Elle s’était grattée. Plein de fois. Une fois de plus. Encore. Elle s’était grattée dans son appartement, avant, dans les jours précédents, avant de rentrer avec James. Elle s’était grattée. Elle s’arrêtait quand elle le remarquait. Surtout parce que c’était un signe évident de son trouble, et qu’elle ne voulait pas troubler James plus que de raison. Il l’était déjà assez avec son expression qu’elle ne pouvait pas changer. Alors elle se grattait, le remarquait, poussait sa main loin de son corps comme si l’éloignement pourrait avoir une quelconque incidence sur sa démangeaison. Elle ne remarquait même pas le retard du médecin, elle, trop occupé à regarder James, puis sa main éloigné de son corps mais serré contre sa cuisse tout de même pour ne pas lui donner une position étrange.

L’espoir était une petite vicieuse. Elle faisait battre le cœur et faisait douter. Le nombre d’examen qu’avait dû faire James était affolant, et elle s’était retenue de lui demander « pardon » pour ça. Parce qu’il avait accepté mais qu’elle savait que ce n’était pas quelque chose d’agréable pour lui. Elle s’était retenu, elle avait fait bonne figure … mais elle avait aussi harcelé tout le monde pour savoir les résultats alors même qu’elle en comprenait pas un traitre mot. Parce qu’elle avait besoin de savoir, de comprendre, d’apprendre. Si cela fonctionne, elle voulait comprendre comment. Et si ça ne fonctionne pas, elle veut comprendre pour être sûr d’avoir bien fait. Si ça ne fonctionne pas, est-ce que James allait la haïr avant la fin ? Non. NON. Cela allait fonctionner… et elle repoussa à nouveau sa foutue main de son ventre. Le médecin arrive et la déconcentre de son autoflagealation mentale.

Elle l’écoute parler, le médecin mais ne dit rien. Ne se gratte plus. Reste juste là, à regarder l’homme et James comme si elle venait d’atterrir dans la situation. Elle avait raison ? Fin… Il y avait vraiment de l’espoir. Elle ne sait pas comment elle va survivre si elle à tort de toute façon, alors elle laisse tout là. Tous les doutes. Elle les laisse dans la première pièce et suit James. Sourit derrière son poing quand James effraya l’infirmière. Ouais. James était le meilleur du monde. Elle ne veut rien entendre de plus. Elle se place face à lui, les deux mains sur les genoux de James et la tête à sa hauteur.

- Tu remarqueras, mon cher James, que je n’ai rien dit. C’est toi qui le répète à chaque fois, elle sourit tendrement vers lui.

Oui, elle avait raison, mais elle ne le disait pas. Le fait est que James n’arrêtait pas de lui dire de ne pas le dire … Alors en faite il le disait lui-même. Doucement, elle vérifia ce que l’infirmière avait fait à son bras. Elle fait sa parfois, essayant de comprendre si c’était bien mis. Depuis qu’elle était avec lui, elle s’était intéressée à la médecine. Pas le genre neurologie et tout le bordel, elle ne se sentait pas assez intelligente pour ça… mais elle avait cherché à comprendre comme enlever du poids sur les épaules de James. Et elle avait essayé d’apprendre à faire des piqures, ou des massages. Elle comptait le masser autant de fois qu’il le veut. Elle sourit toujours en remontant les yeux vers lui. Elle s’approche de lui et caresse le nez de l’homme avec le sien sans le quitter des yeux.

- Tu sais que pendant deux semaines et bien plus, je ne vais pas te quitter d’une semelle ? Quand…

Et pas « si » cette nuance était devenue vitale à la jeune femme.

- … tu marcheras à nouveau, je te promets que tu pourras m’envoyer balader, mais pitié pas par SMS. Quoi que … par SMS ça me permettrait que tu ne me voies pas venir pour me venger. Que voudrais-tu faire pendant qu’on est là ?

Elle avait pris son livre de cours de musique. Toujours avec elle, il y avait même des cœurs maintenant dessus alors qu’elle avait réfléchit à James, avant les Maldives, avec le pauvre carnet à porté de stylo. Il y avait des livres, elle pouvait faire la lecture, elle était une bonne oratrice. Ou ils pouvaient parler, regarder la télévision. Bref. Elle ne comptait pas le lâcher d’une semelle, elle l’avait dit, non ?

- Je le dis avant que tu ne le dises. Je sens que tu en meurs d'envie.

Elle semblait avoir raison pour le moment. Le médecin était optimiste pour le moment. Il pouvait se tromper bien entendu. Je ne préférais pas m'emballer tant qu'il n'y aurait pas de résultat. Mais je comprenais bien qu'il y avait de quoi être euphorique pour Letty.

Je soupirais en l'entendant parler de la quitter.

