Tu sens une certaine tension dans l’air, entre vous. Tu le sens à la manière dont elle tenait son café. Tu savais, depuis le temps, reconnaître quand elle était bien, moins en forme, en colère, stressée… Ces petites manies qui pouvaient t’aider à savoir comment être avec elle… Comment la combler de bonheur, mais… En même temps, tu n’avais pas non plus le droit de trop faire… Tu n’étais qu’un ami pour elle… Un ami… Tu soupires doucement, entendant que tu n’avais pas beaucoup de temps pour la convaincre. Tu la suis, regardant autour de vous et soupires un peu alors que tu la laisses prendre la parole. Tu mets tes mains devant toi, pour te protéger.

- Hey hey, m’engueule pas ! J’suis qu’l'coursier.

Ce qui n’est pas faux. Mine de rien. Tu n’as pas de cuir, tu viens au nom de quelqu’un d’autre. Tu sais qu’elle ne voulait plus entendre parler des Chiens, et même si tu étais parti du gang de toi-même, tu ne l’aurais pas approché… Non, elle ne voulait plus entendre parler de tout le monde, dont toi en passant aussi. C’était même mieux au final pour ton esprit. Tu baisses la tête et te grattes le poignet.

- Si ça t’nais qu’à moi, j’s’rais pas venu ok ?! So’ était prêt à v’nir d’lui-même, mais… Ton père voulait pas. Bref...

Elle n’a pas à savoir ça, en vérité. Elle doit s’en foutre. Tu grimaces et décides d’aller droit au but. Il le faut. Elle ne voudra pas, c’est sûr, mais qu’elle soit au moins au courant du danger qui règne au-dessus de sa tête. Tu déglutis alors qu’elle demande ce qui se passe, ce que tu lui veux. Tu te masses la nuque. Bordel, tu as vraiment besoin d’une cigarette-là...

- Ça va pas t’plaire… Écoute… On a.. Enfin… L’groupe a des soucis et… Ça touche pas les membres… Mais la famille et.. Bah, ton daron veut que tu t’ramènes à la maison...

Plus le temps avançait et plus Ciara sentait qu'elle allait perdre son calme mais elle tenait bon, laissant une chance au biker d'expliquer la raison de sa présence ici. Elle sentit son coeur se serrer lorsqu'il évoqua Soren, son jumeau, sa moitié. Il lui manquait...terriblement. Mais il avait fait un choix, celui de suivre leur père et cela avait brisé leur lien. Elle aurait voulut lui demander comment il allait mais Ciara se retint.

"Que le coursier? Et ça fait combien de temps que tu es devenu un Chien Mikkel...quatre ans? Cinq? Tss je t'avais dis de pas les rejoindre..."

C'était un coup bas. Mais Ciara n'avait toujours pas digéré le fait que Mikkel ait préféré frayer avec les Hounds et embrasser la vie d'un hors la loi alors qu'il savait pertinemment que cette vie lui avait prit sa mère et qu'elle pourrait aussi potentiellement prendre la sienne. Depuis qu'ils étaient enfants Ciara avait toujours été là pour lui pour l'aider à faire ses devoirs, à lui apprendre à lire à lui apprendre à se servir de sa tête. Mais non, ce p'tit con avait préféré suivre son frère.

Comme elle le soupçonnait, le message que lui annonça Mikkel ne lui fit pas plaisir...vraiment pas. Cela lui fit l'effet d'une catastrophe. La jeune femme avait l'impression que tout son sang venait de quitter son corps. Ses yeux azures scrutèrent ceux de Mikkel, dans l'espoir d'y déceler le moindre indice lui indiquant qu'il plaisantait. Interdite, elle décroisa les bras pour pointer légèrement du doigt le biker.

"Pardon? Excuses-moi mais je crois que j'ai mal compris. Tu viens de me dire que papa veut que je rentre? C'est une blague? Tu déconnes hein?"

Le ton de sa voix montait de plus en plus, raisonnant dans le couloir dans lequel ils était.

