Le Temps d'un RP
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LE TEMPS D'UN RP

Les yeux du monde

Jo'
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Jo'
Mar 28 Nov - 11:47

Delphine
Kremms

J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

Les yeux du monde - Page 3 Tenor
Tout éloignait leurs corps qui pourtant avaient l'habitude de se chercher comme pour se rassurer d'être encore en vie. Serrer leurs doigts suffisait parfois comme feedback du monde extérieur qui murmurait tu es toujours là, tout ça s'est produit, mais tu es toujours là. Il était cependant impossible de témoigner d'une quelconque forme de tendresse ici : les rebelles étaient prêts à les manger toutes crues et elles le savaient. Elles n'étaient qu'un porte-voix pour le projet qu'ils nourrissaient, mais sachant qu'elles n'étaient pas convaincues elles-mêmes, ils étaient méfiants et amers à l'égard de leur travail. Delphine espérait que bientôt elles pourraient accéder à un nouveau volet de reportage, celui sur les civils par exemple. S'éloigner du front où les alliés peuvent vous égorger eux aussi - et le veulent, pour beaucoup d'entre eux. Tout était plus difficile ici : survire, conserver son intégrité politique, rester proche des faits, épouser la nuance, préparer les descriptions des corps implosés. Aussi lorsque Maï lui murmura Tu vas déchirer comme si elle avait tenu sa main, Delphine en fut particulièrement touchée. Elle lui sourit, faussement confiante.

"Ca n'aurait l'air de rien sans tes images."

Elles regardèrent droit devant elle, dans un silence épuisé. Elles étaient trempées de sueur et maintenant qu'elles se trouvaient sous terre elles avaient froid. Ismaël semblait préoccupé en les rejoignant sur le banc, ce que Delphine releva.

"Je n'aime pas ces idées de port, glissa-t-il en s'assurant que personne ne l'entendait. Avec la cessation de la vente de pétrole, ça va nous situer sur un plan international. Je fais pas confiance au barbu, il m'a l'air de tenir avec l'Etat Islamique avant tout."

Sa crispation contamina les deux jeunes femmes.

"On veut pas d'un bras de fer entre les rebelles et l'Occident arbitré par des soldats d'Al Qaïda, ça c'est clair ... jeta Delphine pour elle-même. ... Surtout si c'est pour s'opposer à Kadhafi.
- Je veux ouais, c'est le dictateur le plus choyé de l'ONU que j'ai jamais vu."


Tous contemplèrent la situation. Il semblait que la perte inévitable des rebelles face à l'armée à Ras Lanouf les conduirait à faire des choses dangereuses, du genre d'un chantage humanitaire ou de marchandise. Mais quoi ? Demander à l'Occident de se placer soit contre Kadhafi avec le terrorisme islamiste, ou contre le terrorisme islamiste mais avec un régime dictatorial, c'était perdu d'avance.

"On pourrait se tailler tout de suite, proposa le fixeur avec clairvoyance. Vous écrivez ce que vous avez vu et entendu aujourd'hui et on trouve un autre point de chute. Si les rebelles perdent leurs négociations avec l'Europe je suis pas certain qu'on soit encore en sécurité, déjà que là c'est pas fameux."

Les deux femmes se regardèrent, sachant bien que l'article aurait été incomplet en l'état. Delphine n'était pas allée au bout de ses questions sur les projets de l'Etat Islamique dans ce conflit. Maï-Lan n'avait pour l'instant d'images que d'un côté du front - un vrai document de propagande.

"Je pense qu'il nous faut encore un peu de temps, qu'est-ce que t'en dis ? fit l'aînée à l'intention de sa collègue."


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"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Dim 3 Déc - 21:53
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Maï-Lan Anderson
J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

Incandescence glacée

Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.

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L'encre entre nos mains noircies
Nous n'avons pas besoin de comprendre
L'encre entre nos cœurs raidis
Nous n'avons pas besoin de savoir

Animals*

* Je fais de mon mieux, mais tout semble inquiétant
Je ne me sens pas bénie, bien au contraire
Cela ne devrait pas être si monotone
Il ne pleut jamais, mais il pleut à verse
….
Nous ne sommes qu'une bande de putains d'animaux
Mais nous avons peur du résultat
Ne pleurez pas parce que la fiction dans laquelle nous vivons
Dit que je devrais tirer la goupille
...
Devrais-je tirer la goupille ?
Devrais-je tirer la goupille ?

