480 av. JC - Été
Andros

Ma raison me dit de me taire ; de me terrer derrière mon instinct de survie, et je devrais ardemment l'écouter.. Car toute situation possède des conséquences aussi bien positives que négatives voire sanglantes. Peu savent comment les issues surgissent. Moi, la première, je suis aveugle face à mon interlocuteur. Mais cet homme .. a cette fâcheuse manie à faire ressortir le pire en moi.

Cela faisait bien longtemps - depuis que j'ai racheté ma liberté, tant bien que mal, surtout en souffrances - que je n'étais pas devenue aussi retors. Oh, je ne dis pas que ça m'avait manqué mais à pousser dans les retranchements, c'est aussi parvenir à prendre le dessus par moment. L'Homme a cette tristesse à perdre rapidement patience, et se montrer davantage vulnérable. C'est douloureux car la violence devient l'ultime réponse. Pour avoir été maintes fois battue, il en ressort toujours de la satisfaction ; pas de me faire frapper mais de découvrir quand la faiblesse se pointe et quel propos blesse. Il faut croire que l'esclave résidant en moi, y voit un nouvel adversaire. Il ne sait véritablement pas à qui il a à faire.

J'ai érigé des rebellions dans mes rangs avant qu'on accepte de m'éloigner hors de ma ville d'enfermement. Ici, mon passé n'est que pour le moment, une rumeur, que je ne confirme ou ne démens jamais mais je connais mon vécu et ma persévérance. Je ne compte pas ployer quand on se permet d'avancer de telles imbécilités à mon encontre.

Je prends bien le temps de terminer son lit et de rajouter de l'eau dans une vasque avant de m'approcher de lui - faisant accroitre dangereusement ma jauge de survie - pour le fixer sans sourciller une seule fois. - Oui la réponse m'importe parce que je dois m'assurer que vous passiez du bon temps sous toutes ses formes et je sais reconnaitre quand je faillis. J'ai interrompu vos festivités indirectement et cela me déplait que vous ayez pu avoir l'humeur terni. En vérité, je n'ai que faire mais il demeure ma mission jusqu'à son départ et je suis éduquée pour être langue de velours. - Libre à vous de ne pas me répondre après tout. Je me contente de lui sourire avant de quitter la chambre pour quémander un verre de lait, la coutume dans notre antre avant de lui tirer les rideaux et d'allumer une bougie.

Je reviens dans la chambre, prête pour la suite de la joute. - J'aimerais toutefois rappeler que je ne suis pas à vous. Vous ne m'avez pas acheté et je ne le suis plus depuis quelque temps. Je suis une femme libre. Tachez de vous en souvenir. Au mieux, de tendre l'oreille sur mon sujet. Je me tiens à l'arrière de vous, certes mais je ne suis en rien soumise à vous. Mon devoir est d'assurer un bon séjour à nos cotés. Personne ne décide de mon destin, je me suis battue pour et plus jamais, j'accepterais que quiconque le remette en cause. Alors que vous soyez ici ou ailleurs, à moins de m'épouser, je ne suis qu'à moi et moi seule. Que cela ne vous en déplaise ou l'inverse, ne sait-on jamais. Le myocarde bat à tout rompre mais je me dois d'être clair avec quiconque pensant faire de moi sa chose.

Je m'écarte pour récupérer le lait et lui tendre. - Souhaitez vous un massage aux huiles afin de favoriser votre sommeil ? C'est dans mes devoirs. D'apparence, je parais confiante mais mentalement, je me prépare déjà à le voir me hurler dessus voire pire, infliger les sévices dont il semble en avoir le pouvoir sur d'autres terres. Pour autant, je ne fléchis pas, conservant les mains dans le dos et le visage serein.

Je roule des yeux à ses propos. « Vous êtes une piètre menteuse. » Je sais bien qu’elle n’a que faire du bon temps que je peux passer et qu’elle se contente de flatter mon égo parce que son devoir le lui impose. Mais je ne suis pas un chef de guerre classique, je ne suis pas de ceux qui se satisfont d’être flattés. Je suis de ceux qui veulent être respectés et craints. Et si je ne doute pas qu’elle me craigne, je me pose cependant des questions sur le respect que je peux lui inspirer. « La réponse ne changera rien. » Que j’ai passé un bon moment ou non, les festivités étaient terminées, et désormais, il fallait passer à autre chose. Elle comme moi, car il était trop tard pour réparer sa soi disante erreur. Une erreur pour laquelle je ne la tenais pas responsable pour une fois. Après tout, elle n’avait fait qu’exister il si les événements avaient mal tournés, ce n’était qu’à cause de la bêtise de l’homme.

