Longtemps. Cela fait longtemps apparemment. Cela fait longtemps qu’elle a des vues sur toi. Enfin, c’est ce qu’il faut comprendre. C’est ce que tu réalises doucement, lentement. Tout prend lentement sens au fur et à mesure qu’elle explique pour la colocation, le duo pour la glace… Puis sûrement pour les cours aussi, vu qu’il y en avait où vous étiez ensemble. Et tu grimaces avant de te taper le front, conscient de n’avoir rien vu, aveugle que tu étais. En colère contre toi, vu que tu t’étais mis dans l’optique qu’elle ne ressentait rien à ton égard.

- Maintenant, tu ?

Que tu attends qu’elle termine alors qu’elle fuit du regard, qu’elle se renfrogné encore alors que tu essayes de t’approcher d’elle un peu plus. Tu écarquilles les yeux d’un coup quand elle propose de changer de partenaire pour la glace. Non… Hors de question. Tu retires la couette pour lui prendre les épaules doucement, son visage dans tes mains.

- Que.. Mais non non ! Change pas !

Tu te figes un peu, voyant ses larmes qui approchent. Tu grimaces, inquiet et te pinces les lèvres en secouant la tête, te rendant ensuite compte que vous étiez d’un coup très très proche. Tu recules doucement et te masses la nuque avant de baisser la tête en attrapant le coussin le plus proche en le triturant dans tes mains.

- J’veux dire… Tu.. heu.. Bah…

Ah bah oui. T’es dans la même situation qu’elle en vérité. Tu rougis, détournes le regard et marmonne d’un coup, sans respirer, sans prendre le temps de détacher tous les mots.

- Tumeplaisaussi….

Tu te caches le visage dans un coussin pour étouffer ta phrase. Tu viens vraiment de dire ce que tu viens de dire ? Tu souffles dans le coussin, grimaçant. Au secours. Au moins c’est dit hein ?

Elle comprendrait qu’il veuille changer de partenaire, en découvrant qu’elle n’a pas été honnête avec lui et qu’elle nourrit à son égard des sentiments auxquels il n’est peut-être pas en mesure de répondre. Elle comprendrait qu’il veuille patiner avec une autre fille, une qui n’aurait pas le béguin pour lui, une qui ne serait pas un problème. Une dont il ne découvrirait pas un beau jour qu’elle est amoureuse de lui, quand il ne s’y attend pas, quand il ne ressent peut-être pas la même chose. Probablement pas la même chose. Pourtant, il affirme que non, il ne veut pas changer, lui ayant pris les épaules puis son visage entre ses mains.

Ils sont tout proches, mais il se recule finalement un peu, visiblement gêné, attrapant un coussin qu’il torture entre ses doigts pendant qu’il cherche ses mots. Elle, elle retient son souffle, sans vraiment s’en rendre compte, attendant qu’il parle. Qu’il pose des mots. Qu’il éclaircisse sa réaction. Dans sa cage thoracique, son cœur, lui, s’est comme mis sur pause. Ou il bat si fort, qu’elle ne le sent plus, elle ne saurait trop le dire. Elle attrape le polochon abandonné dans un coin du lit, alors, pour le triturer elle aussi, occuper ses doigts, se focaliser sur autre chose que son attente, que ces silences, cette gêne.

"- Hein ?"

Elle se redresse un peu plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu quand elle croit comprendre ce qu’il dit. Ou n’est-ce que ce qu’elle veut comprendre ? Non. Il n’a pas vraiment articulé ses mots, lui non plus, mais elle a compris l’essentiel. Cela ne peut pas simplement être elle qui interprète ce qu’elle veut non. Il a bien dit ce qu’elle l’a entendu dire. Pour de vrai. Elle déglutit.

"- Pour… Pour de vrai ?" souffle-t-elle, incrédule, en posant son regard sur lui, le regardant alors qu’il a caché sa tête dans le coussin qu’il tenait.

Doucement, avançant la main, elle attrape le dit coussin et le retire délicatement, souhaitant que ce geste ramènera son attention sur elle, même si elle non plus n’en mène pas large, dans l’immédiat.

