Ils sont rentrés dans le silence. Elle avait compris. Elle savait ce que lui penser … et elle n’était clairement pas d’accord. Alors elle le laissait dans son silence d’homme têtu. Elle l’était encore plus. Elle le laisse dans son silence parce qu’elle ne pouvait pas le presser. Pas après ce qu’elle avait prévu, le lendemain. Elle rentre dans leur petite maison rien qu’à eux. Elle observe la terrasse, et la table où son piège de demain aurait lieu… elle avait peur. Si peur. Qu’il la haïsse au bout du compte. Mais elle pourrait gérer, s’il vit. S’il vivait, elle pourrait vraiment gérer la haine. Elle se change, retrouve son « pyjama » volait à James. Son caleçon et son t-shirt. Elle remonte le t-shirt à son nez. Il n’a pas l’odeur du jeune homme. Elle avait de se lover dans ses bras. Elle frissonna de son égoïsme. Elle ne pouvait pas avoir ce genre d’envie. Elle s’approche doucement du couloir quand elle l’entend l’appeler. Non. Elle ne serait pas égoïste, parce que ce n’était pas sa vision de l’amour. Elle arrive quand elle l’appelle, avec son sourire un peu timide.

- Oui ! Je veux, oui. Pour rester avec toi, elle se glisse dans le lit et elle prend à nouveau sa main, l’enfermant dans ses propres mains.

Oui. Elle voulait être avec lui. Elle voulait être à ses côtés. Elle le voulait, et elle le regarda, passant une main sur le visage de l’homme avec délicatesse. Elle caresse cette peau si douce, son nez, sa joue, ses lèvres. Elle l’aimait. Elle s’endort comme ça. Une main dans sa main et l’autre sur son visage.

*

Le lendemain fut pareil que la veille. Ils se levèrent. Elle se prépare pendant que l’infirmier était en train de faire ce qu’il avait à faire avec James. Ils prirent un petit déjeuner, qu’elle lui donna avec un sourire sincère et un regard franc. Elle passa la matinée en bikini, à nouveau. Pas une fois, de la matinée, elle l’embrassa. Elle ne l’embrassait pas pour que sa trahison soit plus douce. Un minime. Elle avait envie de pleurer mais elle devait prouver à James qu’il y avait une chance. Il fallait absolument qu’elle lui prouve, par tous les moyens. Ils mangèrent ensemble et là encore elle combla le silence de son mensonge par une conversation légère et sympathique. Après manger, elle débarrassa la table et revient vers lui pour vérifier l’heure… Ok…. Elle se penche, accroupi vers James pour le regarder.

- James, tu te souviens, j’ai besoin d’un joker. Je n’ai pas réellement menti mais … Il y a quelqu’un que je veux que tu rencontres. Et je sais … Je sais que tu vas me détester pour te faire ça, et je promet de me faire pardonner… mais s’il te plait …

Elle se relève et lui fait un bisou sur les lèvres.

- Je t’aime. Et même si tu me déteste, je te trouverais ta chanson.

Ça sonne, alors elle se lève et va ouvrir à un homme. L’homme ressemblait à un homme mûr d’une cinquantaine d’années. Elle lui sourit et l’emmène vers la table. Elle sourit mais tremble aussi un peu. Elle frotte ses mains, l’un contre l’autre. Mal à l’aise en regardant James, elle lui fit un sourire timide et délicat. Un sourire amoureux.

- James, je te présente Monsieur Rossi. Il est un docteur qui a mis en place un protocole expérimental, qui a déjà eu des résultats vraiment vraiment bénéfice. Même si j’ai pas tout compris. Je ne suis pas … fin, j’ai pas tout compris mais … … Est-ce que tu peux l’écouter ? Et tu me disputeras ensuite. Et tu m’en voudras mais … écoute-le.

Elle se déplaça, caressa le visage de James et laisse l’homme s’assoir à sa place. Elle lança un regard plein de pitié au Docteur Rossi. C’était lui-même qui avait pu se remettre à manger … C’était lui. Alors elle avait une chance de faire changer d’avis James. Elle se déplace. Elle se met dans la maison. Non. Pire. Elle va dans le lit. Elle se glisse dans le lit. A la place de James. Elle sent son odeur. Elle déteste ça. Elle déteste l’avoir presque piégé. Elle déteste ça. Parce qu’elle l’aime. Elle ne peut pas vivre s’il meurt.

HRP – Si tu veux jouer le docteur ou l’éclipser à ta convenance.

