Il avait arrêté… Pourquoi recommencer ? Il voulait faire quoi en lui taxant cette clope ? Lancer une conversation ? Ouvrir le dialogue ? Lui montrer qu’il n’était pas un gros con ? Elle le regarda de haut en bas, tout en tirant sur sa clope qu’elle avait presque terminé. Eli détestait lorsqu’elle n’arrivait pas à cerner les gens. Et lui là, elle n’arrivait pas à le cerner. Ok elle l’avait ranger dans la case gros con, mais il n’était pas que ça. Il y avait un truc pas net. Elle le sentait. Elle avait de l’instinct pour ça. C’était grâce à cet instinct qu’elle était agent de la CIA. Qu’on était venu la chercher pour faire ce job surtout. Il voulait faire la conversation et en même temps il la remballait. Elle avait du mal à suivre. Là tout de suite, elle s’en foutait un peu de savoir qui il était vraiment. La seule chose qu’elle voyait, c’était que Tobby avait programmé la mort de Byron. Et surtout, qu’elle n’avait rien vu venir ! Elle soupira : « -j’m’en tape de ce que tu peux penser de moi. » ils n’étaient pas ici pour faire ami ami. C’était tout de même très con parce qu’ils allaient bosser ensemble. Même si elle était de la CIA, elle s’entendait relativement bien avec les autres. Il y avait une sorte de bonne ambiance. Sauf aujourd’hui. La journée de la veille avait marqué les esprits. Celui d’Eli plus que d’autre visiblement.

Lorsqu’il se rapprocha, elle ressentit l’envie de le pousser, de le faire basculer dans le vide. Elle avait instauré des distances avec tout le monde ici. Ils s’entendaient bien, mais fallait pas rentrer dans son périmètre de sécurité. Et là, clairement il était trop prêt. Elle évita d’en rajouter, évita avec soin de le pousser, même avec une pichenette. On allait encore lui dire que c’était sa faute si il y avait des morts ! Elle le laissa dégager du périmètre mais il n’avait fait que gonfler sa colère. Alors elle décida d’aller confronter Tobby, et pas de la manière la plus gentille qui soit. Mais après tout, c’était elle la reine des flingues ici. Ils avaient beau se dresser devant elle ou entre lui et elle, c’était Eli qui tenait le flingue. Même si Robby était capable de la plaquer en sol en trois secondes chrono, il n’était sans doute pas assez débile pour ne pas comprendre qu’il devait rester à sa place. Qu’elle était capable d’appuyer.

Eli eut du mal à encaisser la nouvelle. Il était au courant pour Byron. Comment ?! Est-ce qu’il savait aussi pour elle ? « -comment ?! » lança la jeune femme. « -dégage de là connard si tu veux pas que ton torse ait une nouvelle fenêtre ! » il lui faisait quoi l’autre là. C’était pas son problème putain. Elle le regarda droit dans les yeux : « -me tente pas comme ça. » elle avait envie de le frapper. Pas parce que sa tronche ne lui revenait pas, mais parce qu’elle était en colère. Que ça ne faisait que bouillir à l’intérieur. Elle rangea sans arme sans prévenir, comme si rien ne venait de se passer et elle ajouta comme si elle se parlait à elle-même : « -putain et moi j’ai rien vu… comment tu as su ? » elle s’adressait de nouveau à Tobby, poussant Ian d’une main pour se rapproché du chef. En soit Tobby savait qu’elle avait un tempérament nerveux. Quand il l’avait recruté, il avait déjà finit avec le canon de flingue sur la nuque. Fallait pas la suivre de nuit ! Elle eut la sensation que tout le monde respirait à nouveau. « -quoi ?! Vous pensiez vraiment que j’allais lui coller une balle ? » ajouta la jeune femme en regardant tour à tour Max, Jiminy et Robby. D’un ton bien plus calme elle demanda à nouveau à Tobby. « -comment t’as su ? » comme si cette réponse allait être la clé. Comme si maintenant qu’elle savait, elle allait être moins sensible à cette perte. « -un soir je l’ai suivi. » annonça Tobby, les bras croisés, sur de lui. « -un rendez vous avec un costard cravate dans une belle voiture noire. Je suis hackers Eli, un des meilleurs. Ça n’a pas été bien compliqué de trouver les infos. » « -attends mais tu nous fais pas confiance non plus ? » demanda Max. Eli remercia le ciel qu’elle décide de s’y mettre. « -me prends pas la tête Max, bien sur que je vous fais confiance. Mais avec lui c’était différent. Et maintenant on a Ian. Hein mon vieux ?! Vous allez vous entendre à merveilleux tous les deux ! Un vrai petit couple ! » il avait lancé cela en posant sa main dans le dos d’Eli et l’autre dans le dos d’Ian, les rapprochant l’un de l’autre. La téléphone d’Eli sonna. Elle se détacha pour répondre, s’éloignant de quelques mètres. Un contact pour des armes lourdes.

