loi. Tu sais que les garçons du gang le remercient tous les jours pour ça, même les simples mécaniciens qui sont au courant, sans porter le cuir sur leurs épaules. Tu souffles un peu, réussissant à terminer enfin de trier correctement les comptes de l’an passé et peut les ranger dans l’armoire derrière toi.

Une bonne chose de faite. Tu passes tes mains sur ton visage en inspirant doucement, avant que ton regard ne se perde sur une photo qui traîne sur ton bureau. Une photo des jumeaux. Tu souris doucement avant de te lever pour regarder à la fenêtre ce qui se passe dehors. Tu grimaces, ayant vu la nervosité des hommes depuis que la jeune avocate était entre vos murs. Tu grimaces pour t’éloigner et retourner à trier tes papiers. Cette fois, tu peux attaquer les plus récents et les commandes pour le garage. Mais tu n’as pas le temps de t’y attarder plus que ça, qu’on toque à la porte du poing.

- Hein ?
- Hey ! C’Mika ! T’as la donzelle du boss qu’veut t’voir !

La… Qui ? Tu fronces les sourcils, sans pouvoir répondre qu’il ouvre déjà la porte et laisse passer… Ah bah l’avocate. Tu bascules la tête sur le côté, croisant le regard du motard et sembles lui demander, sans pour autant le dire à voix haute :

"Sa donzelle ?"

Il hausse les épaules et referme la porte derrière lui. Tu soupires et fais signe à la jeune femme de s’asseoir sur la chaise de l’autre côté de ton bureau.

- Désolé pour leur langage… Café?

Elle veut bien parler à Silas Dam, mais elle est un peu moins partante pour le chercher dans tout le garage. Entre ce qu’elle pourrait découvrir qu’il ne vaut mieux pas et l’air patibulaire des hommes qui travaillent dans les environs, elle ne peut pas dire qu’elle se sente particulièrement rassurée. Pas après que Sonny Aagaard ait brisé une vitre en voulant la frapper. Elle n’est pas sûre de ce que ces hommes pourraient faire si elle les croisait par inadvertance là où ils considèrent qu’elle ne devrait pas être. Elle n’a pas très envie de le vérifier, du reste. Elle préfère largement qu’on aille chercher le jeune homme et qu’on le fasse venir à elle directement. Naturellement, cependant, ce n’est pas vraiment ce que Søren Aagaard fait, appelant un homme en lui demandant de conduire la blonde jusqu’à Silas. Et quand elle voit qu’il la dépasse d’au moins deux têtes, quand elle voit l’épaisse barbe mal taillée et le regard fou qui lui jette des coup d'œil, elle ne peut pas dire qu’elle se sent particulièrement rassurée par l’idée qu’il lui serve de guide. Préjugé ? Sûrement. Mais ce n’est pas comme si le quartier était sûr. Pas comme si l’endroit l’était particulièrement, non plus. Pas d’après le dossier, en tout cas.

Il lui montre la porte grande ouverte par laquelle le dénommé Mika vient de passer et elle pince les lèvres l’une contre l’autre, pas plus rassurée que ça. Pourtant, elle se décide à réajuster son sac sur son épaule et sortir dans le couloir, saluant l’homme au passage en lui souhaitant une bonne journée avant de quitter le bureau.

Mika n’est pas très bavard, pour ne pas dire qu’il ne l’est pas le moins du monde, alors qu’il la conduit jusqu’au bureau de Silas Dam, se contentant de grogner des indications plus qu’il ne les dit vraiment. Pas étonnant que le dossier soit notifié comme compliqué. Entre ceux qui ne savent rien, ceux qui ne veulent pas parler et les autres… Hormis avoir découvert la relation amoureuse de son client on peut dire que, pour le reste, elle a fait chou blanc. Et ça n’arrange pas vraiment ses affaires.

La donzelle du boss. Elle lève les yeux au ciel en entendant ce langage. Elle n’est la donzelle de personne. Ni celle de Sonny Aagaard, ni celle de Søren Aagaard, ni celle d’aucun des hommes de ce garage. Personne. Stupidement seule comme chacun de ses réveils se plaît à le lui rappeler, merci. Elle pince ses lèvres de nouveau l’une contre l’autre, secouant la tête. La donzelle du boss. Rien que ça. Quand ils en auront terminé avec tout ça, quand cette histoire sera derrière eux, ils pourront tous reprendre le cours normal de leurs vies, alors et ne se reverront tous deux qu’au café, là où elle restera en dehors de ses affaires, comme il l’avait demandé.

Entrant dans le bureau, elle s’installe dans la chaise que le comptable lui désigne et reste silencieuse un instant, le temps que Mika sorte, en réalité, gardant son attention sur le brun qui lui propose une tasse de café. Il y en a au moins un, ici, qui sait être un minimum poli.