Je la laisse aller et venir dans la chambre, faisant son travail, et constatant à quel point les hommes pouvaient être exigeants même dans des moments qui ne nécessitent pas autant d’efforts. Car qu’ils le veuillent ou non, Morphée finirait par venir à leur rencontre, même sans toutes ces fioritures. Allongé nu sur le lit, je profite de la fraîcheur des draps alors qu’elle reprend la parole, m’assommant de mots que je me fiche bien d’entendre. « Vous parlez, encore et toujours. » Mes mots croisent les siens, jusqu’à ce qu’elle évoque le mariage, ce qui me fait éclater d’un rire gras sans réelle joie. « Esclave, femme libre, épouse ou non, si je voulais vous soumettre, je n’aurais que faire de votre destin et de la façon dont vous l’envisagez. Je suis au dessus de vos lois, au dessus de vos règles. Rentrez bien cela dans votre esprit, parce que je me fiche bien de ce que je pourrais provoquer si je décidais de vous soumettre, ici et maintenant. » Je n’obéis pas aux mêmes lois qu’elle, et si elle continuait ainsi, j’allais peut-être devoir lui faire comprendre. « Faites donc, puisque vous semblez si attachée à votre devoir. » Je me retourne sur les draps, les bras croisés devant moi et la tête posée dessus.

480 av. JC - Été
Andros

- Vous parlez encore et toujours. Il peut te menacer autant que bon lui semble, tu n'écoutes plus. Tu as sorti tes palabres, il a dû se sentir froisser pour bomber le torse. La suite de ses mots n'opèrent plus sur ton être. Peut-être que tu le devrais mais tu as bien trop parcouru de chemins pour trembler devant ses propos. Non vraiment, tu ne peux plus reculer. Qu'il fasse, tu es libre et tu t'y accroches. Qu'on t'inflige des sévices, ton esprit n'appartient qu'à toi. Mais il le comprendra comme tous tes geôliers. Tu ne pousses pas non plus le vice davantage gardant tes lippes fermées.

Tu t'atèles à le masser, réchauffant l'huile entre tes paumes. Tu observes chaque parcelle de son derme, tentant de deviner les épreuves qu'il a pu vivre. Qu'a-t-il pu expérimenter durant son existence ? Des guerres pour sûr, des horreurs qu'il a pu subir et commettre ? Tu n'en doutes pas. Tu découvres ses muscles, les malaxes pour le détendre. Sans aucune animosité, tu le pétris de la tête aux pieds et cela durant une bonne heure avant d'annoncer que tu te retirais.

Tu prends le temps de reprendre ton souffle adossée au mur. Tu réalises que tu étais en apnée, synonyme de frayeur. Il est imposant, que ce soit physiquement que par son aura. Mais tu ne peux pas faiblir. Tu te reprends et prends le temps d'aider les autres petites mains de la casa avant d'aller te coucher. Le sommeil prend son temps, tu t'agaces sur ta couche. Quelque chose te chagrine mais tu n'es pas capable de mettre le doigt dessus. Tu repenses à Lui, et ses mots. Il y a quelque chose d'étrange dans les sens mais à chercher davantage, tu sombres dans le sommeil.

Mais tes rêves semblent prendre une autre tournure. Silhouette t'observant au loin, lui ressemblant bien trop et s'approchant de toi. Tu ne recules pas. Bien au contraire, l'ambiance se remplit de chaleurs. Ses mains te déshabillent, et tu ne le rejettes pas. Des sens dont tu ignores jusqu'à présent les sensations. Vos corps et vos âmes qui s'unissent. Sauvagement. Passionnément. Abruptement. Et tu en redemandes. Un mariage entre vous deux et tu te réveilles en suffoquant. Ce cauchemar te paraissait si réel.

Tu te lèves douloureusement comme si tu t'étais débattue. Tu t'observes dans le miroir cherchant une once de réponses mais rien de visible.. Tu files à la salle d'eau avec les autres pour te délasser de la nuit avant d'aller préparer le repas de l'hôte. Tu as l'esprit engourdi et l'humeur massacrante.