L'infini attend là
Parce que personne ne peut brûler une cathédrale de verre

Devrais-je simplement tirer la goupille ?

* Ouarfalla (tribu majoritaire en Lybie)
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Jo'
Jeu 14 Déc - 16:09

Delphine
Kremms

J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

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Elles resteraient donc malgré les inquiétudes d'Ismaël. Rien ne l'obligeait légalement à rester en situation dangereuse pour elles mais d'une part il sentait bien l'importance diplomatique de la survie de journalistes occidentales dans ce conflit ; d'une autre part c'était une position personnelle plus challengeante mais aussi moralement confortable. Le jeune Libyen n'avait pas à se positionner dans les conflits du moment qu'il accompagnait les deux femmes. Il ne se rangeait ni du côté rebelle, ni de celui des Kadhafistes - il était fixeur, il faisait son travail, voilà tout. Ismaël était intelligent. Il savait qu'au-delà des risques immédiats qu'il courait dans les affrontements, ses décisions impacteraient sa famille après que le sable soit retombé : s'il prenait parti pour l'armée il s'exposait aux représailles des rebelles, mais s'il menait révolution, cela signifiait aussi que ses proches pourraient être faits prisonniers.

Alors il acquiesca.
Et il se fut l'heure d'enquêter sur les poseurs de mines.

C'est le jeune garçon qui vint les chercher et tous ressortirent du souterrain. La vie semblait tue à la surface, battue par la chaleur des hauts soleils, tenue en joug par le suspend des bombes, atrocement pâteuse. Les affrontements avaient arrêté, l'armée avait gagné du terrain ce matin-là, il fallait désormais marcher moins longtemps pour atteindre les limites surveillées. Mouloud escorta l'équipe jusqu'à celles-ci et ils y retrouvèrent des hommes déjà en plein travail. Tandis que Maï-Lan en prenait des images, Delphine questionna l'un d'eux qui tenait précautionneusement un grand seau en plastique. La journaliste reconnaissait très bien le dispositif pour en avoir vu à Mossoul. Le récipient est rempli de 7kg d'explosif, son couvercle d'assez mauvaise facture pour se courber sous la contrainte, et le déclencheur juste au-dessous de celui-ci.

"On va mettre du sable dessus pour qu'ils le voient pas, commenta l'homme en plissant les yeux sur le soleil."

C'étaient ce genre de mines artisanales, parfois reliées à des barriques enfouies de TATP, qui avaient fait sauter le char quelques heures auparavant.

"Vous faites quoi dans le civil ?
- ... faisiez,
corrigea-t-il en déposant d'une absolue lenteur le seau dans un trou de sable."

Son crâne luisant fondait sous les dards du soleil, et ni sa calvitie ni un chapeau ne pouvait l'en protéger. Il lui restait quelques cheveux épars aux tempes et dans la nuque, frisés, gris. Pourtant, hormis des pattes d'oie sympathiques qui témoignaient de sa propension à sourire et l'absence de quelques dents, il ne devait pas avoir plus de quarante ans.

"J'étais électricien ..." Il le disait avec force nostalgie. "... et je crois futur taulard."

Certains étaient ici parce qu'ils savaient faire la guerre, parce qu'ils voulaient faire la guerre, parce qu'ils avaient admis les contrats sociaux de la guerre. D'autres, comme Callum dont les doigts friables rabattaient du sable sur sa mine, étaient venus par conviction sans savoir ce qu'ils allaient devoir faire et convaincus qu'ils ne seraient jamais du côté des vainqueurs. Le régime en place les incitait à penser qu'ils n'avaient déjà plus rien à perdre. Et l'état du monde leur rappelait que quoi qu'ils fassent rien ne sourit jamais aux plus pauvres des pays les plus pauvres. Mais c'était ça ou ne rien faire. Et Callum se sentait utile ici. Il n'aurait pas eu trop travail puisque les affrontements avaient coupé l'arrivée d'électricité dans sa ville.

Mouloud et Maï-Lan passaient de saboteur en saboteur pour prendre des images différentes. Ismaël continuait sa traduction.