Un petit sourire étira le coin de ses lèvres alors qu’il se rapprochait du rebord du toit « C’est pour ça que tu as trouvé pertinent de rappeler que tu étais une femme de caractère. Si tu t’en foutais réellement, tu ne m’aurais pas corrigé ». Un bref regard quelques mètres plus bas, quelques mots échangés, et il trouva opportun de rejoindre le reste de la cellule. De toute manière, ils n’avaient plus rien à se dire. Peu importe la curiosité d’Eli concernant son passé, il n’en dirait pas un mot tant qu’elle ne serait pas disposée à en faire de même. Il s’apprêtait à répondre à la question de Jiminy sur son intérêt pour les voitures que les voix de Toby et d’Eli raisonnèrent dans l’ensemble du garage désaffecté. Tous se précipitèrent jusqu’à eux, se retrouvant face à une scène presque aberrante. La jeune femme pointait le canon de son arme sur nul autre que le chef de groupe, l’accusant du meurtre de Byron. Finalement, son enquête n’aura pas mis longtemps à se résoudre. Néanmoins, ça avait également fait germer des interrogations dans l’esprit de Ian, qu’il décida d’ignorer. Ce n’était ni le moment, ni l’endroit pour envisager une quelconque manipulation de la part du directeur de la CIA. Et au lieu de rester à sa place, attendant patiemment que la tension s’estompe, il se dressa entre l’arme chargée d’Eli et le chef de la cellule « Je te conseille de me tuer à la première balle, sinon on se rendra tous les deux devant les portes des Enfers » rétorqua-t-il avec aplomb, et non sans une certaine défiance dans la voix. Ce n’était pas parce qu’elle était une femme, qu’il s’empêcherait de faire feu. Un sourire étira les lèvres de l’agent du FBI et tout en se penchant légèrement en sa direction, renchérit « Je sais que tu en meurs d’envie. C’est presque un fantasme pour toi ».

Contre toute attente, la jeune femme rangea son arme dans son holster. Ian osa un bref regard en direction de l’assemblée, puis reporta toute son attention sur Eli, fronçant les sourcils en l’entendant reprendre la parole. Il fit un pas sur le côté, observant tour à tour l’échange entre les deux membres de la cellule. « Parce que c’était pour plaisanter ?! Tu as un drôle sens de l’humour. Rappelle-moi de m’abstenir de faire des plaisanteries ». Manquerait plus qu’elle lui tire une balle parce qu’elle avait pris l’expression « mort de rire » au sens propre. Enfin, cela n’avait que peu d’importance. Ce qui intéressait particulièrement l’agent du FBI, c’était de savoir comment il était parvenu à découvrir la véritable identité de sa victime, qui se trouvait actuellement sur la table d’autopsie. Il l’avait suivi. Note à lui-même : Veiller sur ses arrières pour ne pas finir projeter de l’autre côté du pont. Apparemment la modestie ne l’étouffait pas celui-ci. Dommage. Ça aurait résolu bien des problématiques si tel avait été le cas. Un coup d’œil en direction de Max qui s’offusqua de ces révélations, puis de nouveau en direction de Toby qui venait de poser sa main dans son dos « Oui… Dans le genre jusqu’à ce que la mort vous sépare ou qu'elle vous tire une balle entre les deux yeux » et croisa le regard de la jeune femme qui s’éloigna pour répondre à son téléphone. Il resta ainsi à observer la porte quelques secondes, puis ajouta en tournant tout juste le visage en direction de Toby « Ça vous arrive souvent ce genre de scène ? ». Il eut ce rire qui le faisait presque frissonner de peur « Pas plus d’une ou deux fois par mois » et ajouta avec tout le sérieux du monde « Rejoins Eli, l’appel doit être pour du travail » et reprit place à son bureau, pendant que Ian rejoignit la porte-flingue quelques mètres plus loin « Toby m’a dit de venir te voir. On a du travail ? ».