Tu satisfais la curiosité des femmes, les encourageant à le dégorger. Qui sait, il sera de meilleures augures par la suite. Venant de toi et ce que tu as vécu dans ta nuit, c'est audacieux. C'est une de tes amies de la maison qui porte le plateau et toi tu attends contre la porte. Tu es assez dépassée par ce besoin de se faire malmener par l'homme mais tu ne portes aucun jugement sur l'envie de gouter un Homme. Tu n'as jamais vécu de relations consenties, ce n'est que souffrances à tes yeux. Tu doutes connaitre le plaisir charnel de sitôt. Contrairement à ce que Morphée veut te faire croire.

Tu regardes tes pieds, fermant au mieux tes oreilles de ce qui pourrait se passer dans la chambre. Puis ton regard est attiré par un bracelet à ton poignet. Tu fronces le regard, tu ne l'avais jamais vu avant. Tu tentes de le retirer mais impossible.

Les yeux fermés, je laisse la jeune femme faire son travail en silence - notion qu’elle semble enfin acquérir - pour ne lui jeter qu’un regard noir ponctuel lorsque ses gestes se montrent désagréables. Une ou deux fois, tout au plus alors que ses ongles semblent se planter dans ma chair. Non pas que ce soit véritablement douloureux, car elle n’est certainement pas en position de me faire mal, à moi, Arès, dieu de la guerre, mais comme pour les humains, il nous arrivait parfois de ressentir quelques désagréments.

Au bout d’une heure, elle finit par se retirer, et règne enfin en maître le silence dans la pièce. Un silence rapidement brisé par une venue inattendue pour le commun des mortels, moins pour quelqu’un comme moi. « Tu pourrais au moins te rhabiller avant de chercher à m’invoquer. » Je roule rapidement des yeux tandis que je me redresse, enroulant négligemment un drap autour de ma taille pour ne pas choquer ce regard qui prétend être chaste. « Pourquoi m’as tu fais venir ? » Je regarde la jeune femme, lui tend un bracelet que je retire de mon propre poignet. « J’ai besoin de tes pouvoirs. » Que je lui lance, un sourire carnassier au coin des lèvres. « Tu sais qu’une fois à son poignet, toi aussi tu auras des obligations. » Je hoche rapidement la tête. « Je m’en fiche, maintenant, dépêche-toi s’il te plait. » Pendant une demi-seconde, le bracelet se met à luire entre les doigts de la femme, avant que je ne puisse le récupérer. « Je t’aurais mis en garde. » Sans un mot de plus, elle disparaît, me laissant seul dans un nouveau silence plus salvateur que jamais.

La nuit s’avance et alors que la ville entière semble plongée dans les bras de Morphée, je déambule dans la maison, ouvre les portes des chambres jusqu’à retrouver ma servante, profondément endormie, si fragile au pays des rêves, si peu consciente du danger qui rôde qui pourrait la saisir à tout moment. Mes doigts glissent sur sa joue, puis sur son bras, jusqu’à sa main que je sais, sans la réveiller, me contentant de passer autour de son poignet le bracelet enchanté quelques heures auparavant. Désormais, elle était mienne, qu’elle le veuille ou non. Un sourire victorieux sur les lèvres, je quitte la chambre pour regagner ma couche dans laquelle je savoure quelques de sommeil bien méritée.

C’est à l’aube que j’ouvre les yeux, profitant des premières éclaircies du ciel pour faire quelques exercices avant que les réelles chaleurs du jour ne se fassent ressentir. Lorsque la porte s’ouvre, c’est avec surprise que je découvre qu’une inconnue est en charge de mon petit-déjeuner. D’un regard noir, je fais valser le plateau et la renvoye, lui ordonnant d’aller chercher sa consoeur. Quelques minutes s’écoulent avant que je ne la vois arriver dans la chambre. Sans une once d’hésitation, ma main vient saisir son menton, serrant sa mâchoire entre mes doigts qui, à son contact, me brûlent pourtant. « En quelle langue dois-je vous dire que tant que je serais ici, vous serez à mon service, vous, et uniquement vous. Que cela vous plaise ou non ? » Je siffle entre mes dents, et la lâche soudainement, les doigts brûlés par son contact, la peau rouge, la douleur pulsant dans mes veines. « Nettoyez ça et apportez moi un autre plateau. Ainsi que de l’eau fraîche. » Je regarde mes doigts, voilà contre quoi Hera avait cherché à me mettre en garde. « Vieille peau ! » Que je marmonne pour moi-même.