Elle a entendu, elle a compris. Enfin, tu espères, tu y crois. Tu redresses un peu les yeux, nerveux alors qu’elle demande si c’est vrai et retire le coussin pour complètement croiser ton regard. Tu souris alors nerveusement avant de baisser les yeux, le coussin sur tes cuisses. Tu poses tes mains dessus, nerveux, approchant tes doigts des siens. Tu ne trouves rien de mieux que jouer avec ses index avec les tiens avant d’inspirer doucement.

- J’ai… Oui…

Tu fermes les yeux, prenant une inspiration profonde avant d’accrocher ses index dans tes doigts doucement encore un peu timide de pouvoir lui prendre les mains. Tu te pinces les lèvres, cherchant tes mots en basculant la tête en arrière, râlant intérieurement. Tu essayes de revenir à elle, balayant un peu la pièce du regard.

- J’ai… J’ai jamais voulu te le dire…. par… parce que… J’ai toujours… eu peur et…

Tu pouffes nerveusement avant de poser tes yeux sur vos mains qui semblent ne pas avoir bouger. Elle n’as pas bouger du moins, elle ne t’a pas repoussé et vous êtes là, avec ce simple contact. Tu souris un peu. Oui, tu as toujours eu peur et la raison de tout cela est simple. Se résume en quelques mots. Tu hausses lentement les épaules.

- Bah… Quand… On était au collège… Aayden était… Autour et … On a toujours pensé que… que vous deux… Donc j’ai.. j’ai pas voulu…

Avec le recul, c’est idiot, évidemment. Avec tout ce que tu sais maintenant, avec ce qui se passe dans cet appartement sans que certains ne s’en rendent compte, bien sûr que non. Tu rigoles nerveusement, conscient de ton erreur, une simple erreur faite il y a maintenant presque quoi ? Quatre ans ? Cinq ans ? Si tes frères étaient là, ils se foutraient bien de ta gueule.

- C’était bête… Je sais..

Oui. Son cœur s’emballe. Oui. Vraiment. Elle lui plaît vraiment. Lisa accuse le coup, essaie de se faire à cette information, alors même qu’elle peine encore à y croire. Et pourtant. Pourtant il est juste là, tout près d’elle, ses doigts jouant avec les siens sur le coussin, renversant la tête en arrière en soupirant, cherchant visiblement ses mots. Elle attend, patiemment, qu’il reprenne la parole, qu’il puisse aller au bout de sa pensée, au bout de sa réponse. Et finalement, il met des mots sur tout ça, sur ses blocages, affirmant qu’il n’avait jamais rien dit parce que comme elle, il avait peur.

"- Peur ?"

Elle a beau poser la question, elle ne peut pourtant que comprendre la position d’Andy, les hésitations de ce dernier, alors qu’elle a connu les mêmes. Qu’elle non plus n’a pas osé parler. Qu’elle non plus n’a pas osé se déclarer, par peur qu’il ne ressente pas pour elle la même chose qu’elle ressentait pour lui. Elle ne peut pas lui reprocher d’avoir manqué de courage quand elle en a manqué elle aussi. Elle ne peut que comprendre, au contraire, qu’il ait eut peur. Mais les raisons qu’il avance ? Celles-là non, elle ne peut pas les comprendre.

"- Denden ? Qu’est-ce que… HEIN !? Nous deux ? ERK !"

Elle grimace franchement. Il n’y a aucun univers dans lequel Aayden et elle pourraient finir ensemble. Aucun. Jamais. Ce n’est absolument pas possible. Ils s’aiment, ce n’est pas la question. Mais pas de cet amour-là. Ils s’aiment comme un frère aime une soeur, comme une soeur aime un frère. Ils s’aiment d’un amour inconditionnel, indestructible, mais qui exclut toute forme de romance ou, pire, de sexualité. Cette simple idée lui arrache un frisson.

"- Mais…"

Elle bredouille. Comment avaient-ils pensé que Den et elle pourraient… ? Et pourtant… Elle sait bien qu’ils ne sont pas les seuls à y avoir cru, à avoir colporté ce genre de propos, de soupçons, de ragots. Qu’Andy y ait cru, cependant, que ça les ait empêchés d’être ensemble, c’est plus dérangeant. Plus désagréable. Elle secoue la tête.