Je dormis paisiblement contre elle, soulagé qu'elle n'ait pas insisté pour ce soir. Je me réveillais le premier le lendemain. Je la regardais dormir avant qu'elle ne se réveille et ne me laisse avec l'infirmier. J'avais toujours la même attitude que la veille. J'espérais qu'elle nous ait préparé un programme sympa pour la journée, qu'on puisse bouger un peu et se changer les idées. Je notais mentalement de mon côté les sujets que je devais éviter pour ne pas nous faire souffrir. Je ne devais pas lui rappeler que j'allais mourir et que tous ses efforts étaient vains. Je ne devais pas entamer une discussion qui finirait sur des déclarations d'amour enflammé de sa part. Je ne devais pas non plus m'attarder sur le fait que je me refusais à aborder mes sentiments avec elle, pour ne pas qu'elle s'attache davantage à moi et qu'elle ne souffre encore plus lors de ma mort.

Je ne savais pas ce qu'elle avait prévu mais on passa une matinée au calme. Moi ça me convenait parfaitement mais je savais qu'il y avait tout un tas d'activités qu'elle voulait faire avec moi et je voulais aussi qu'elle s'amuse, qu'elle profite réellement de ses vacances.

Je pensais qu'après le déjeuner elle viendra me parler de ce qu'elle avait prévu ou de ce qu'elle voulait faire mais elle me surprit en prenant un ton plus grave, en me parlant de ce joker qu'elle s'était auto attribué en dépit de mon avis. Je commençais vraiment à m'inquiéter. Que m'avait elle donc réservé? Que se passait il? Qu'avait elle fait de si grave pour que même elle ait peur de ma réaction?

Puis je compris...

Elle arriva avec un médecin, encore un de ces pseudos experts qui avait sorti il ne savait quel traitement expérimental hérité d'une quelconque méthode à la con pour refaire marcher les tétra, voir les aveugles et pourquoi pas repousser les membres aussi tant qu'on y était.

Je la foudroyais du regard alors qu'elle s'en allait, me laissant seul avec le charlatan. C'était donc ça son plan, sa grande idée pour trouver ma chanson et me forcer à rester en vie. Elle avait trouvé un médecin à la con qui lui avait retourné la tête et avait prétendu pouvoir me sauver sans avoir même jeté un coup d'oeil à mon dossier. Joker ou non je m'en foutais, je ne pourrais pas lui pardonner de m'avoir fait ça, de ne pas vouloir comprendre.

Je restais dans mon fauteuil, écoutant le médecin me parler des découvertes qu'il avait fait en étudiant les petits êtres fluos qui flottaient sur la fameuse plage. Il avait trouvé une substance capable de régénérer les nerfs endommagés. Il s'en était servi pour soigner sa maladie de Charcot. Il avait utilisé le même protocole sur deux personnes paraplégiques et avaient eu de bons résultats. Il voulait aller plus loin en l'essayant sur moi.

"Je ne vous promets pas que cela marchera. J'aurais besoin d'étudier votre dossier avant et je reviendrais très vite vers vous. Je ne veux pas vous donner de faux espoir surtout, mais il y a quand même une petite chance de..."

- Non.

Je le coupais froidement alors que l'homme parlait.

- Ce n'est pas à moi que vous donnez de faux espoirs, moi je n'en ai plus. C'est à elle. Je tente de lui faire accepter ma décision, de lui faire comprendre que c'est ce dont j'ai besoin parce que cette vie, non, cette pâle imitation de vie me fait beaucoup trop souffrir. Et vous lui donnez cet espoir, qu'un jour moi aussi je pourrais remarcher et que je puisse lui offrir la vie qu'elle mérite. Mais ça n'arrivera pas. Elle doit l'entendre. Et tant qu'elle s'accrochera aux discours de mecs dans votre genre elle n'y arrivera pas.

Je reculais avec mon fauteuil, me détournant de l'homme.

- Allez vous en s'il vous plait.

Il tenta de parler mais je restais à l'ignorer. Il cessa rapidement ses efforts pour quitter la maison. J'attendis qu'il parte pour aller la rejoindre dans la chambre. Je la regardais froidement, plus en colère que je ne l'avais jamais été.

- Trouve nous un vol de retour. Le plus tôt possible. Occupe toi de ça, de prévenir l'hôtel, de faire nos valises. Je veux partir et le plus tôt sera le mieux.

Il était hors de question que je reste une minute de plus dans cet endroit, que je continue de profiter de mes vacances comme si de rien n'était. Je ne voulais même plus la voir...

Je me détournais d'elle, allant sur la terrasse pour fixer l'océan sans rien dire.

Elle savait. Bien sûr qu’elle savait … Qu’il allait mal le prendre. Qu’il allait ignorer le docteur. Qu’il allait lui en vouloir. Mais elle avait décidé. Elle préférait être détestée qu’il ne soit mort. Elle préférait mourir qu’il ne soit mort. Elle ne pouvait pas imaginer une vie sans lui. Sérieusement ? Si l’homme qui lui avait sauvé la vie, sans le savoir certes, venait à mourir… cela faisait quoi d’elle ? Elle était une morte vivante depuis si longtemps. Elle vivait pour les autres. Elle s’accrochait aux autres pour vivre. Elle s’accroche à ce qu’elle peut. Elle l’écoute et baisse la tête en se relevant.