Sérieusement il cherchait quoi celui-là ? Il avait débarqué deux heures plus tôt et il se mêlait de choses qui le regardait pas. Il n’avait pas la moindre idée de ce qui s’était déroulé ici la veille. Il ne savait pas qui était l’homme dont elle parlait. Il ne connaissait pas non plus Tobby et sa personnalité changeante. Et flippante. Ian s’interposait et prenait la défense d’un type dont il ignorait tout. « -compte sur moi le jour où ça arrivera. » avait elle répliqué du tac au tac. « -mon numéro 1 » c’était pour ce genre de chose qu’Eli voulait que la mission se finisse. Parce qu’elle avait la sensation de ne plus contrôler ses émotions. Que le personnage prenait le dessus sur la vraie Eli. Qu’elle commençait à vriller comme Tobby. La mort de Byron avait réveillé cette blessure d’injustice qu’elle se trainait depuis toute petite. C’était un homme bien, un bon agent, il n’aurait pas dû être exécuté ainsi, encore moins jeter du haut d’un pont. Pas de femme, pas d’enfant, plus de famille. Sauf qu’il lui manquait à elle ! Elle qui l’avait connu. Robby lui avait dit plus tôt qu’elle savait ce qu’on ressentait quand on tuait quelqu’un. Elle avait déjà appuyé sur la gâchette. Plus d’une fois. Son âme était sans doute devenu un horcruxe. Ou alors elle n’en avait peut-être déjà plus. Ian avait raison, seule ou avec lui, elle irait en enfer.

« -mais t’as pas la sensation de te mêler d’un truc qui te regarde pas sérieux ?! » avait répliqué. « -comme si c’était dans tes cordes. » arh mais qu’est ce qu’il lui tapait sur le système ce con. « -mec tu sais pas… » avait marmonné Jiminy avant que Robby n’ajoute un : « -lâche-la, ça vaut mieux pour toi. » si elle avait été sympa, elle aurait dit merci. Tobby répondit enfin à sa question. Il était temps pour elle de reprendre le rôle. « -t’aurais pu m’en parler. T’as buté un agent fédérale. C’est pas rien. » oh que oui ! Quand tout cela serait finit, elle se ferait une joie de lui faire sa fête à ce petit con. Eli se retrouva face à Ian. « -je croyais que tu devais pas tenter l’humour, pour ta survie. » heureusement son téléphone sonna. La belle brune quitta le petit groupe pour prendre l’appel, gagnant son coin à elle. Les fesses contre le bureau, un pieds sur la chaise, elle venait de raccrocher lorsqu’Ian se pointa. « -il t’a dit quoi sur les plans en court ? » il pouvait pas débarqué, dire qu’il avait accouru comme un toutou et ignorer ce qui se passait ici. Il devait être au courant. Il y avait plusieurs projets en cours. Elle remonta sa seconde jambe sur la chaise, coudes sur les genoux. Il allait devoir collaborer. Elle n'avait pas envie de se faire descendre.

En agissant de la sorte, Ian prenait un risque considérable pour sa sécurité. Il ne connaissait aucune des personnes présentes dans la pièce, et encore moins leurs limites. Peut-être que son opération s’achèverait dans la minute, qu’il prendrait la balle destinée à Toby, et il en serait finit de lui. Cette pensée ne l’empêcha pas pour autant de contrer la jeune femme qui tenait fermement l’arme entre ses mains « J’ai hâte de savoir si tu auras les couilles » répliqua-t-il avec conviction, parce qu’il ne faisait aucun doute qu’elle attendait impatiemment ce moment depuis leur rencontre. Eli le lui confirma et ça le fit sourire. La mort ne lui avait jamais fait particulièrement peur. Qu’il décède ici-même sous la balle de la porte-flingue ou quelques années plus tard d’un cancer du foie, ce n’était que retarder l’échéance inévitable. Bon, même s’il espérait toutefois terminer cette infiltration autrement que les deux pieds devant. Il n’était pas suicidaire. Lorsqu’elle rangea finalement son arme, cela intrigua particulièrement l’agent du FBI qui ne put s’empêcher de faire son commentaire sur la situation « Non, pas vraiment » répondit-il simplement « Il y a bien des manières de me faire taire, si c’est la question » renchérit-il tout en la fixant droit dans les yeux. Regard qu’il porta ensuite Jiminy, puis Robby, qui avaient pris la parole tour à tour « Je ne sais pas quoi ?! Que Toby a buté un agent de la CIA infiltré il y a quoi ? Un ou deux jours ? J’ai peut-être l’air d’être con, mais je n’en ai pas le refrain pour autant » décida de répliquer Ian qui avait la sensation d’être pris pour le dernier des cons dans cette histoire. Peut-être venait-il d’arriver, mais il ne fallait pas sortir des grandes écoles du pays pour comprendre ce qui se déroulait actuellement au sein de cette cellule.