"Quelle est votre place dans la rébellion ?
- Je prépare les détonateurs, et quand j'ai finis j'aide à installer les bombes. Le reste, c'est d'autres qui font. Dans quelle bombe on met les détonateurs, et quels explosifs on met dans quelles bombes, c'est d'autres types qui nous disent.
- Vous recevez des ordres ?
- Ca se fait, oui, naturellement. Il y a des gars qui ont l'habitude, qui ont fait ça en Irak ou en Egypte. Moi ... Bah, j'étais électricien.
- Que se passe-t-il si vous n'êtes pas d'accord ?
- Eh bien, je pense que je peux quitter les rangs, ma p'tite dame. Mais j'vais pas commencer à poser n'importe quoi comme je veux. Imaginez, faut qu'on soit tous au courant d'où qu'c'est qu'on met les mines.
- Vous avez voix aux décisions ? Vous savez qui sont les stratèges qui vous commandent ?
- ... commandent, commandent ..."
Un regard contemplatif. "... oui, bon. Tout c'que je sais, c'est qu'ils savent ce qu'ils font. Et que c'est bien pratique que quelqu'un pense à votre place quand vous voulez renverser un régime !"

Un léger rire, Delphine note l'opacité d'une hiérarchie qui ne s'avoue pas mais s'affirme tout de même. La journaliste pressent des ambitions chez ces décideurs rebelles venus de loin et surtout revenus de leurs défaites il y avait de cela des années. Ca ne présageait nulle paix. Callum pointa du menton un autre type qui manipulait un tonneau. La jeune femme remercia donc l'électricien puis s'en alla questionner de nouvelles petites mains, après quoi (et bien après l'heure prévue pour ces entrevues), les collègues se rejoignirent pour retrouver les quartiers. Delphine chuchotait en Français avec sa collègue.

"Je suis très tendue. Les gens ici ne savent pas ce qu'ils font, ils prennent des ordres directs de combattants de l'Etat Islamique. Je pense qu'on est très loin de la révolution du peuple qui nous a été vendue. Leur désoeuvrement est exploité par les opposants politiques pour renverser le régime. S'ils y arrivent, tu imagines ? Ca va être la charia ..."


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Mar 26 Déc - 21:16
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Maï-Lan Anderson
J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

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Elle n'eut pas envie de filmer les poseurs de bombes. Parfois, le fait que les images demeuraient figées parlaient davantage à ceux qui les regardaient. L'imaginaire galopait, les yeux et les âmes voyaient au delà de l'horizon imposé, touchant davantage la raison et les cœurs. Les horreurs des guerres se suffisaient à elles-mêmes, inutile d'en rajouter. Le pouvoir de suggestion, -quoique bien entaillé par les scènes explicites-, permettait l'ouverture de discussions, de débats...que n'offraient pas nécessairement les images prises en direct. Ne pas tout dévoiler pour susciter la curiosité, photographier pour l'éternité un regard, une main noircie dans la terre...Façonner l'art de la guerre pour qu'elle se reproduise plus jamais...


« S'ils y arrivent, tu imagines ? Ça va être la charia ... »
Maï haussa les épaules :

-Qu'est-ce que tu veux qu'on y fasse ? Répondit-elle sur le même ton.

Elle avait pris son air désabusé, le regard rivé sur l'appareil photo dont elle éliminait des clichés inexploitables. Ceux qui ne la connaissaient pas, entendant sa réaction, la jugeraient empreinte d'une indifférence cruelle, dégueulasse face à la situation des libyens. Mais Delphine ne s'y trompait pas. Elle était la seule à savoir...

-Tu sais bien comment ça marche malheureusement. Le peu d'espoir qu'on pourrait avoir est un concept de riches, de gens libres qui n'ont jamais eu la terreur au cul. Ici, Dieu n'est pas un rendez-vous qui t'attend dans une église le dimanche. Les gens baignent dans l'extrémisme depuis le ventre de leur mère, comment veux tu qu'ils ouvrent leur esprit à autre chose ? Et tous ceux qui ne peuvent que subir sont là pour obéir, se la fermer et gagner du fric pour ne pas crever.  

Tout en parlant, elle rangeait son matos dans le sac à dos, coupa définitivement la caméra, ajusta les bretelles sur ses épaules.

-Parfois je me demande si on sert vraiment à quelque chose. Regarde ce qui se passe en Iran, malgré le reportage qu'on a balancé il y a deux ans, ça n'a rien changé , ça ne changera jamais rien. En vrai c'est désespérant !