- Bien, comme tu veux, souffla-t-elle en s’occupant de tout ce qu’il désirait.

Elle fit les valises, en silence, elle appela, ne donnant pas trop de détails, et prépara le tout. Elle ne voulait pas que James regrette, mais elle regrettait déjà. Elle voulait James en vie. Alors qu’elle était en train de finir de faire la valise, elle sent ses jambes se couper, elle s’étale sur le sol. Elle sait que James n’est pas là, ou elle l’espère. Son téléphone, elle avait besoin d’appeler Paul. Il était le seul à tout savoir. A tout connaître. Elle prends son téléphone et s’en fou du prix de son appel, elle l’appelle.

- Allo, fit son meilleur ami à l’autre bout du fils alors qu’elle se mit à pleurer sans pouvoir s’en empêcher.

Paul attend de pouvoir parler, essaie de la calmer, mais elle ne peut pas… Elle n’arrive pas à s’empêcher de pleurer dans cette chambre qu’elle n’avait pas utilisée une fois. Elle est prostrée sur le sol, elle pleure. La dernière fois, elle était à l’hopital. Et elle venait d’apprendre qu’elle ne pourrait jamais avoir d’enfants. Elle venait d’apprendre qu’elle ne pourrait jamais devenir mère. Et tout comme là, elle avait l’impression que sa vie quitter son corps sans qu’elle puisse l’empêcher. Elle n’aurait jamais dû accepter de travailler pour James. Elle n’aurait jamais dû tomber amoureuse. Mais elle l’aime. Tellement. Sa main contre sa bouche pour cacher le flot des larmes qu’elle ne retient plus que pour James. Pour ne pas le blesser. Elle se fichait de sa condition, de son corps qui bouge ou non, de tout, elle se fichait même d’être mère si c’était pour le sauver. Elle ne voulait pas vivre sans lui. Et elle avait l’impression d’avoir perdu.

*

Ils avaient prit l’avion sans se parler. Elle avait prit un siège plus loin de lui. Elle pouvait le voir, encore, et elle envoyait parfois des regards vers lui. Elle avait tellement envie de demander pardon, de le supplier de lui pardonner, de lui expliquer. Mais il savait. Il savait pourquoi. Elle avait essayé de faire bonne figure. Elle avait essuyé ses larmes et elle était revenue le plus calmement possible. Elle avait évité de lui parler… parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas parler sans éclater en sanglot. Elle avait prévenu la mère de James. Elle avait prévu de partir avec Paul dès leur retour. Elle avait besoin d’aller pleurer. Encore. Elle avait besoin de pleurer. Dès qu’elle avait fini à l’aéroport, elle s’était tourné vers James et elle lui avait dit « Je t’aime ». Simple et claire, et elle était parti. Elle n’avait pas pris sa valise ou ses affaires. Elle avait fui. Elle s’était réfugié d’abord dans les bras de Paul. Puis, elle avait eu besoin de solitude.

*

Deux jours plus tard, elle n’était toujours pas sortit de son appartement. Elle était par terre, et elle avait pleuré. Encore. La dernière fois, elle avait fini sur un pont. Et elle se demandait si elle pourrait retrouver ce pont, avoir à nouveau le vent dans ses cheveux. Elle ne voulait pas mourir. Elle voulait juste ressentir à nouveau la vie. Ce qui l’avait fait survivre, ce jour là. Elle voulait le ressentir. Elle se leva, elle n’avait pas mangé depuis longtemps. Elle se sentit un peu fébrile. Elle se regarda dans le miroir. Bah, elle était pleine de larmes. Elle regarde son téléphone. Paul était en train de lui envoyer des messages. Elle ne voulait pas parler à Paul. Elle était partie en laissant son téléphone pour rejoindre ce pont. Un pont si grand, de fer noir. Il faisait nuit. La seule lumière était les lumières sur le pont. Et cette fois-ci, il n’y avait pas de musique venant d’une fête étudiante à côté. Elle se mit sur le bord, bien trop proche. Elle observait le sol. Elle ne voulait pas mourir. Non. Elle ne voulait que James vive. Alors qu’est-ce qu’elle pouvait faire, maintenant ?

- Far too young to die, souffla-t-elle avant de mettre sa tête contre la ferraille et respirer.

La personne qu’elle voulait, c’était James. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien faire maintenant ? Elle n'en savait rien. Elle se mit à se gratter le ventre, comme depuis deux jours. Elle avait besoin d'arracher sa peau. Si seulement elle pouvait donner son corps à James. Elle regarde la distance avec le sol et elle réfléchit. Elle devait trouver la réponse. Elle était clairement le buste vers l'extérieur, assise vers le vide.