- Letty... je suis peut être râleur et très souvent désagréable je le reconnais. Mais je ne suis pas un enfoiré pour autant. Je ne vais pas te quitter parce que je me remets à marcher. Et ça pour tout un tas de raison. Déjà je te l'ai dit, je ne suis pas un connard pour jeter la personne qui sera resté à mes côtés pendant tout ça. Mais aussi parce que je suis fou de toi, que je veux te garder dans ma vie pour enfin te faire toutes les choses que j'ai en tête. Alors désolé, tu vas devoir continuer de supporter ton grincheux détesteur de soupe pendant encore un moment.

Elle avait su me redonner le sourire à un moment où je n'arrivais plus à l'avoir. Elle m'a permis de tomber amoureux pour la première fois. Je l'ai aimé au point de vouloir faire passer son bonheur bien avant le mien. Elle a été là pour moi même quand j'avais été particulièrement horrible, même quand je lui ai demandé les choses les plus affreuses. Elle commençait à me redonner espoir en l'avenir, même si je n'osais pas encore y croire. Comment pourrais je me séparer d'elle? Alors qu'un seul de ses sourires me donnait le courage d'affronter une nouvelle journée.

- J'ai bien peur de ne pas être d'une compagnie très distrayante pendant ces deux semaines. Tu as entendu le médecin. Je vais devoir faire de la kiné intensive en plus des deux heures de traitement quotidienne.

Il y avait plus passionnant à faire pour elle dans cet endroit paradisiaque que de rester à veiller un handicapé tentant de retrouver un peu d'autonomie.

- Tu devrais en profiter pour aller te baigner ou faire une balade en bateau.

Est-ce qu’elle en mourrait d’envie ? Peut-être. Mais ce n’était pas pour dire « J’ai raison » et se sentir supérieur. Mais pour dire « J’ai raison » pleine de joie et de bonne humeur. Si d’aventure la phrase venait à sortir de ses lèvres, ça serait pour dire qu’elle avait réussi. A lui faire changer d’avis. A changer sa vie, un peu tout de même. Et elle était heureuse avec ça. Elle n’avait pas l’arrogance ou la méchanceté pour « avoir raison » et se vanter. Si elle avait raison, et elle allait avoir raison, alors ça sera simplement pour montrer qu’elle était heureuse. Mais bon. Elle pourrait penser milles ans à tout ça, pensé à James et à comment lui faire comprendre la subtilité de cette nuance… mais James arrêta son esprit. Si on pouvait faire arrêter une pensée avec plus de force, ça devait certainement être une mort cérébrale. Elle papillonne des yeux. Le regarde.

- Je …

Elle, quoi ? Elle ne voulait pas dire que c’était un enfoiré. Loin de là. Mais … On était rarement amoureux d’elle bien longtemps. Pas qu’elle ne le soit plus. Elle n’a jamais autant aimé … mais elle sait par expérience qu’il y avait un moment où elle finissait par agacer, par … déranger. Elle ne voulait pas que James l’aime parce qu’elle avait été là dans le pire moment. Elle voulait juste qu’il aime. Et s’il finit par ne plus l’aimer ? Elle en aurait le cœur brisé mais … et après ? C’était la vie. Elle ne voulait pas le « piégé » avec elle…. Mais il avait dit « fou de toi ». Il n’avait pas dit qu’il l’aimait, encore, mais c’était la même chose. Elle chasse l’émotion qui lui étreint le cœur. Elle a envie de pleurer de joie, mais elle ne devait pas le faire tout de suite. Alors elle papillonne et papillonne encore. Elle cache sa tête qui bourdonne d’émotion trop intense pour elle en tournant la tête. Elle a chaud sur ses joues.

- Je ne voulais pas dire ça ainsi. Tu es loin d’être un enfoiré, James. Et même ton côté grincheux est … adorable. Pour ce qui est des soupes, personne n’est parfait. C’est juste que c’est …

« Moi ». Elle allait le dire et se mord la lèvre pour se taire. Il sait bien qu’elle est elle, sinon, il lui parlerait pas à elle. Débile elle. Elle frotte son nez sur la joue de l’homme. Elle l’aime. Dieu ce qu’elle l’aime. Elle ferait en sorte d’être la meilleure version d’elle-même avec lui. Elle finit par lâcher un petit rire.

- Tu penses que je vais te distraire pendant ton kiné ? demanda-t-elle pour savoir ce qu’il préfère en réalité.

Elle avait des cours à distance à rattraper. Toute cette histoire avait fait valser sa formation et elle doute d’être prête pour avoir sa première année de licence de psychologie infantile. Elle se mord encore les lèvres.

- Ou alors on peut trouver un moyen pour que tu sois avec moi en même temps ? Tu sais, si je t’appelle pour que tu puisses voir ce que je fais et qu’on discute. Ou juste toi voir, et moi ne pas te voir ? Ou juste moi t’envoyer des photos et des messages vocaux. Comme une … vlogueuse ?