Elle soupira, fit une grimace d'humour, précisa :

-Je suis cre-vée, laisse tomber, ça m'énerve, ça me révolte ! Et puis j'ai faim.


Sans transition. Elle était comme ça la métis, brut de décoffrage, sans détour, que ce soit avec le boulot ou en privé, elle n'y allait pas par quatre chemins, spontanée, radicale. Sans filtre, elle ne ménageait guère sa binôme et l'alchimie fonctionnait entre elles malgré tout. Il n'y avait pas de loup sous le tapis, elles se disaient les choses franchement et Maï-Lan appréciait profondément la franchise de Delphine à son égard. Combien de fois s'engueulaient elles ? Pas souvent en vérité mais lorsque cela se produisait, ça pétait et puis l'instant d'après, c'était terminé sans aucune rancune. Clair, net et précis.

-On rentre ? demanda t-elle doucement. Une manière de s'extirper d'un enfer, de penser à autre chose. Qu'elle s'apaise.

Se reposer avant demain. Avant la ligne de front. Avant les chars et les balles. Savourer une bulle emplie de paix et de douceur, hors du temps et de l'espace. Hors de la guerre.

Ismaël parlait avec un jeune garçon, trop jeune. Mouloud fumait sa clope assis sur un bloc de béton. Les autres vaquaient à leurs occupations comme si de rien n'était, comme si c'était un champ de patates à repiquer...
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Sam 30 Déc - 13:52

Delphine
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J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

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Les airs désenchantés de Maï-Lan ne trompaient pas sa collègue qui la caressait d'un regard tendre. Delphine savait comme ces accès de nihilisme se manifestaient précisément chez elle un besoin d'aller plus loin, elle savait que c'était l'expression non pas d'un désespoir, mais d'un espoir blessé au contraire, et qui se révolte, et qui s'acharne. Il était certain que le jour où Maï-Lan ferait son travail sans broncher, alors oui elle aurai abandonné pour de bon. Mais plus elle s'arque boutait sur leur impuissance, plus cela témoignait de sa rage d'y changer quelque chose.

"Je suis cre-vée, laisse tomber, ça m'énerve, ça me révolte ! Et puis j'ai faim."

Elle avait coincé une mèche de cheveux en réajustant son sac à dos, entre la bretelle camouflage et le kevlar du gilet pare-balles. Delphine la lui retira maternellement, toujours aussi admirative des ondulations geai, fortes et souples de sa camarade. C'était vraiment une femme magnifique, ce qui frappait la journaliste chaque fois que l'expression de ses émotions froissaient son visage. Même le teint assailli de sable, les cheveux bouffés de soleil, la nuque poissée de sueur, Maï-Lann était superbe. Et tout le feu qui émanait d'elle la rendait plus magnétique encore.

"On rentre ?
- T'as raison,
lui sourit-elle la contemplant longuement. J'ai faim aussi."

Elles firent un signe à Ismaël qui achevait sa conversation et, alors qu'il les rejoignit et qu'ils prirent le chemin du retour, Delphine hésita à partager des idées plus optimistes de leur métier. Elle se figura néanmoins que sa collègue avait davantage besoin d'évacuer que de raisonner et se ravisa. Le soir vint doucereusement, violet, doux. Cette nuit, elles auraient froid. On les installa à même le sol comme tous dormaient ici, sur un tapis récupéré dans une maison éventrée, tandis que d'autres avaient leurs sacs de couchage ou moins encore. Les plus durs, ou les plus démunis c'est selon, dormaient sur le béton avec leur casquette en toile pour seul oreiller, d'un somme lourd qui les faisait ronfler éloquemment.

Par mesure religieuse, les deux femmes étaient mises à part, isolées même de leur fixeur qui dormait avec les "sous-hommes" : les enfants soldats, ceux qui ne savaient pas tirer, ceux encore qui ne parlaient qu'un dialecte et qui ne comprenaient rien ni ne pouvaient se faire comprendre, bref, tous ceux qui n'avaient nulle voix au chapitre. Cette bulle de tranquillité avait quelque chose de plaisant pour les deux journalistes qui étaient restées tout le jour sur leurs gardes, entourées d'hommes qui leur étaient hostiles. Elles n'étaient pas à l'abri sans verrou mais elles étaient ensemble dans ce qui pouvait ressembler à un peu d'intimité. Elles avaient disposé leurs gourdes en inox devant la porte pour s'assurer qu'un bruit les réveillerait si un soldat mal intentionné venait à entrer. Cette nuit, les affrontements reprendraient. Elles rejoindraient avec Ismaël les échanges de tir du petit matin. Mais elles savaient qu'elles se reposeraient peu.