Elle avait respecté ce que je lui avais demandé. Je n'aurais pas cru cela possible, surtout pas venant d'elle. Je m'étais attendu à ce qu'elle crie, pleure, tente de m'expliquer les raisons de son geste, qu'elle me supplie de ne pas mettre fin à mes jours. Mais elle n'avait rien fait. Elle était resté silencieuse pendant tout le voyage de retour, puis elle avait disparue.

Le retour avait été compliqué. Il avait fallu que j'explique à ma mère pourquoi nous étions rentré plus tôt, pourquoi Letty n'était plus là et pourquoi elle ne le serait plus. Puis nous avions crevé l'abcès...

Elle avait cru elle aussi que Letty pourrait réussir, qu'elle pourrait me convaincre de ne pas en finir. Et j'avais vidé mon sac. Je lui avais dit tout ce que j'avais sur le coeur. Je l'avais fait pleurer mais je savais que c'était nécessaire. Il fallait qu'elle l'entende. J'entendais et je comprenais son point de vue, mais je ne pouvais pas continuer ainsi. Il fallait qu'elle le comprenne, même si ça faisait mal.

J'avais repris contact avec les médecins en Suisse, finalisant le processus pour programmer mes derniers jours. Le rendez vous était pris. Je partirais dans deux mois. Le temps de mettre mes affaires en ordre, de régler quelques détails et tout serait prêt. Mais avant il y avait quelque chose que je devais faire, la chose la plus dure que je n'aurais jamais à faire. Je devais parler à Letty....

J'avais mis les choses au clair avec ma mère, j'avais réussi à lui faire comprendre. Il fallait maintenant que je fasse la même chose avec Letty.

Je ne pensais pas que ce serait aussi dur de la retrouver. Ma mère m'avait conduit à son adresse mais elle n'était pas là. Après quelques recherches j'avais fini par mettre la main sur les coordonnées de son ami. Il avait pu me renseigner sur les différents endroits où je pourrais la trouver. J'avais raccroché, le coupant alors qu'il commençait à me dire qu'il s'inquiétait pour elle.

Je l'avais trouvé sur un pont, sur le bord, occupé à regarder le vide. Je m'étais approché d'elle, la regardant tristement.

- J'ai besoin de te parler Letty. Et j'ai besoin que tu m'écoutes, sans m'interrompre. Tu pourras dire tout ce que tu veux ensuite mais j'aimerais que tu me laisses aller au bout avant. J'aimerais te poser une question... j'ai mon idée sur la réponse et je vais te la donner. Quand tu m'auras entendu, je te laisserais y répondre mais avant, je veux pouvoir te parler.

Elle n'allait pas l'aimer je le savais. Ca allait la faire souffrir. Mais c'était ce que je ressentais et j'avais besoin qu'elle l'entende.

- Pourquoi tu tiens tant à ce que je vive? J'ai mon idée sur ce que tu vas me répondre. Tu vas me dire que c'est parce que tu m'aimes, parce que tu ne supportes pas l'idée de vivre sans moi. Je le comprends... mais j'aimerais que tu réfléchisses deux minutes à ce que cela implique pour moi. Ne parlons pas du médecin que tu m'as fait voir. On ne sait pas si cela peut marcher, même lui ne le sait pas. Alors ne tenons pas compte de lui et parlons simplement de ce que rester en vie dans cet état voudra dire pour moi.

J'inspirais doucement, cherchant à me donner un peu de courage pour continuer.

- Chaque jour, chaque instant avec toi est une souffrance. Je devrais être heureux d'être avec toi comme tu l'es toi. Mais je ne peux pas l'être. Chaque jour je me réveille dans un lit duquel je ne peux sortir seul. J'attends qu'on vienne m'en sortir. Je subis les soins sur mon corps, comme si j'étais une poupée désarticulée qu'un autre manipule à ma place. Et je souffre... je souffre de voir la femme que j'aime et de ne pouvoir la serrer dans mes bras, de ne pouvoir l'embrasser, de ne pouvoir vivre avec elle tout simplement. Je reste là... sans bouger, sans pouvoir rien faire, sans pouvoir vivre. Et c'est une souffrance... une souffrance que tu ne peux imaginer. Je me réveille chaque matin et je suis en colère, furieux de voir que je ne suis pas mort.

Je déglutis difficilement, la gorge bloquée par toute la douleur que je ressentais en cet instant.

- Alors je te le demande... si tu m'aimes... pourquoi tu veux m'obliger à vivre ainsi?