« Tu n’as qu’à le voir comme un dommage collatéral, n’est-ce pas Toby ? » alors qu’il n’en pensait rien, et ça pouvait presque s’entendre au ton qu’il venait d’employer pour s’adresser à l’assassin de l’agent fédéral « C’est un peu ça, oui ». Il n’éprouvait aucune culpabilité pour son geste. Il n’était pas seulement fou. C’était un sociopathe. Et ce dernier venait de poser sa main dans son dos, considérant qu’il ferait un beau couple avec Eli. Il ne partageait pas son avis et savait le faire savoir à sa manière. « J’aime vivre dangereusement » répliqua ce dernier en adressant un regard à la jeune femme qui s’éclipsa. Ce ne fut que quelques minutes plus tard qu’il la rejoignit « C’est Arthur qui m’a dit que la cellule avait pour vocation de détruire les symboles du capitalisme. Toby a évoqué une bombe, peut-être deux. Quant au reste, c’était lui qui gérait » et fit un signe de tête en sa direction, ses mains posées sur ses hanches « Tu en sais davantage ? » et ajouta « Tu ne comptais pas vraiment le tuer, je me trompe ? ».

« -ça arrivera surement plus tôt que tu ne le penses. » mais il n’allait pas la fermer. Il s’interposait dans une histoire qui ne le regardait pas. Il se prenait pour qui, Batman ? Il devait très peu connaitre Tobby pour avoir envie de le défendre. Même sa propre mère avait renié ce type. Eli se calma d’un cran. Même si l’envie de buter Tobby en l’abatant comme un chien était vraiment forte. Clairement de son point de vue, Ian aurait mieux fait de s’occuper de son cul. « -arrête tu rajoutes de la substance à mon fantasme. » avait-elle répliqué alors que Robby et Jiminy prenait sa défense et demandait à Ian de la lâcher. Quel connard. « -tu comprends rien. » avait elle soufflé. Ce qu’il venait d’énoncé était assez facile à comprendre. C’était le pourquoi du comment qu’il ne comprenait pas. Ce que cet acte avait changé. La limite franchit. « -c’est pas pour le mec de la CIA que je m’en fais. Mais c’est… c’est la CIA putain. T’es loin d’être un tueur professionnel Tobby. » il était hackers. Un pauvre gosse étrange qui passait sa vie cloitré dans le sous-sol de ses parents. « -estime toi heureux s’ils remontent pas jusqu’à nous. » dommage collatéraux… Mais quel connard cet Ian. Ce genre de discours lui foutait la gerbe. A la base cette cellule terroriste, puisque c’était comme cela qu’elle était nommée, les gens qui la composaient, voulait voir changer le monde. Un monde meilleur.

Heureusement le téléphone d’Eli sonna et elle ne se fit pas prier pour quitter les lieux. Elle gagna son endroit à elle. Y’avait pas grand-chose. Surtout rien de perso. A peine avait elle raccroché qu’Ian débarqua. Il allait devenir pire que son ombre.. Et ça allait vite la gonfler. « -il fait son mystérieux sur le finish du projet. Ce qui a le don de… m’agacer. » un haussement de sourcils : « -mais visiblement il n’a confiance en personne, même pas en sa propre équipe. Alors forcement il garde tout ça bien au chaud dans sa tête de… » elle se pinça les lèvres. Valait peut-être mieux qu’elle évite de dire trop de mal de Tobby. Après tout, Ian aurait prit une balle pour lui visiblement. « -non. » avait elle répondu avec franchise. « -je crois en ce projet, je crois à ces idées de changer le monde. Seulement… tuer des innocents, des femmes, des enfants… je… c’est pas comme ça que je vois les choses. » elle regarda ailleurs : « -il a abattu Byron comme un chien. » puis elle fit un non de la tête : pourquoi je te parle… » c’était n’importe quoi. « -on a une livraison dans la soirée. C4. »