"J'ai coupé les ponts avec tout le monde, je ne veux plus rien avoir à faire avec le MC ou Soren ou papa ou même toi! J'ai construis ma vie ici!" Elle donna un coup de poing dans l'épaule du jeune homme "J'ai réussi à être interne dans ce putain d'hôpital sans l'aide de personne, et toi! TOI!! Tu viens devant moi et me demander de rentrer!?"

Elle donna un deuxième coup de poing au meilleur ami de son frère pour évacuer sa colère.

"Je peux me défendre seule! Je ne rentrerai pas! Je renoncerai pas à tout ce que j'ai construit!"

Tu soupires. Oui, tu n’es que le coursier en vérité. Tu es techniquement encore qu’un troufion, un prospect pas encore reconnu pour avoir un cuir sur les épaules, malgré le fait que tu travailles bien, comme diraient certains. En vérité, oui, depuis le départ de Ciara, tu as forcé sur le travail, te concentrant sur le gang pour oublier. Pour évacuer. Mais là, l’ironie de la situation fait qu’elle est désormais ton ticket pour l’avoir. Stupide karma qu’on disait. Tu grimaces quand elle te fait remarquer qu’elle t’avait averti de ne pas suivre son frère. Tu te grattes un peu plus fort le poignet et grognes.

Il te faut une cigarette. Tu n’essayes même pas de croiser son regard, ne pas t’énerver pour revenir sur le sujet autant d’année après. Ni évoquer la raison de ce choix. Elle. Alors tu essayes de détruire l’abcès et de dire la vérité, pourquoi tu es là, face à elle aujourd’hui après tant d’années. Tu grimaces de nouveau, alors que tu essayes de reculer pour éviter de recevoir un coup, mais… Son ton de voix monte, résonnant entre les murs. Tu grimaces et reçois un coup-de-poing sur ton épaule. Tu grimaces un peu et secoues la tête en l’entendant hurler.

- Cia… Ciara… Calme...

Oui, bien sûr, se défendre toute seule. Tu lèves les yeux aux ciels et récupères ses poignets pour la ralentir, la maintenir pour qu’elle se calme. Tu soupires alors qu’elle s’excite, qu’elle essaye de partir de ton emprise. Tu n’as pas le choix, tu le dois pour son frère. Tu lâches ses mains, l’attrapes par les épaules, pose ton front contre le sien et plantes tes yeux dans ses billes bleues.

- Birdy… Calme et laisse… Moi… Finir ...

Birdy… Oiseau… Parce qu’elle a toujours aimé avoir sa propre liberté. Parce qu’elle était ce genre de fille, d’animal qu’on ne pouvait enfermer. Tu le savais. Alors oui, Birdy. C’est vache d’utiliser ce surnom maintenant, mais il fallait qu’elle se calme et qu’elle soit attentive.

- On parle d’meurtre… On parle d’la mort d’une Lady et d’un gamin d’un des membres… Ça nous vise, ça nous vise tous et tant qu’ton père est à la tête, t’es une putain d’cible… Ni lui, ni So’ ni moi voulons t’r’trouver une balle dans l’bide ou la tronche… Alors pour ta sécu… Tu… Me … Suis…

Tu inspires profondément, lui laissant le temps de digérer l’information et recules un peu.

- J’te laisse vingt-quatre heures pour faire tes affaires… Régler tes trucs… Et t’as pas intérêt à m’la faire à l’envers… Sinon, nos ennemis trouveront un moyen d’te choper et s’ra pas aussi gentil qu’moi ou un autre des Chiens qu’So enverra à ton cul. Il te foutra dans un coffre de bagnole et te livrera à ton père dans un sac plastique… Tu veux ça ? Moi pas…

Se calmer? Mais comment pouvait-elle se calmer alors qu'elle le passé qu'elle tentait de fuir, débarouler sans prévenir devant elle et foutre le bordel dans sa vie qu'elle essayait de construire? Ciara n'était pas quelqu'un de calme. Elle avait été élevé à "bonne école" et avait développé un certain côté farouche forcément...puisqu'elle était la fille d'un des plus important chef de gang de Copenhague. Alors elle ne se gêna pas pour frapper de frustration, l'épaule du biker. Lorsqu'il lui saisit le poignet et posa son front contre le sien, Ciara déglutit avec peine et elle sentit son ventre tout comme sa gorge, se serrer. Etait-ce de peine ou bien de rancoeur? Elle ne savait pas vraiment mais cela lui fit quelque chose...surtout lorsqu'elle l'entendit l'appeler par son surnom.