Elle respire. Elle sent le vent dans ses cheveux. Elle pense à James. Elle le voit sourire. Elle ne sait pas si elle pourra vivre sans lui. Aura-t-elle le choix ? Elle essaie de penser, de sentir. Le problème, c’était que James avait laissé tomber l’espoir. Elle, elle était encore pleine d’espoir. Pour elle, ce n’était pas la fin. Elle était arrivée en retard dans l’histoire de James. James avait eu le temps de perdre espoir et de trouver cette « solution finale » mais pas elle. Elle, elle était au stade où elle allait remuer ciel et terre. Elle avait besoin … Il fallait qu’elle ait le temps de perdre espoir. Elle soupira encore et cogna sa tête contre le fer noir avant d’entendre une voiture. Si c’était Paul, elle allait le jeter par-dessus le pont pour ne pas la laisser tranquille. Elle se tourne pour voir James. Elle se fige. Se dit qu’il avait demandé de ne plus la voir…. Alors quoi ? Elle saute et se cache ? Mais il était là pour elle non ? Foutu Paul. Elle allait lui dessiner au marqueur indélébile sur la face la prochaine fois qu’il s’endort. Elle observe James, puis détourne les yeux. Elle n’a pas envie de l’écouter. Elle avait envie de faire l’enfant. De plaquer les mains contre ses oreilles et de chanter un air chiant pour oublier.

Pourtant quand elle le regarde, la seule musique qui lui vienne en tête, c’était celle de James. Et ça la fait chier. Parce qu’elle l’écoute comme il le demande. Il a demandé le silence, et elle reste silencieuse. Elle le regarde, seul indice qui prouve qu’elle l’avait entendu. Elle avait remit un pied sur la route, l’autre toujours dans le vide. Elle le regarde et bloque tout. Sa respiration, ses gestes, même son sang se fige dans ses veines. Elle se tait et sent les larmes couler. Elle sait ce qu’il veut savoir, mais elle ne veut pas le dire. Elle n’a aucune envie de lui dire. Il faut qu’elle tue son espoir ? Mais si elle n’avait plus d’espoir, si elle ne pouvait pas l’aider, lui, alors pourquoi avoir espoir pour le reste ? Le monde … Son monde était si triste sans James. Avant lui. Elle l’écoute et n’arrive plus à le regarder. Elle met sa tête contre le fer froid. Elle ne se demande pas qui l’a amené ici, ni comment, elle ne se pose aucune question. La seule chose qu’elle sait, c’est qu’elle n’a pas envie d’être là. Elle l’écoute et pleure en silence. Elle reste longtemps comme ça, après qu’il se soit tu. La question était … compliquée.

- Je n’ai pas envie de t’obliger à vivre comme ça, je voudrais que tu le désires, souffla-t-elle avant de relever ses yeux vers lui, ne te méprends pas, je comprends. Je comprends tout à fait. Je te comprends. Je ressens ce que tu me dis. Mais comprendre et vouloir… Ce n’est pas la même chose. Je n’ai pas envie de comprendre, je n’ai pas envie d’entendre… Je n’ai …. Je suis désolée James.

Elle soupire, prends du courage dans ce geste. Elle passe son deuxième pied avec le premier et elle tombe sur la route. Elle n’avait pas fait d’effort pour ses cheveux, et ses habits étaient sales. Elle déteste son corps. La question … La question qu’il venait de poser … Elle se le posait aussi pour elle-même. Mais alors … quoi ? Elle s’approche mais n’ose pas le toucher.

- Je comprends James, crois-moi.

Seulement elle n’était pas prête. Elle était égoïste. Le vent lui fit tourner la tête vers l’horizon. Elle pouvait entendre dans le vent la chanson de James. Elle devenait folle. Elle ne pouvait pas être égoïste… Elle n’en avait pas le droit. Pourtant, elle en avait envie. Elle pleurait et essuya ses larmes alors qu’elle sentait de manière physique la douleur du sel contre ses joues et sous ses paupières. Elle finit par se mettre accroupi, respirant entre ses jambes, elle avait froid.

- Je suis désolée de te faire souffrir James.

Elle voudrait tellement pouvoir lui donner le reste de son corps. Elle voudrait tout lui donner. Qu'il vive, heureux. Mais elle comprends qu'il veut mourir, et ça lui fait du mal...

Je la regardais peut être un peu trop froidement. Je me faisais l'effet d'être un monstre sans coeur. Elle était là à pleurer, à me supplier de vouloir continuer à vivre avec elle et moi tout ce que je trouvais à lui dire, c'était des reproches. Oui je souffrais mais ce n'était pas de sa faute. Elle m'aimait, elle voulait vivre avec moi, c'était des réactions normales. J'aurais du être heureux qu'elle veuille quand même de moi malgré mon handicap. Il y en avait plus d'eux qui avaient sombré parce que leur compagne les avaient quitté quand le handicap était venu s'inviter dans le couple. Elle, elle était là. Elle était prête à supporter tout ça. Et je la rejetais... Je lui demandais de me laisser mourir alors qu'elle était prête à vivre avec moi. C'était horrible j'en avais conscience. Mais elle arrivait à un moment de ma vie où je n'arrivais plus à avoir d'espoir, où je ne pouvais plus me projeter dans l'avenir, même avec elle, sans y voir autre chose que de la souffrance.