Son regard ancré dans celui de la femme face à lui, on pouvait voir briller une lueur de défiance dans ses prunelles brunes « Je ne demande qu’à voir ». Si elle pensait que le canon d’une arme allait le réduire au silence, c’était peine perdue. Ce n’était pas la première fois qu’on le menaçait d’une arme, et ça ne serait pas la dernière. « Qu’est-ce que j’y peux moi ? Quand je fais quelque chose, je le fais à fond ». Et voilà que Jiminy et le pyromane trouvaient pertinent d’interférer dans la conversation. Il ne comprenait rien. C’était ce qu’ils laissaient sous-entendre. Pourtant l’histoire était simple : Le type derrière lui avait abattu froidement un de leur équipier comme s’il n’était rien d’autre qu’un chien agonisant sur le bord de la route. C’était lui qui avait récupéré le corps au beau milieu de la nuit, au pied du pont. Mais il ne comprenait rien. « Si vous le dites » finit-il par répliquer, comme s’il abdiquait devant leur entêtement. Après tout, il n’était que le nouveau. Un regard pour le dénommé Toby qui était responsable de la mort de Byron « Si la CIA vous a infiltré, c’était pour un but précis. Ils ne vont pas vous sauter dessus dans l’immédiat, je me trompe ? Après tout, ce n’est qu’un numéro pour eux » et en disant cela, il n’entrait pas dans son rôle. C’était réellement la manière dont il considérait la CIA et leur manière de gérer leurs agents. Après tout, ils devenaient tous des étoiles sur un mur, sans nom ou prénom. Ils ne manquaient qu’à leurs proches. Quant à la direction, le lendemain, ils avaient déjà mis un nouvel agent en place. Tout ce qui importait à ces gens-là, c’était la mission.

La conversation se conclut à la sonnerie de téléphone qui poussa Eli à s’éloigner d’eux tous. Il ne la rejoignit que quelques minutes plus tard. Elle voulait savoir quelles étaient les informations en sa possession. Pas grand-chose, comme elle le constata par elle-même « Il veut garder la surprise pour le grand final » et inclina légèrement la tête en écoutant Eli. Elle en voulait réellement à Toby. Ce n’était pas que la mort de leur équipier. C’était plus profond. « Con. C’était ce que tu voulais dire ? ». Peut-être que finalement, elle aurait voulu le tuer quelques minutes auparavant. La jeune femme répondit par la négative, mais il n’en fut pas convaincu pour autant « Tu croyais qu’ils enfilaient des perles ? Tu as un pyromane et un doc qui adore mélanger des produits. S’il les as pris, ce n’est pas pour préparer des feux d’artifices au jour de l’an ». Elle était un peu naïve pour une porte-flingue « Si tu n’es pas en accord avec ce qui se passe ici, tu devrais partir avant que ça devienne sérieux et que ça dégénère ». Parce que si elle éprouvait cela maintenant, qu’en sera-t-il lorsque les bombes exploseraient ?! Ian allait tout faire pour que ça ne se produise pas, mais il était seul dans cette merde ! Il n’était pas superman. Il y aurait sûrement des victimes, et si tel était le cas, Eli ne parviendrait pas à dormir sur des oreilles, ou finirait par se tirer une balle. « Tu étais là quand il l’a tué ? ». Puis il fronça les sourcils, elle ne comprenait pas pourquoi elle se confiait à lui « Parce que je suis le nouveau ». Il n’était pas encore endoctriné par les beaux discours de Toby et n’avait pas les mains sales. Enfin… Ian O’Brien les avait. Il suffisait de lire son casier judiciaire. « On fait quoi en attendant ? On rentre chez nous ? On va manger une pizza ? ».