Delphine perdait ses yeux sur le profil clos de son amie. La lune blanche qui filtrait par les meurtrières lui donnait un air déifique. Ca lui semblait fou comme un visage si familier pouvait jaillir dans toute sa nouveauté, son unicité. Elle n'éprouvait pas cela pour son époux - elle n'avait jamais éprouvé cela pour un homme, du reste. Parfois, ça la troublait. Puis elle se rassurait. C'étaient les risques qu'elles prenaient ensemble qui les unissaient ainsi. Elle ne pouvait pas avoir ce degré de confiance, de compréhension tacite, de complicité avec quelqu'un du monde normal. Elle ne pouvait pas trouver un autre corps, un autre visage, une autre voix plus fiable et pénétrant dans les circonstances du quotidien. Elle ferma les yeux. Elle ne pensait même pas à ses enfants. Elle s'assoupit.

Puis un bruit creux des gourdes renversées au sol les réveillèrent. Sursautant, elle s'attendaient à voir Ismaël venir les chercher pour suivre les combats. Mais non. C'étaient les rebelles de la révolte - elles ne s'en méfièrent pas immédiatement, jusqu'à ce que deux d'entre eux se mettent à saucissonner leurs poignets dans de la corde. Elles ne comprenaient pas pourquoi ils les attachaient.

"Vous venez avec nous, on décarre, cracha l'un d'eux traduit par Maï-Lann."

Pourquoi attachées ? Pourquoi en prisonnières ? Pourquoi les forcer à les suivre ? Leurs vies s'apprêtaient à basculer tandis qu'elles se débattaient sous leurs bras fermés.


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Jeu 11 Jan - 23:40
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J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure.

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Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.

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La tendresse de son geste lui fit mal. De ce mal qui l'oppressait depuis des millénaires, asphyxié par une puissance de sentiment si mutique qu'elle finissait par la ronger. Le mal de tous ces instants qui n'existaient pas, de la douleur du cœur battant dans le vide. Un mal d'elle délicat, empli du manque abyssal de pouvoir l'aimer. Ne plus se suffire. Une équation simple, si incommensurablement, secrètement douloureuse : l'impossible amour.

Sourire bref. Clin d’œil. S'affairer pour s'échapper.

Clin de ta lumière qui me brûle et m'incinère ! Ne me regarde pas comme ça ! Balance tes prunelles ailleurs ! Éloigne toi de ma peau ! Éloigne toi de mes lambeaux ! Quitte mes jours et mes nuits  ! Que je te quitte...jamais...Jamais...

« Merci de ne rien dire. Merci d'être là. Merci d'être toi. » Les mots silencieux dansaient à l'intérieur. Maï souriait en dedans. Cette complicité sans nom qu'elles possédaient précieusement. Radicalement. Naturellement. Cela avait toujours été. Cela sera malgré et envers contre tout.

La nuit tomba brutalement et le froid s'abattit d'emblée comme d'habitude sous ces latitudes. Leur frugal dîner terminé, elles discutèrent de choses et d'autres, un peu de boulot, beaucoup de projets futurs. La métis rêvait d'un reportage sur les tribus primitives, élaborait des stratégies pour arriver à ses fins.

-J'y arriverai, je te jure que j'y arriverai. Au pire, je me financerai moi-même. Une année de césure, tu imagines ?


Elles parlaient bas alors que personne ne pouvait les entendre. C'était simple, c'était bon. Une légèreté en plein milieu d'une guerre. Ne pas penser à demain, ni à hier. Juste le moment présent et Delphine. Se voler du temps avec elle. Se graver des souvenirs et des sourires.

Elle finit par s'écraser dans le sommeil en plein milieu d'une réponse qu'elle marmonna avant de sombrer.

***

Vacarme. Réveil brutal.

-Qu'est-ce que... ?

Abrutie par la situation, sur le coup, elle essaya vainement de retirer les liens trop serrés de ses poignets. Gueula en arabe un « putain mais c'est quoi ce délire ?!!! », traduisit à Delphine l'air complètement ahuri, avant d'être sortie de la pièce fermement maintenue.