- Ce n'est pas toi qui me fait souffrir. Tu n'as pas à t'excuser. C'est la situation, ce handicap, cet accident...

Ce moment qui avait détruit ma vie et qui faisais que je la rendais tellement malheureuse en cet instant. Je m'en voulais de faire ça et je m'en voulais encore plus de ce que j'allais lui demander. Mais je savais aussi que je ne pourrais pas avancer, que je ne pourrais pas être en paix tant que je n'aurais pas eu de réponse à cette question. C'était atroce ce que j'allais lui demander, je le savais, mais je devais le faire.

- J'aurais aimé pouvoir être heureux à tes côtés, me dire que mon handicap n'était pas important, que le principal était qu'on soit ensemble mais je ne peux pas...

C'était au dessus de mes forces. Tout comme ce que j'allais lui demander serait probablement trop dur pour elle.

- Ma décision est prise. Si je dois vivre ainsi, je préfère tout arrêter. Je ne pourrais pas. Et... j'aurais besoin que tu sois là pour moi, si ça doit se terminer ainsi...

Parce que mourir n'était pas simple. Vivre était une souffrance de chaque instant mais mourir restait malgré tout effrayant. J'aurais besoin d'elle....

Elle savait. Laetitia savait. Alors elle tenait. Elle tenait et se disait qu’elle avait besoin d’être à nouveau … L’autre elle. Si James avait connu l’autre Laetitia, celle qui était complète, est-ce qu’il se sentirait plus heureux ? Non. C’était dans leur destin de se rencontrer cassé ainsi. Sinon, ils ne se seraient jamais rencontrés. C’était ainsi. Mais elle voulait tellement lui donner plus. Alors elle pleure parce qu’elle ne peut rien faire d’autre. Elle pleure parce qu’elle se sent fébrile, tremblante. Elle n’a pas froid, malgré le regard froid de l’homme sur elle. Elle n’a pas froid physiquement plutôt, parce que le reste d’elle-même est gelé, mais sans froid. Elle aurait tellement voulu prendre tout ça. Elle s’excuse. Elle n’est pas assez forte, assez bonne, quelque chose n’est pas assez bien en elle. Elle le sait. Elle le savait déjà avant de se faire poignarder. Elle était le genre de personne a qui il manque quelque chose. Elle le savait et elle l’acceptait. Mais c’était la première fois que ce manque était si cuisant, si énorme, qu’elle le tétanise. Elle pleure donc. Et l’écoute. Que pourrait-elle faire de plus ? Elle savait que sa décision était prise, mais elle n’arrivait pas à l’entendre. Elle tient sa position, s’approche encore. Elle voulait l’aider. Mais le dire, c’était l’accepter sans réserve. Elle pleure encore, met sa tête sur l’épaule du jeune homme et respire doucement.

- Il y a quelque chose que tu n’as pas compris, James, fit-elle en essayant de faire de l’humour dans son ton, Je t’aime. Je serais là, ce n’était pas une question. Je serais là et je te tiendrais la main…

Mais elle sait qu’elle va en mourir. Elle n’arrive pas à s’imaginer survivre à lui tenir la main. Elle ne sait pas comment … Elle se dit que même Paul ne pourrait la faire ressortir de sa tristesse. Elle a l’impression d’avoir aimé James toute sa vie, depuis le début de sa vie, elle l’attendait. Alors elle allait souffrir de le perdre … mais alors ? Tant pis. Elle souffrirait. Elle se laisserait mourir pour lui, et elle vivrait pour lui. Il le fallait. Elle le faisait souffrir à le vouloir en vie… elle le savait… mais comment pourrait-elle arrêter ?

- Je ne compte pas te quitter, sauf si tu me dis ne pas vouloir me voir … je pourrais me mettre un sac au pire des cas…

Et voilà qu’elle essayait encore de faire l’humour, cependant sa voix avait déraillé. Elle repensait à la voix de James quand elle lui avait dit vouloir partir des Maldives. S’il fallait expliquer comment foirer ses vacances en une étape, elle serait la maîtresse de conférence. Elle s’était jamais autant détester, mais elle y croyait elle. Et elle se déteste encore plus.

- Non... j'aurais besoin de toi...

Je savais à quel point c'était difficile pour elle de me promettre. Que pouvait il y avoir de plus horrible que de vivre ça? Tenir la main de celui qu'on aimait alors qu'il était entrain de nous quitter... Je ne pouvais pas imaginer pire souffrance que ça. Et je venais de lui demander d'endurer ça pour moi. J'étais un monstre, je n'avais pas d'autre mot.