« -tu m’as l’air bien renseigné… » avait alors tiqué Max en s’adressant au nouveau. Ce qu’il venait de dire était vrai. Elle le savait mieux que personne. C’était aussi en parti pour ça qu’ils recrutaient leur agent d’une certaine manière. La plus part n’avait pas de famille, pas d’amis, des profils atypique. C’était le cas d’Eli. Petite elle avait toujours bougé avec sa mère. Elle ne s’était jamais fait de véritable ami nulle part. Aujourd’hui, la seule personne qui comptait ne savait plus qui elle était. Si jamais elle mourrait ici, comme Byron, personne ne pleurerait. Est-ce que la CIA allait envoyé un nouvel agent ? Ils l’avait fait chier cette nuit au sujet du meurtre de Byron, mais ils n’avaient pas laissé sous-entendre qu’ils allaient mettre un remplaçant. Elle regarda Ian. Et si Tobby avait des doutes à son sujet ? Calmer le jeu, revenir dans le rang. C’était ce qu’elle avait de mieux à faire pour le moment. Téléphone à l’oreille, elle quitta le petit groupe, évitant de laisser Ian gisant sur le sol, dans son propre sang.

Tobby était le genre de type à ne faire confiance à personne. Parano sur les bords. Il était aussi capable de changer les plans au dernier moment. « -de petit ange. » avait elle répliqué avec un sourire forcé. Pas la peine d’être surdoué pour comprendre qu’elle ne le portait pas vraiment dans son cœur. Il fallait conjuguer avec. Ils le faisaient tous ici. Il les avait converti parce qu’il était bon orateur. Et qu’ils croyaient tous en l’idée d’un monde meilleur. « -il y a bien des manières d’utiliser une bombe. Pas la peine de tuer des centaines d’innocent. » ils pouvaient faire sauter un lieu symbolique sans baigner tout ça dans le sang. Et clairement c’était son job officieux ici. Eviter une giga catastrophe. « -t’as raison… je devrais peut-être le faire. » si seulement elle pouvait décidé de se tirer comme ça, sur un coup de tête… seulement c’était totalement impossible. « -mais maintenant que t’es là, ça serait dommage de pas t’emmerder jusqu’au bout. » un sourire forcé.

« -oui. » avait elle seulement répliqué ensuite, sans détourner les yeux. Ian ne pouvait pas comprendre. Et il s’en foutait sans doute des états d’âmes d’Eli. « -toi tu fais ce que tu veux, moi je rentre. » elle se leva, lui donna les consignes. En soit son numéro, un lieu du rendez-vous afin de se rejoindre et un horaire. « -soit pas en retard. » avait elle ajouté avant de récupérer son casque et de tailler la route. Elle n’avait presque rien dormi durant la nuit, il lui fallait quelques heures de sommeil en plus. Le rendez-vous était en fin de journée. Eli rentra chez elle, gara sa moto et grimpa l’escalier quatre à quatre. Elle ferma les verrous et souffla lentement. Elle décida de prendre un truc pour dormir un peu.

Son regard rivé sur la jeune femme qui venait d’abaisser son arme, il répondit à Max, la spécialiste des caméras de surveillance qui se tenait à tout juste trois mètres de lui en cet instant, « Parce que je suis ici pour le remplacer et finir la mission en vous éliminant tous » avec une conviction désarmante. Un silence de cathédrale s’installa l’espace de quelques secondes, il pouvait presque apercevoir leurs échanges de regards, avant que le rire de Ian ne résonne dans la pièce et qu’il les observe tour à tour « Désolé, mais c’était facile ! J’adore les séries d’espionnage. Jack Ryan. Reacher. Quantico. The Recruit. Vous n’allez pas me dire que vous n’avez jamais regardé ce genre de séries ?! » « T’es presque aussi bizarre que Toby » ronchonna le doc alors qu’il quittait la pièce quelques secondes après qu’Eli se soit éclipsée pour répondre au téléphone. Intérieurement, il se réjouissait de son petit effet. Ils étaient encore tous sur le qui-vive après le meurtre de Byron. S’ils poursuivaient ainsi, ils finiraient tôt ou tard par commettre une erreur, et ça lui permettrait de sortir de cette cellule au plus vite. L’idée qu’il puisse vivre entre ces murs, sous cette identité plusieurs mois n’était pas pour le ravir. Pas que sa vie quotidienne lui manquait particulièrement, mais cette Épée de Damoclès au-dessus de la tête n’allait pas le satisfaire sur le long terme… À la demande du chef de la cellule, il rejoignit la jeune femme quelques mètres plus loin et se mit à sourire « Oui, on dirait l’Ange Gabriel selon l’éclairage ». Pas besoin de sortir des grandes écoles pour comprendre qu’elle ne portait pas cet individu dans son cœur, et pourtant, elle était bel et bien présente entre ces murs de garage désaffecté, et à l’odeur de vieille huile de moteur usagée. D’autant plus qu’elle ne partageait pas la manière de procéder du reste de la cellule, seulement les convictions « Qu’est-ce que tu fais là alors ?! Engage-toi dans une association. Fait une jolie pancarte et manifeste devant le Capitole ». C’était bien plus pacifique que ce qu’avait à offrir Toby et sa clique. « Sérieusement ? » finit-il par demander, sceptique et peu convaincu par sa réponse. Il esquissa un petit sourire en coin à ce qu’elle ajouta à son attention « Ne te sens pas obligée, tu sais ». Il survivrait sans elle dans les parages. Parce qu’autant, il ne se faisait pas trop de souci pour apprivoiser le doc, le chauffeur et le pyromane, autant avec elle, la tâche allait s’avérer bien plus complexe, et elle risquait de lui mettre des bâtons dans les roues au cours de cette opération…

