Arrivant dans sa classe une grosse demi-heure avant l’arrivée des élèves ce matin-là, Bianca pose rapidement ses affaires sur son bureau, dans sa classe bien rangée, pour préparer les divers PAI qu’elle doit emporter avec elle pour la sortie scolaire. Jetant un regard aux papiers qu’elle a préparés la veille avant de quitter sa classe, elle range soigneusement les documents dans son sac à dos, s’étant assuré qu’il n’en manquait pas un - et l’ayant vérifié pas moins de deux fois - précautionneusement. Organiser une sortie scolaire, c’est toujours un casse-tête. En trois ans, elle n’en a toujours pas pris l’habitude. D’après ses collègues plus aguerris, on ne s’y fait jamais vraiment. Y’a toujours la peur d’oublier quelque chose, la peur que quelque chose se passe mal. Heureusement, elle n’est jamais seule dans ces moments là. Les enfants sont toujours bien encadrés d’accompagnants qu’elle choisit soigneusement parmi les parents s’étant déclarés disponibles ou, à défaut, de ses propres connaissances qui dépannent.

L’arrivée des élèves approchant, elle rejoint la salle des professeurs pour se préparer un thé, saluer les collègues, échanger avec ces derniers, jusqu’à ce que le bruit de la sonnerie indique l’arrivée du “troupeau”, comme ils disent affectueusement dans l’équipe. Et ça ne loupe pas. Les enfants envahissant la cour, le bruit monte au fur et à mesure. Une grosse journée qui s’annonce, comme tant d’autres. Elle termine son gobelet en fermant les yeux, en prépare un second dans le même gobelet et rejoint la cours pour assurer la surveillance des élèves, plusieurs des siens la rejoignant rapidement, excités par la sortie scolaire - une journée sportive - dont ils veulent parler, quand ce n’est pas pour commenter sa tenue. Les enfants voient tout, se mêlent de tout, ont toujours mille remarques à faire et pas de filtre. On s’y fait, avec le temps.

"- AH ! Mon sauveur qui arrive !" lance-t-elle à ses collègues en apercevant la silhouette de Silas qui entre dans la cour et la remonte pour la rejoindre. "Excusez-moi."

Approchant, elle adresse un grand sourire à l’homme qu’elle a contraint - bien qu’elle n’ait pas eu besoin d'insister - à quitter son garage pour la journée, afin de venir jouer les accompagnateurs - nounou - sur sa journée, faute d’avoir des parents dispos pour l’encadrement ce jour-là.

"- Salut ! Tu vas bien ?" demande-t-elle en arrivant devant lui. "Merci encore d'avoir accepté de me sauver la vie ! Tu veux un thé, un café ?" propose-t-elle en le guidant jusqu'aux locaux de l'établissement.

- P’rquoi t’a dit oui ? Au fait ?
- Pour lui rendre service ?

Un temps. Il y a un temps de silence après cette question alors que ton meilleur ami te regarde, sa cigarette entre les doigts, prêt à placer le mégot entre ses lèvres. Il se met alors à éclater de rire avant de prendre une inspiration de son incendiaire. Tu fais la moue en sachant très bien à quoi il pensait, te regardant d’un coin de l’œil avec une certaine lubricité visible. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’effectivement, tu rendais service à cette jeune professeur des écoles. Tu lui avais dit oui plusieurs fois déjà pour ranger la classe, accompagner les enfants ou simplement transporter ses courses pour ses cours.

Tu avais un bon contact avec les plus petits et cela l’aidait vraiment. Puis, il ne s’agissait juste que d’une sortie scolaire. Mais ton ami motard avait autre chose en tête. Tu soupires.

- C’est une amie, Sø’… Juste une amie.

Il a un rire gras quand tu dis ça, comme si tu venais de dire la blague du siècle, celle qui pourrait faire mourir de rire même les plus réticents et les plus grognons. Tu lèves un sourcil, attendant qu’il se calme pour savoir ce qu’il compte dire en réponse.

- Ouais ouais… Et moi j’suis la Reine Margrethe II… Prends-moi pas pour un débile.

Tu lèves les yeux aux ciels en finissant de ranger tes affaires avant de secouer la tête.