- J'aurais besoin de toi... si je venais à faire ça....

J'inspirais profondément avant de continuer à parler. Je n'osais pas vraiment la regarder, je ne voulais pas voir ce qu'il se cachait dans son regard. Elle m'avait rassuré. Elle avait dit ce dont j'avais besoin d'entendre. Je ne voulais plus avoir le sentiment de ne pas être compris, d'être seul face à mon souffrance pendant qu'elle s'acharnait à faire comme si elle n'existait pas pour me donner envie de vivre. J'avais eu besoin de sentir qu'elle me comprenait. J'avais besoin de cette preuve d'amour, pas juste des mots mais cet acte d'amour alors que je lui demandais la chose la plus horrible du monde. Mais maintenant... maintenant je pouvais à mon tour faire quelque chose.

- Je vais laisser une chance à ton médecin. Je l'ai recontacté et je pars le voir dans une semaine pour qu'il fasse les examens qu'il veut, qu'il voit si il peut tenter quelque chose ou non. Je vais le laisser essayer si il pense avoir trouvé une solution. Et si... si ça ne marche pas j'aurais besoin de toi pour m'en aller...

Je ne pourrais pas le faire si elle n'était pas là. Mais je ne pourrais pas la laisser si je ne tentais pas tout. Je ne voulais pas qu'elle ait ce regret au moment de ma mort, de se dire qu'on n'avait pas tout tenté, que peut être... si seulement...

Je lui souris doucement, essayant de retenir les larmes qui n'avaient cessé de me guetter depuis le début de cette conversation.

- Et si ça marche, je t'interdis de me sortir une phrase du genre "je te l'avais bien dit". Tu... tu pourras juste me laisser être là pour toi, essayer de te rendre heureuse, de te faire toutes les choses que je rêve de faire chaque jour. Te prendre dans mes bras, t'embrasser jusqu'à en perdre notre souffle, te faire danser sur la plage au milieu des vagues, t'aimer toute la nuit... Promets le moi Letty.

- Je serais là, souffla-t-elle une fois qu’elle eut caché son visage dans son cou.

Il ne pourrait ni voir, ni sentir ses larmes… C’était mieux. Elle ne voulait pas le blesser. Elle n’avait jamais voulu le blesser. Elle ne savait réellement pas comment faire pour relever la tête sans fondre en larme. Que cela soit parce qu’il lui a manqué, deux jours sans lui et c’est la fin du monde, ou pour ce qu’il lui a demandé, ou simplement pour l’univers qui décide qu’elle n’avait jamais assez souffert. Une petite voix, cependant, plus maligne que les autres, remarqua l’utilisation du « si ». Si je venais à faire ça. Pas « quand je le ferais ». C’était … Il n’avait jamais utilisé le « si ». Jamais. Elle respira deux grandes goulées d’air avant de se reculer, ses larmes étaient là, mais ça ne coulait plus. Ses larmes, plus le fait qu’elle n’avait fait aucun effort pour se coiffer, se maquiller, ni même se laver, devait lui donner une tête affreuse. De quoi faire fuir la créature de Frankenstein… Elle le regarde et essaie de faire passer aucune émotion sur son visage. Elle essaie, mais malgré tout le sel sur son visage, un petit sourire apparu. Parce qu’elle, elle y croyait. De tout son cœur. Elle croyait que ça pouvait fonctionner. Elle savait que ça allait fonctionner. Mais … James ne voulait pas avoir d’espoir, ce qu’elle pouvait comprendre. Alors elle se composait une figure neutre avec ce sourire qu’elle n’arrive pas à s’enlever. Un sourire de joie sur un visage qui peinait à ne pas le montrer. Elle l’écoute et malgré elle, un rire échappe de ses lèvres et elle secoue la tête.

- Je te le promets, à la place je te dirais « je t’aime ».

Parce qu’elle pourra le dire. Si ça marche, s’il est encore là, alors elle pourra lui dire qu’elle l’aime, encore et encore et encore et encore jusqu’à devenir folle. Et ça sera parce qu’il était là. Elle n’avait pas besoin de lui dire qu’elle avait eu raison. Elle le savait. Et la conséquence était qu’elle pourrait lui dire je t’aime, et l’embrasser… Quand il le demande. Parce qu’il le demande pas, alors qu’elle a envie de l’embrasser, là tout de suite. Elle ne voit pas de raison de ne pas le faire. SI, et son esprit cri les deux lettres comme une bombe, si il le fait, alors elle sera là… et elle ne veut pas avoir à penser qu’elle avait donné que la moitié de son cœur pour se protéger. Elle lui donnait tout, sans contre mesure pour le pire des cas. Si elle souffre, elle souffrira, basta, tant pis, mais pour le moment elle ne voulait qu’être là pour lui. Elle met son nez contre le nez de James et réfléchit avant de lâcher un autre petit soupire.