Pas de hochement de tête à la suite de sa réponse. Il la fixa sans dire mot. En fait, ce qui l’intéressait, c’était de connaître le déroulé de la journée avant l’opération de ce soir. Il eut rapidement sa réponse « Je vois… » répliqua-t-il avant d’enregistrer les informations communiquées par Eli dans son téléphone. Il s’abstint de faire le moindre commentaire sur sa demande, et l’observa s’éloigner, et décida d’en faire de même. Arrivé dans le studio mis à disposition le temps de son infiltration, il se laissa tomber dans le canapé lit en poussant un long soupir, puis se passa une main lasse sur le visage « Quelle journée de merde ! » commenta-t-il plus à son attention qu’à celle des autres. Ian jeta un bref regard à sa montre, se saisit de sa veste et ressortit pour aller faire quelques emplètes. Ce fut au détour d’un rayon qu’il retrouva l’agent qui l’avait déposé au Bureau. « Vous voulez me faire tuer ?! » répliqua-t-il avec fermeté « Faites vos courses ». Il ne put s’empêcher d’observer les alentours « Byron s’est fait buté par votre faute » « On sait ». il fronça les sourcils et tourna le visage en direction de l’agent « Ne me regardez pas et choisissez votre paquet de chips ». La mâchoire serrée, il abdiqua et se saisit d’un paquet, puis continua son chemin « C’était la seule hypothèse probable » « Et vous m’avez quand même laissé m’y rendre. Dites à votre directeur de bien allez … » « Je lui dirais » coupa l’agent « Faites votre job. On reprendra contact dans les prochains jours ». Sans attendre une quelconque réponse de la part de Ian, l’agent de la CIA disparu au détour d’un rayon. Le quadragénaire grogna légèrement, frustré de s’être laissé embrigader dans cette situation, à jouer les joyeux lurons impétueux pour la cellule… Il déposa ses emplettes sur le comptoir, paya sa note et à peine rentra-t-il chez lui qu’il se servit un fond de whiskey qu’il avala cul sec, puis un second. Il osa en prendre un troisième qu’après sa douche, et rejoignit les bras de Morphée l’espace de quelques heures. Comme prévu, il fut au rendez-vous au moment venu.

Ils étaient partis sur de mauvaises bases. Par sa faute. Même si Ian n’avait pas été volontaire pour y mettre un peu du sien. Si elle était une tête de con, il n’était pas loin derrière, ou alors très très loin devant. Ils étaient comme… fait du même bois. Les regard sombres, les mots qui fusaient. Heureusement que ce n’était pas des balles… Peut-être que dans d’autres circonstances, Eli aurait été capable d’apprécier Ian. Mais il tombait mal. Et il était surtout présent pour remplacé Byron. L’homme avec qui elle bossait sur le projet depuis le début, mais surtout son binôme également dans l’ombre. Le nouveau n’était qu’un type de plus à surveiller, une autre personne à cerner. Et elle, elle était fatiguée. Cette mission s’éternisait et ça la gonflait. Eli ne s’attendait pas à ce qu’il comprenne. Elle aurait aimé. Mais visiblement non. Elle évita de lui dire d’aller se faire foutre, ou qu’elle l’emmerdait. « -j’ai trop investi de mon temps dans tout ça pour laisser tomber. » et elle comptait bien éviter un meurtre de masse. Mais elle avait compris, pas la peine de chercher de la sensibilité chez Ian, ni même de la compréhension.

