Les lâches ont pris la fuite et voilà que Kyle est seul face à la colère de Septima. Une colère froide, détachée de tout, mais une colère tout de même. Oh, elle essaie de le cacher et Kyle est certain qu'au fond, elle est touchée et triste pour lui, mais c'est chiant, parce que c'est lui qui n'y croit pas depuis le début, lui qui pense mourir et qui va mourir. Et elle... elle lui en veut d'essayer ? De savourer ces derniers jours ? De rester lui-même ?

« Oui, à poil, mon tour de magie c'était ça, déposer mes vêtements en sol et disparaître, parce que j'ai cette capacité hors norme d'arriver à être invisible, tout le monde se fiche de moi et je epux disparaître. Je sais dans l'arène ils seront là et me fixeront, mais peut être que j'arriverai à me cacher. Un peu. J'essaierai du moins. »

Si les mots de Septima sont une claque froide et méthodique, ceux de Kyle sont une vague de chaleur qui écrase tout sur son passage. Il n'hurle pas, il ne le fait quasiment jamais, mais il est blessé. Sincèrement blessé.

« Septima, tu veux pas en parler, tu essaies de faire ce que tu peux, mais je vais mourir dans cette putain d'arène, arrête de faire semblant, arrête d'essayer de croire qu'une alliance me sauvera. Que se passera-t-il une fois que le bain de sang sera passé et que les carrières m'auront, potentiellement, accepté ? Ils tueront les autres. Puis moi. Puis eux. Dans aucun scénario je vis. Aucun. » Ses yeux sont secs, il est le premier surpris. « Alors je joue ton jeu depuis le début, je m'efface, je me fais oublier, je t'écoute parce que j'ai confiance en toi, mais s'il te plaît, arrête de m'éviter, arrête de passer ces derniers jours loin de moi, comme si on en aurait d'autres ensuite. »

Il inspire profondément. Il a besoin qu'elle le regarde, qu'elle l'observe vraiment, qu'elle se perde dans son regard, qu'ils savourent ces derniers instants ensemble, avant que la vie ne les rattrape.

« Et ensuite, promets-moi de laisser ta porte ouverte, au cas où un autre imbécile viendrait grimper au mur pour te piquer ton violon ou tes livres. »

Putain, comment la situation a-t-elle pu déraper tant ? Est-ce quelle va jamais accepter sa mort ? Est-ce qu'elle va lui hurler dessus ou lui foutre une claque ? Qu'importe s'ils se battent, au moins la bagarre ça ils le comprennent tous les deux. Et la rage se transforme toujours en passion.

Peut être pas cette fois-ci pourtant.

Il parle. De nouveau, il parle et parle encore. Septima ne se rappelle même plus depuis combien de temps il n’a pas aligné autant de phrases d’affilée. Alors oui, il est agacé. Enfin, elle croit. Le contenu, elle ne s’y attache pas particulièrement. Simplement, il parle, et rien que ça, par rapport à sa déprime silencieuse de ces derniers jours, elle le vit déjà comme une nette amélioration. Bonne nouvelle, il n’est pas entièrement éteint. Il existe encore en lui une certaine forme de niaque. Si elle en était capable, elle aurait presque envie de sourire. Presque. Parce que le fond du propos commence à percoler gentiment.

Elle n’est pas dans le déni, parce que se déclarer dans le déni, c’est déjà admettre d’une certaine façon qu’on se croit dans l’erreur. Elle n’est pas dans l’erreur. C’est un fait. Ce ne sont pas leurs derniers jours ensemble. C’est juste qu’il ne le sait pas encore.

Pourtant, le presque début de pourquoi pas sourire intérieur disparaît. Au-delà de l’exécrable et familière niaiserie de son propos, elle est fondamentalement outrée. Comment ose-t-il imaginer qu’elle a l’intention de le remplacer. Plus encore par le premier abruti venu. C’te foutue maison, elle n’est pas sûre d’avoir jamais envie d’y remettre les pieds. Surtout si c’est sans lui. Mais au fond, elle comprend le sens de son propos. Ou plus exactement, elle comprend le pourquoi de son propos, parce que le sens est absurde. Mais elle ne cèdera pas à ce déballage de beaux sentiments. Morituri te salutant. Pas morituri te propose de refaire ta vie sans lui.

Septima comble la distance qui les sépare et se poste à quelques centimètres de lui à peine. Bien que d’une bonne tête de moins que lui, elle le toise. Oui, par en-dessous. Il a toujours été plus grand qu’elle. Ce qui n’a jamais empêché la petite brune d’être la plus menaçante des deux. Elle le dévisage de son expression qui ne trahit aucune émotion, si ce n’est peut-être la petite lueur enragée au fin fond de ses yeux noirs.

- Tu crois quoi ? Le prochain imbécile qui essaie de mettre un pied dans cette foutue barraque, je lui arrache les deux yeux à la petite cuillère et je les lui fais bouffer, répond-elle du tac au tac, plus sérieuse que jamais.

Elle passe les bras autour de son cou et l’attire furieusement à elle. Il a raison sur un point. Elle non plus n’a pas envie de passer ces prochains – derniers ? – jours sans lui.

- Et donc, y a que pour les organisateurs que tu te dépoiles ?