- Mais une des choses que tu as dites, on n’est pas obligé d’attendre que quiconque est raison pour ça, tu sais ?

Il avait la faculté de bouger ses lèvres et sa langue, et un peu sa tête… Donc… S’embrasser jusqu'à à en perdre le souffle, c’était possible. Puis, son cœur battait tellement vite, que ça ne serait pas compliqué pour elle de louper un battement et de tomber dans les vapes, elle le garde contre elle, avant de relever la tête.

- Et je ne vois pas pourquoi tu m’aimerais que la nuit, je veux toute la vie. Qu’importe qu’elle soit courte ou longue.

Ouais … Aimer toute la nuit, ce n’était pas assez … Et la véritable signification de cette phrase passer à des années lumières de Letty. Elle l’avait dit. Ce n’était pas physique l’amour qu’elle lui porte, c’était tout le reste. C’était plus fort que ce qu’elle n’avait jamais vécu. Et elle l’était déjà, heureuse. Mais ça, il devait pouvoir le voir dans son sourire qui avait décidé d’apparaître sur son visage malgré toutes ses forces misent à le cacher. Elle l’aimait, et elle sera là. Et elle pleurerait. Mais elle sera forte le temps. Voilà. C’est tout.  

Il était en retard... Un trait de personnalité commun à tous les médecins il fallait croire. Mais là tout de suite j'étais beaucoup trop tendu pour réussir à attendre sagement. Elle était à côté de moi et je me doutais qu'elle devait être dans le même état d'appréhension que moi.

Cela faisait quatre jours que nous étions revenu dans les Maldives. Quatre jours que le médecin me faisait subir ses examens. Il avait fait la total, scanner, IRM, bilan sanguin, électromyogramme et compagnie. Il n'y avait pas une partie de mon corps qu'il n'avait pas subi un examen complet. Il voulait savoir si son traitement avait une petite chance de marcher sur mon cas. Moi je voulais savoir si je devais espérer à nouveau.

Letty espérait, je le savais. Elle avait du mal à le cacher. C'était la même chose pour ma mère. Quand on lui avait annoncé ce qu'on partait faire j'avais vu un sourire revenir sur ses lèvres, un sourire que je n'avais plus vu depuis longtemps. Elle espérait que je puisse un jour bouger davantage, retrouver un semblant de vie normale. Je n'avais pas eu la force de la décourager. Ca ferait mal si ça ne marchait pas.

C'était un peu pour ça que je ne m'autorisais pas à espérer. J'avais eu espoir les premiers temps après mon accident. On m'avait dit qu'avec de la kiné intensive je pourrais récupérer un peu de mobilité. Mais à part quelques mouvements du pouce, j'avais été incapable de faire plus. Tant de mois de travail acharnés, à espérer, pour finalement être déçu. Je ne voulais pas m'autoriser à espérer. Il allait certainement me dire que ça ne pourrait pas marcher. J'allais rentrer chez moi et devoir aider Letty et ma mère à faire face à ce qu'il allait finir par arriver.

Je tournais mon regard vers le médecin quand il arriva finalement, un sourire exaspérant sur le visage.

"Monsieur Baker, désolé de vous avoir faire attendre. J'ai les résultats de vos différents examens."

J'inspirais profondément, attendant la réponse qu'il allait me donner. J'aurais voulu pouvoir serrer sa main dans la mienne, pouvoir sentir un peu de réconfort.

"Vous avez bien une lésion partielle de la moelle épinière. Elle est très importante, ce qui explique le peu de récupération que vous avez eu, mais elle n'est pas complète. J'ai bon espoir de pouvoir la réparer avec mon traitement. On peut commencer dés à présent, à raison d'une injection de deux heures par jour, de kiné intensive tous les jours... d'ici deux semaines on devrait pouvoir constater les premiers signes de récupération."

Le reste de son discours se perdit dans mon esprit. J'avais le tournis alors que je l'entendais parler. Il y croyait... Il y croyait vraiment. Je ne savais pas si c'était un escroc ou si je devais vraiment le croire. Mais lui... lui il semblait vraiment y croire.

Une heure plus tard j'étais installé, une aiguille plantée dans le bras. L'infirmière avait osé me demander si elle ne m'avait pas fait mal... Le regard que je lui avais lancé lui avait rapidement fait perdre ses moyens. Nous n'avions pas parlé encore avec Letty. J'avais attendu que l'infirmière quitte la pièce pour le faire.

- Ne le dis pas encore. Que tu me l'avais bien dit. Il ne s'est encore rien produit. Et de toute façon tu m'as promis de ne pas le faire. Ok?