Pour ce qui était de la suite, Eli n’avait pas l’intention de passer plus de temps que nécessaire avec lui. Elle imaginait bien que ce n’était pas une invitation à déjeuner, alors elle décida de le laisser en plan, avec les infos dont il avait besoin pour le suite. Sans substance de synthèse, elle savait qu’elle serait incapable de trouver le sommeil. Elle dormit trois heures. Se réveiller la bouche pâteuse et avec une migraine. Elle fit craquer sa nuque en penchant la tête de gauche à droite, juste après avoir posé les pieds au sol. Puis nouveau comprimé, mais pour autre chose cette fois-ci. Elle devait avoir les idées claires. Il fallait que ce mal de tête disparaisse. Il nouveau allait surement le faire revenir très vite. Mais bon…

Lorsqu’elle arriva sur place, Eli gara sa moto, retira son casque et alluma une clope sans descendre de son véhicule. Elle était en avance de quelques minutes. Lorsque Ian se pointa, elle récupéra ses affaires et grimpa du côté passager. Il y avait une odeur d’alcool dans l’habitacle. Chacun son addiction. « -j’espère que tu as dormi un peu et que tu as fait le plein de carbu. Il y a deux heures de routes. » elle ne donnait jamais ses rendez vous en ville. Elle préférait les lieux à la campagne. Ça évitait bien des problèmes. Permettait de se cacher plus facilement si ça partait en live. Et puis ça lui faisait surtout changer d’air. Elle tourna la tête vers la rue tout en lui donnant la direction à suivre. Deux heures de route avec ce con… le silence allait être pesant.

La sonnerie de son réveil l’avait brusquement extirpé des bras de Morphée, et se retrouva à tâtonner à l’aveugle le parquet de son studio, en quête du petit appareil pour le faire taire. Il pianota sur ce dernier, et parvint à faire cesser ce bruit strident qui avait eu raison de son sommeil. Un soupir alors qu’il se retournait sur le dos, fixant le plafond décrépit de sa planque, le temps de quelques secondes, qu’il sorte de sa torpeur. Pieds nus, il s’aventura jusqu’à la cuisine et se servit une tasse de café. Appuyé contre le comptoir, les bras croisés sur son torse nu, l’agent du FBI ressassa cette première journée en tant que Ian O’Brien. Il ne s’attendait à rien de particulier, mais ne fut pas déçu des révélations qu’avaient apportés ces quelques heures au Bureau. Toby avait assassiné de sang-froid l’agent du Gouvernement devant témoin, sans se soucier des conséquences que cela pourraient engendrer. Et la seule impactée par ce geste était la porte-flingue de la cellule qui se retrouvait accablé par les désillusions, les unes après les autres. Un regard pour sa tasse de café dorénavant remplie et la porta à ses lèvres. Il ne parvenait pas à comprendre la logique d’Eli dans cette histoire. Elle condamnait la manière d’œuvrer pour leur cause de l’équipe, et pourtant, elle restait… À se demander qui était le plus farfelu au sein de cette cellule terroriste. Il termina sa tasse, enfila ses vêtements et prit soin de fermer à double-tour la porte de son modeste appartement.

Garé devant le garage désaffecté depuis pratiquement une demie heure, il observait les allés et venus des passants aux alentours, jusqu’à ce que la porte de son SUV s’ouvrit sur la jeune femme « Deux heures ?! Tu n’avais rien dit sur ce point » et poussa un soupir tout en tournant la clef de contact, reprenant la route. Après plus d’un quart d’heure de silence de plomb dans l’habitacle, Ian se mit à toucher à son autoradio et lança l’album de Spencer Sutherland « À moins que tu comptes me faire la conversation ? » demanda-t-il en lui lançant un bref regard. Son coude contre la portière, sa tête appuyée contre son poing, il tenait le volant de son autre main, et finit par demander « Tu sortais avec Byron ? » et ajouta « Tu sembles la seule à être impactée par sa mort. Je me suis donc dit que vous deux… » et fit une légère grimace pour sous-entendre le fond de sa pensée.