Son surnom, c'était lui qui lui avait trouvé lorsqu'ils étaient enfants et qu'ils parlaient encore ensemble de l'avenir qu'ils auraient ensemble, de ce qu'ils allaient faire, de leurs rêves. Ils avaient été si proches et leur amitié avait été si belle que Ciara avait innocemment pensé que cela durerait toute leur vie. Ciara finit par se calmer tandis qu'elle sentait son souffle sur son visage, mais c'est avec amertume qu'elle le fixa du regard. Le futur médecin écouta alors attentivement la raison pour laquelle il était présent ici. Le visage fermé, la belle était attristée d'apprendre que des innocents avaient encore une fois payé le prix des exactions du gang.

"Ce serait jamais arrivé si papa avait décidé de dissoudre de club quand maman est morte." siffla la jeune femme, bien décidé à désigner son père et le gang de tous les maux de la terre.

Cependant, elle réalisa que cette fois, c'était du sérieux et qu'une vraie menace planait au-dessus de sa tête à cause de ce maudis club. Que devait-elle faire? Prendre le risque de rester isolée de sa famille et se prendre une balle comme le disait si bien Mikkel? Ou bien laisser quelqu'un de bien moins patient l'embarquer de force? Bordel...un goût acide remonta dans sa bouche au fur et à mesure qu'elle se sentait mise au pied du mur devant inéluctabilité de devoir repartir chez elle.

Lorsque Mikkel s'écarta finalement de Ciara pour lui annoncer comment les choses allaient se passer, la jeune étudiante se massa un peu la tempe droite. Acculée, elle n'avait pas le choix cette fois. Heureusement, le sous-fifre de Soren lui laissait le choix de pouvoir régler ses petites affaires avant de repartir. Bordel de merde, jamais ils ne la laisseraient tranquille. Fallait-elle qu'elle quitte le pays ou qu'elle change de nom de famille pour enfin avoir la paix?

"Je...vais devoir prévenir le doyen de la fac et mon patron à mon boulot. Je vous préviens, c'est la dernière fois que vous venez foutre le bordel dans ma vie. C'est clair?"

Elle était prisonnière de cette famille. Véritablement.

"Tu vas faire quoi toi en attendant? T'as un endroit ou dormir?"

Ciara commença à bouger pour éviter que le personnel de l'hôpital ne commence à se poser des questions.

Elle finit par se calmer, reprendre un peu de contenance et tu peux enfin avoir un dialogue moins houleux avec elle. Enfin, tu y crois. Elle garde ce visage fermé, morose. Tu soupires. Ce n’était pas simple, non. Tu maudis Soren, maudis son père, mais tu serres les dents pour ne pas cracher ta colère. Parce que ce n’est pas le moment, ce n’est pas l’endroit. Puis malgré cela, ils restent sa famille, un peu la tienne aussi. Mais tu les maudis quand même. Tu baisses la tête quand elle affirme que tout aurait déjà dû s’arrêter après la mort de sa mère.

Une sainte femme… Qui ne méritait pas de disparaître alors qu’elle apportait de la joie dans ce monde de brute. Tu redresses un peu la tête, attendant de voir ce qu’elle répondait quand tu lui exposais les risques pour sa vie, les risques de voir un autre Chien s’occuper de son cas. Mais ils ne sont pas toi. Toi, tu lui laisses un peu de temps pour pouvoir régler son départ, fermer un temps sa vie actuelle pour revenir chez vous. Tu lui laisses le temps d’avertir tout le monde de son absence ponctuelle qu’elle aura. Tu grimaces et soupires.

- J’veux bien moi, Birdy… Mais tu verras ça avec ton daron, ok ?