-On est journalistes ! JOURNALISTES ! Vous n'avez pas le droit de nous embarquer comme ça ! Ismaël ! Ismaël !

Mais la pièce où tous s'étaient réunis la veille se trouvait désespérément vide. Une fois à l'extérieur, des types s'avancèrent. A la vue des deux femmes, l'un d'entre eux ordonna simplement : « on y va ».

-Nous sommes françaises ! On travaille pour la télévision ! On est journalistes ! Laissez nous ! Vous n'av... -Ferme ta gueule, trancha d'un ton mauvais l'un des hommes.

À son regard, Maï se tut. Elle avait appris à reconnaître, à force, ces reflets là de l'âme, ceux qui avaient l'habitude de tuer.

Elles durent monter à l'arrière d'un pick up entourées par cinq ou six combattants armés jusqu'aux dents. Assise à côté de Delphine, elle expliqua à mi-voix :

-Je leur ai dit ce qu'on faisait ici, rien à faire, ils en ont rien à foutre et...


-La ferme !

Dents serrées, elle obéit. L'évidence se résumait en quelques mots : elles se trouvaient dans une merde noire.


World On Fire

Je reviens des ténèbres et vais sauver ta précieuse peau
Je mettrai fin à tes souffrances et laisserai entrer la lumière bienfaisante
Envoyée par des forces au-delà du salut
Il ne peut y avoir qu'une seule sensation
 
Monde en feu avec un soleil embrumé
Arrêtant tout et tout le monde
Accroche toi car tout le monde paiera
Les secours arrivent
 
Fille, je te couvrirai quand le ciel s'écrasera
J'irai jusqu'au bout...
Tu sais qu'il y a quelque chose qui descend du ciel en haut
 
Nous sauverons ta précieuse peau
Laisse entrer la lumière bienfaisante
Je te couvrirai quand le ciel s'écrasera
Jo'
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Jo'
Sam 13 Jan - 17:54

Delphine
Kremms

J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

Les yeux du monde - Page 3 Tenor
Elle ne comprenait pas les mots mais les gestes étaient limpides. Le ton de leurs sommations. Et l'angoisse dans la voix de son amie. Elle tentait de comprendre quelque chose à leur captivité contre laquelle elles ne pouvaient rien. D'abord : où allaient-ils, et pour quelles raisons. A quoi serviraient-elles ? Quel but observait cette capture ? Ou alors étais-ce punitif ? Allaient-elles être libérées, étaient-elles finalement juste déplacées ? Avaient-ils peur qu'elles s'échappent ? Pourquoi ? Ils n'étaient pas décidés à lâcher le moindre bout de réponse, et s'opposaient avec véhémence au moindre échange entre les deux femmes, du reste.

Delphine essayait de lorgner sous les liens de la capote du pick up pour entr'apercevoir Ras Lanuf dont ils s'éloignaient. Au loin parvenait du grabuge, des tirs de balles, des séries d'automatique qui perforaient le vent. Parfois la ville s'éclairait de tumeurs jaune et rouge, explosives. Quelque chose avait pu mal se passer durant les affrontement, ce qui expliquait leur retraite, et la violence des échanges au loin.

La voiture conduisait rapidement dans la nuit, les filles, légères, peinaient à rester stables sur les banquettes. Leur dos accusait le coup de chaque sursaut sur les reliefs escarpés Libyens. Elles s'échangèrent un regard qui n'était pas celui du désespoir, ni tout à fait celui de l'inquiétude. C'était celui de la survie. De la volonté inébranlable de rentrer chez elles. La situation avait de quoi alarmer et ne faisait pas partie de la routine bien sûr, néanmoins, ce n'était pas la première fois qu'elles se trouvaient au seuil de leur vie. Chaque fois, leurs pirouettes avaient su les sauver. Elles n'étaient pas sereines mais pas tout à fait démunies.

Elles auraient le temps de réaliser à quel point cette fois, tout était différent.

Deux heures de ce chemin inconfortable, mutique et assoiffé plus tard, la voiture s'arrêta. Leur escorte sortit et leur somma, forte de menaces, de ne pas bouger. Elles n'avaient donc pas plus d'autonomie qu'auparavant mais pouvaient communiquer à voix basse. Immédiatement, elles s'allégèrent d'un poids. Ensemble, elles étaient plus stables, plus organisées, plus fortes. Autour, des ordres lancés en arabe. Les filles écoutaient et échangeaient dans les interstices silencieuses. Ils organisaient un retrait coordonné.