"- Seulement un verre d’eau, s’il vous plaît." demande-t-elle en continuant de l’observer, sans encore entrer dans le vif du sujet. Elle a besoin de son attention pleine et entière, pour ça.

Tu demandes un café, mais elle dit qu’elle ne désire que de l’eau. Tu hoches alors la tête, te levant pour aller vers le petit coin pause cuisine qu’il y a dans ton bureau. Tu récupères un gobelet en carton pour prendre de l’eau du robinet avant de te faire couler un café. La machine ronronne et tu te tournes pour attendre un peu, t’adossant au plan de travail. Tu réfléchis, attendant qu’elle parle, mais voit bien qu’elle voudrait que tu reviennes au bureau pour parler. Tu soupires, ton regard se posant sur tes affaires, tes photos, les décorations sur les murs.

Il n’y a pas grand-chose en vérité. Juste des diplômes de comptabilité eu grâce à des rapides formations en ligne, une affiche du garage, des vieux flyers de publicité et une photo complète du gang et des membres du garage. Tu manques de sursauter, sorti de tes pensées, lorsque l’alarme de la machine se fait entendre. Tu récupères ta tasse et le gobelet avant de revenir vers elle avant de poser le tout devant vous. Tu souris un peu, comme tu peux, ne voulant pas te montrer hostile, même si tu ne serais pas capable de lui faire du mal.

- Voilà.

Que tu dis avant de te poser sur ton siège en te pinçant les lèvres. Tu souffles sur ton café chaud, tremblant un peu de la jambe. Tu soupires doucement, gardant la tasse entre tes mains. Tu essayes de te détendre, craignant un peu la discussion à venir et souffles un peu, avant de te redresser en souriant comme tu peux à ton interlocutrice.

- En quoi je peux vous aider, mademoiselle ?

Que tu demandes, simplement avant de jeter une nouvelle fois un regard à la photo sur ton bureau. Mais dans quoi se sont encore foutus les jumeaux ?

Comme il propose un café, elle décline son offre, acceptant néanmoins un verre d’eau comme elle sent sa gorge un peu sèche, consciente que son interrogatoire à venir ne sera peut-être pas des plus faciles. Puisque Sonny et Søren Aagaard ont décidé d’être muets comme des tombes et de ne rien lui donner, pas la plus petite information, pas même le plus petit os à ronger, elle ne peut pas être sûre que Silas Dam fera plus d’effort ou se montrera plus coopératif que ça. Elle ne peut pas être sûre qu’elle ne repartira pas de ce bureau encore plus déconfite et frustrée qu’en y entrant, fomentant déjà les plans d’une prochaine visite. Parce que s’ils ne lui donnent rien aujourd’hui, elle sera tout de même obligée d’insister. Obligée de revenir. Pas qu’elle en meure d’envie, d’autant plus qu’elle ne se sent pas des plus à l’aise dans ce garage, encore que celui-là et Søren sont toujours moins impressionnants, ou dérangeants, que les autres qu’elle a pu croiser jusque là.

Il revient s’asseoir à son bureau, posant son verre d’eau devant elle et elle le remercie, s’empressant d’en boire une gorgée avant de reposer le gobelet, fixant l’homme qui lui fait face et qui souffle lui-même sur son café fumant pour le refroidir un peu et pouvoir le boire. Se faisant, elle analyse son langage non-verbal, remarquant sans mal qu’il ne se sent pas des plus à l’aise comme en témoigne sa jambe qui tremble. Des secrets à cacher ? Des choses qu’il voudrait ne pas voir dévoilées ? L'inquiétude de réaliser que son partenaire pourrait sortir, en fonction de ce qu’il donnera à la demoiselle ? Peut-être. Mais elle a besoin qu’il parle pour en être sûre. Besoin qu’il lui confie ce qu’il sait, ce qu’il a à dire. Et, enfin, il semble prendre son courage à deux mains, demandant comment il pourrait l’aider.

"- Monsieur Dam, je suis Maître Ilsøgh, je suis avocate et chargée de gérer le dossier Sonny Aagaard, mon prédécesseur ayant de nouvelles obligations. Après réétude du dossier, il apparaît que monsieur Aagaard n’est peut-être pas coupable de l’agression ayant entraîné sa condamnation. Le dossier est donc analysé de nouveau, retravaillé et l’enquête a été rouverte." explique-t-elle en l’observant. "Comme je le disais, je suis chargée d’assurer la défense de Sonny Aagaard et, pour ça, j’ai besoin de savoir ce qu’il s’est passé ce jour-là. La vraie version. Sans les mensonges que Monsieur Aagaard a pu livrer une première fois au tribunal." elle se coupe, l’observant, s’avançant légèrement sur son siège, baissant d’une octave. "Je sais que vous étiez avec lui ce jour-là." murmure-t-elle, avant de baisser d’un ton, encore. "Je sais que vous êtes ensemble. Alors maintenant, je veux savoir ce qui s'est vraiment passé."