Parce que oui, tu n’es rien pour le moment dans la hiérarchie. Même pas un Chien, plus un chiot. Un chiot en laisse qu’on envoie balader partout pour que les plus gros se nourrissent en premier sur les proies. Tu vois qu’elle commence à bouger et tu la suis, les mains dans les poches. Tu soupires un peu.

- Ouais, j’ai… J’ai chopé une chambre d’hôtel dans un coin. Pas trop cher.

Que tu dis, haussant les épaules. Tu te masses la nuque.

- Pourquoi ?

Enfin, pourquoi. Tu te doutes pourquoi elle pose la question, mais tu préfères éviter. Trop de problèmes.

- Cherche pas hein ? J’peux m’démerder. J’vais pas t’déranger plus… T’as l’air d’avoir… Réussi donc… J’vais faire tâche dans l’tableau. Tu vois ?

Ça oui, elle irait toucher deux mots à son père et son frère lorsqu'elle sera rentrée au bercail. Car elle ne voulait pas permettre à quiconque de croire que l'on pouvait débarquer dans sa vie et y faire ce que l'on voulait. Ses proches avaient tendance à se croire en "terrain conquis" assez facilement. Il faut dire que peu de personnes leur tenait tête. Heureusement, Mikkel avait trouvé un endroit où crécher en attendant qu'ils repartent pour le QG. Savoir ça rassura le futur médecin car elle n'avait pas du tout envie de savoir Mikke en train de faire "le pet" sous sa fenêtre toute la nuit.

"Pour rien, je veux juste pas que reste sous ma fenêtre toute la nuit. La vieille Ruth, la...proprio, elle risque d'appeler les flics sinon."

Le bruit d'une porte battante s'ouvrant à la volée attira l'attention de la jeune femme tandis que des brancardiers transportaient un vieillard d'un service à un autre. Etait-ce une entrée ou bien un simple transfert? Elle n'aurait su dire. Les brancardiers et le patient passèrent devant eux en leur adressant un signe de tête. Ciara leur offrit un joli sourire avant de se reprendre le fil de la discussion en lâchant un petit rire sarcastique.

"Oh non t'y es pas du tout. Il me reste encore pas mal d'années à faire avant d'avoir mon diplôme, mon appart' est aussi grand que le placard à balais dans lequel vivait Harry Potter et je bosse comme une tarée pour payer mon loyer, en plus de mes études. On ne peut pas parler de réussite pour l'instant."

Elle ne souhaitait aucunement qu'on la plaigne. Ciara avait après tout, choisi cette situation et elle savait pertinemment que tourner le dos à sa famille et l'aide de son père la priverait d'un confort de vie certain. Qu'importe, sa réussite, la belle ne la devrait qu'à sa ténacité et son travail acharné.

"Bon il faut qu'on y aille. Suis-moi, la sortie est par là. Tu m'accompagnes jusqu'à mon travail? Je dois aller chercher ma paye. Ce sera pas long. Et c'est pas loin"

Elle fit un léger détour par l'amphithéâtre où se déroulait certains cours afin de prendre ses affaires et son sac à main. Ses collègues et camarades de promo la regardèrent, un peu étonnés de la voir partir alors que les cours n'étaient pas terminés. Cependant, la jeune femme ne s'attarda pas sur la raison de son départ précipité. Invitant Mikke à la suivre, Ciara quitta l'hôpital universitaire et bifurqua sur la gauche pour suivre la rue jusqu'au bar où elle travaillait presque chaque soir. Un lourd silence bien pesant s'installa entre les deux jeunes gens tandis qu'elle marchait droit devant elle. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes que Ciara desserra enfin les dents

"...Comment va Soren?"

Soren...sa véritable moitié. Bien que faux-jumeaux, ils partageaient un lien particulier comme de nombreux jumeaux. Une relation qui avait été pendant longtemps exclusive, fusionnelle. L'un terminait les phrases de l'autre, Soren se cognait, Ciara avait mal. Un simple coup d'oeil entre eux et ils se comprenaient. Ils ne s'étaient plus parlés depuis son départ alors Ciara n'avait pas résisté à l'envie de poser cette question à Mikkel.