"Ils ont dû être pris de court à Ras Lanuf, commenta Delphine sur l'appui des traductions de sa collègue. Peut-être qu'on ne fait que se déplacer et qu'ils ne nous font simplement pas confiance, ou alors ..." Un regard univoque lia les deux femmes. "... Ou alors on va être une monnaie d'échange."


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Jeu 1 Fév - 18:33
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Maï-Lan Anderson
J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

Incandescence glacée

Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.

Les yeux du monde - Page 3 Delphi10


Avatar: Karrueche Tientrese Tran. Crédit image: Pinterest et ma pomme
L'angoisse la brûlait comme un mauvais feu destructeur. Il leur était arrivé parfois de se trouver dans des situations limites mais toutes deux connaissaient la ligne rouge qu'il ne fallait absolument pas franchir. Recueillir des infos oui, mais pas à n'importe quel prix ni n'importe comment. Leur statut de journalistes les avait toujours protégées jusque là et d'une certaine manière, elles n'en avaient jamais abusé. Certes, louvoyer, séduire en utilisant un discours professionnel bien rôdé, trouver les failles qui amenaient aux confidences, sourire, donner de l'importance aux uns et aux autres,  se positionner dans une écoute active, fouiner, observer, savoir se taire...constituaient autant d'ingrédients et de savoirs faire, de savoirs être qui pouvaient passer pour de la manipulation ou de l'ingérence. De fait, toutes ces compétences acquises au fur et à mesure sur le terrain se résumaient à un maître mot : s'adapter. Delphine y parvenait plus facilement et ce n'était par hasard que leur binôme fonctionnait du feu de dieu. Autant Maï se sentait à l'aise avec la « matière » des situations, avait l’œil pour repérer ce qui, de prime abord, pouvait se révéler anecdotique mais qui, a contrario, s'avérait révélateur des cœurs de conflits, autant sa compagne de boulot possédait l'art de faire parler, d'inviter à la confidence. Ce qu'elle dégageait, la façon subtile ou directe, -c'était selon- avec laquelle elle s'adressait aux protagonistes leur donnait très souvent un sentiment de confiance et ce, même avec des gens endurcis aux horreurs de la guerre. Une espèce d'équilibre yin-yang les liait.

La donne avait changé.



-Nous déplacer en nous liant les mains... grommela t-elle.

... Ou alors on va être une monnaie d'échange.

Échange de regards qui en disait trop long. Elle ne répondit pas, attendant la suite, attentive aux paroles qui s'échangeaient entre les hommes. Ceux qui les avaient amenées repartirent sans attendre.

* أنا أحذر أخينا  خذهم  -

Ils se trouvaient dans un lieu désert. Des bâtiments au milieu de nulle part, le soleil qui continuait sa lancée sur la droite. On les amena devant une porte rouillée qui grinça à son ouverture. Elles y furent poussées sans ménagement déboulant dans une pièce étroite, haute de plafond dont la seule lumière venait d'une percée irrégulière à au moins trois mètres du sol.

-On est à l'ouest de Ras Lanuf, je n'ai pu repérer que ça. Deux heures de trajet à peu près, ça nous situe où à ton avis ? Syrte ?

Syrte, le fief de Kadhafi où les frelons radicaux commençaient à s'activer, profitant de la révolte.

-Viens, je vais t'enlever ça.

Après bien des efforts, elles finirent par réussir à dénouer leurs liens. Il n'y avait rien autour d'elle. RIEN. De la terre battue, des murs qui s'effritaient, des pierres éparpillées.

Ce n'étaient pas les mêmes combattants qui les avaient reçues comme des chiens dans un jeu de quille. L'un avait dit « ...ça fait sept. Bien. On y est presque. » Sept quoi ? Sept otages ? Presque ?

Maï-Lan n'en avait pipé mot à Delphine. Pas encore...

-Ils ne peuvent pas nous garder indéfiniment.

Elle venait de s'assoir, jambes allongées, le dos contre la paroi froide. L'affirmer à voix haute pour se rassurer. Pour rassurer Delphine. Douce voix d'un mensonge ridiculement inutile.


* Emmenez les. Je préviens notre frère.
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