- Écoute… Je file… On en reparle après.
- Bonne journée avec ta brune hein ?
- SØREN !

Que tu hurles avant de quitter le garage. Tu soupires un peu. Bien sûr qu’il ne s'agissait que d’une amie, enfin...

-----------------------------------

Tu gares ta moto tranquillement, avant de rejoindre l’école, présentant ta carte d’invité à l’accueil. Tu souris, parlant un peu avec la secrétaire avant de retrouver tout le monde et cherche du regard la petite tête de… Ah bah..

- Bianca !

Que tu dis en souriant, l’approchant. Tu serres un peu la hanse de ton sac à bandoulière dans la main et te pinces les lèvres en la voyant venir vers toi. Tu rigoles nerveusement.

- C’est rien. Tu as toujours besoin d’un accompagnateur en général, je le sais, alors…. Et non, t’en fais pas… J’ai déjà pris un café au garage…

Que tu dis poliment, en te grattant la nuque.

- Mais dis moi tout. C’est quoi le circuit ou l’activité du jour ? Que je sache comment guider ces petits monstres.

Quand elle voit l’homme approcher, la demoiselle dessine sur ses lèvres un grand sourire et s’empresse de le rejoindre, le remerciant encore d’avoir accepté de lui donner un coup de main comme elle manquait d’accompagnateur. Elle sait qu’elle lui demande souvent de l’aide, que c’est souvent vers lui qu’elle se tourne dans ces cas-là et qu’il pourrait aisément lui dire qu’elle abuse, qu’elle devrait trouver quelqu’un d’autre pour ça. Mais non. Silas ne lève jamais le ton, ne rechigne jamais à rendre service et répond toujours présent quand elle a besoin de lui. Aujourd’hui ne fait pas exception et, comme elle pouvait s’y attendre, l’homme minimise son implication dans l’affaire.

"- Je sais, malheureusement beaucoup des parents de mes élèves travaillent et ne veulent pas forcément prendre une journée pour accompagner les sorties scolaires. Cette fois, je n’ai eu qu’une seule réponse positive, elle ne devrait pas tarder ! Le problème c’est qu’avec mes 21 élèves, je suis obligé d’avoir minimum trois adultes."

Dans d’autres pays moins regardant sur la sécurité, peut-être qu’elle aurait pu envisager de partir seulement avec la maman lui ayant donné une réponse favorable. Mais dans son école, ça n’est pas possible. Pas avec les enfants qu’elle a à encadrer et pas dans le cadre d’une journée qui va nécessiter plusieurs ateliers, même s’il y aura aussi un intervenant extérieur, uniquement chargé de superviser la sécurité des élèves pendant les activités, mais pas pendant les transports ni les temps de pauses.

"- Alors c’est une journée d’olympiades. Le bus ne devrait pas tarder à arriver. On va sortir de Copenhague pour rejoindre un grand terrain à l’extérieur de la ville. Là, nous sommes attendus par un intervenant. Il y a 4 ateliers ce matin, 4 autres après-midi et tous les enfants doivent tourner sur tous les ateliers. On va donc devoir leur distribuer des maillots pour distinguer les groupes et s’assurer qu’ils ne se les échangent pas, tout en les accompagnant dans les ateliers, parce que j’ai préparé les groupes en fonction des niveaux que j’ai pu observer pendant les séances d’éducation physique." explique la brune, passant une main dans ses cheveux pour replacer une mèche derrière son oreille. "Tu as Ivan dans ton groupe, comme je sais que le courant passe bien avec toi…"

Stratégiquement, elle a confié les élèves les plus doués aux accompagnants, pour pouvoir prendre en charge les deux groupes qui le sont moins. Les encadrants n’étant pas des pédagogues, ce n’est pas à eux de corriger les erreurs potentielles d’enfants ayant moins de facilités dans le sport. Mais cela implique que certains éléments… difficiles, leur reviennent. Enfin un, surtout.

"- La maîtresse de la Klassetrin m’en parlait encore il n’y a pas si longtemps ! Cet enfant est très difficile à gérer pour l’équipe éducative mais, avec toi… C’est presque magique comme il t’écoute !"