"- Y’a… Y’a toujours eu que toi…"

Elle grimace à l’annonciation de la possibilité que tu as pu penser qu’elle et Den, ça aurait pu marcher. Que c’était acté, vu qu’ils étaient toujours ensemble. Tu pouffes un peu et secoues la tête en souriant. Oui, c’est idiot. Tu as eu peur pour ça. Tu as toujours eu peur pour ça. Puis aussi de perdre son amitié. Et l’évidence est là. Il n’y a toujours eu que toi pour elle… Comme il n’y a toujours eu qu’elle à tes yeux, pour ton cœur. Tu te masses la nuque, grimaçant et pouffes nerveusement en souriant, jouant de nouveau avec ses doigts.

- Oui je.. Peur… Et puis… Je voulais pas.. Te perdre...

Perdre cette amitié que vous avez toujours eu depuis l’école primaire. Moins de temps, certes, que le blond, mais les faits sont là. Tu approches un peu pour poser ton front contre le sien en souriant, doucement, en fermant les yeux. Mais maintenant, c’est officiel non ? Du moins, c’est dit. Vous vous l’êtes dit sans le dire. Vous l’avez compris à votre manière. Tu te pinces les lèvres et regardes encore un peu vos mains qui se cherchent, comme vous actuellement. Tu inspires doucement avant de maladroitement embrasser le coin de ses lèvres. Tu ne réalises pas encore que tu peux te permettre de faire l’interdit.

De faire le premier pas, de passer le cap, comme à la piscine cet été. Maintenant, tu peux. Alors tu recommences, rapprochant de plus en plus tes lèvres des siennes, maladroit. Tu recules ensuite, rouge et baisses la tête en souriant, prenant complètement ses mains dans les siennes. En même temps, tu essayes de te remémorer toutes les situations de gêne et… Oui, finalement, c’est sûr en fait. Tu avais été aveugle et tu comprends la douce frustration de ta meilleure amie devant ce spectacle. Tu lui dois un repas. Bon, il y a encore une autre mission pour elle, mais tu n’y penses pas là.

Tu redresses un peu les yeux en souriant.

- Je…

Il avait peur et il ne voulait pas la perdre. Comme elle. Elle avait eu peur que la vérité vienne entacher leur amitié. Peur que, si elle avouait ses sentiments à Andy, il ne veuille plus la fréquenter, parce qu’il ne ressentait pas la même chose. Elle avait eu peur que la vérité ne sonne le glas de ce qu’ils avaient, de ce qu’ils partageaient alors, même si ce n’était pas tout à fait ce qu’elle voulait. L’avoir comme ami, l’avoir dans sa vie, c’était mieux que ne pas l’avoir du tout. Même si elle voulait plus que son amitié. Même s’il lui plaisait. Même si elle était définitivement et irrémédiablement amoureuse de lui, à espérer qu’un jour il puisse répondre à ses sentiments.

Leurs mains se cherchant, se trouvant, se retenant, elle baisse le regard sur celles-ci, esquissant un sourire en même temps alors qu’Andy pour sa part vient coller son front contre le sien, réalisant comme elle à quel point ils ont été aveugles, à quel point ils ont été stupides, à ne se rendre compte de rien plus tôt, quand bien même les signes étaient là, juste sous leurs yeux. Et que, pour sa part, Denden n’arrêtait pas de le lui dire, depuis quelque temps. Ouai. Il l’avait dit. Plus d’une fois.

Elle sent les lèvres d’Andy contre la commissure de ses lèvres, dans un mouvement si fugace qu’elle pourrait croire l’avoir rêvé, mais non. Il est bel et bien là, devant elle, ses lèvres cherchant les siennes et revenant finalement contre elles, progressivement, maladroitement, mais sûrement. Des siennes, Lisa l’accueille de la même manière, répondant doucement à ses baisers.

"- Tu ?" souffle-t-elle, revenant front contre front, le cœur battant la chamade dans sa cage thoracique.

Elle hésite, une seconde, peut-être deux, avant de finalement voler ses lèvres, en prenant l’initiative cette fois. Elle hésite, encore. C’est juste là. Et ça lui brûle les lèvres. Elle crève d’envie de le dire. De le lui faire savoir. Le besoin de le confesser, maintenant. Pour de bon.

"- Je t’aime…"