Parce que … Si elle, elle peut le voir, elle va passer son temps à lui parler, à le regarder à vouloir le faire sourire … Et elle ne fera rien. Et d’ailleurs, elle ne veut pas réellement partir. Elle préfèrerait rester auprès de lui … mais elle sait qu’il s’en veut quand elle s’empêche de faire des choses pour lui… Bien qu’elle ne voyait pas ça du tout comme ça. Elle voulait éviter de le contrarié sur les petites choses. Après tout, il était déjà en train de faire tellement, si elle pouvait lui enlever ça, elle irait même nager avec des piranhas.

C'était juste que c'était quoi? Il ne comprenait pas ce qu'elle avait tout à coup, pourquoi elle se mettait à douter comme ça? Elle s'était toujours battu pour nous, pour qu'on soit ensemble, qu'on ait un avenir. Et là, alors qu'on y était presque, qu'on était à deux doigts de pouvoir imaginer une vie ensemble, elle me sortait ça. Elle se mettait à penser qu'un jour peut être je pourrais la jeter. C'était à n'y rien comprendre. Je n'avais aucune envie de la laisser, pas avec tout ce qu'elle avait fait pour moi et tout ce que je ressentais pour elle.

Je la laissais changer de sujet, souriant doucement.

- Je ne pense pas que tu vas me distraire. On ne va pas se mentir, tant que ça ne marchera pas un petit peu, les séances de kiné je ne vais pas y faire grand chose. Je vais surtout me laisser remuer dans tous les sens par le kiné.

J'allais me laisser faire sans rien dire, subir les gestes qu'on imposait à mon corps. Ca ne serait pas super agréable comme sensation. Et ça ne serait pas vraiment passionnant non plus pour elle de rester à le regarder faire. Je préférais qu'elle passe de bons moments de son côté. Si ça marchait, comme elle le pensait, on aurait toute la vie pour profiter ensemble.

- Tu n'auras qu'à prendre tout un tas de photos et tu me raconteras le soir tout ce que tu as fait. Et puis...

Je lui souris doucement. Je voulais la rassurer, lui montrer que je voulais faire des projets avec elle, que je ne comptais pas la lâcher si facilement. Pas elle.

- Si j'arrive un jour à être moins handicapé, on reviendra ici. On reviendra pour marcher ensemble sur la plages aux lucioles, que je puisse moi aussi baigner les pieds là dedans. Je te le promets.

Et si je me laissais aller à rêver je pourrais lui promettre tout un tas de choses, tout un tas de choses que je rêverais de pouvoir vivre avec elle. Peut être... peut être que cet avenir pourra exister.

- Mais en attendant on doit patienter jusqu'à ce que ce truc se termine. On reste à la maison ce soir pour diner?

Une semaine est passé. Ou presque. Cela faisait 6 jours. Letty était allé plusieurs fois au marché des agriculteurs locaux et elle avait eu le plaisir de faire plein de soupes avec des produits locaux. Et à chaque fois, elle avait fait des photos et des vidéos où elle expliquait tout son malheur pour James. Comment c’était dur de découper une noix de coco, ou comment elle n’arrivait pas à prononcer le nom d’un fruit jaune et vert, pourtant super bon, qui ressemblent aux citrons. Elle avait fait ce que James avait demandé, elle avait profité des Maldives, mais à sa manière. Le premier jour, elle était restée avec lui, comme une moule à son rocher, ou comme la perle d’une huître, elle était collée à lui. Mais il lui avait demandé de faire des choses. Alors elle avait fait les choses qu’elle savait « chiant ». James voulait venir avec elle se baigner, et il pourra un jour. Puis un jour, il pourra prendre le bateau, et ça lui plaira… Mais elle doute que supporter ses achats compulsifs pour faire des soupes, des smoothies, des milkshakes et autres choses qui se boivent, ça lui fasse plaisir. Alors elle en profiter. Elle faisait aussi des rencontres avec des gens pour lui expliquer comment faire des paniers en osier, raison pour laquelle elle prenait toujours son panier qu’elle avait elle-même tressé pour faire les courses. Et le soir, elle lui montre les photos et les vidéos. C’était un peu intimidant de montrer les vidéos, elle pouvait voir sa tête et entendre sa voix … Et surtout, elle lui avait dit la plupart des choses avant même qu’il voit la vidéo, c’était un peu redondant… Mais ça lui faisait plaisir.

Le sixième jour, donc, elle était dans leur maison loué toujours pour l’occasion … elle allait vraiment devoir penser à trouver un moyen de rembourser. Déjà, elle refusait depuis leur premier voyage tout salaire venant de la mère de James. C’était toujours elle, officiellement, son employée. Elle avait juste « démissionné ». Même si elle n’avait pas l’impression que quoi que ce soit est changé. Elle ne sait même pas si elle l’avait dit à James. Pourquoi faire… C’était logique ? Elle n’était plus celle d’avant… Et même s’ils n’ont jamais dit de mot pour leur relation, c’était clairement fait d’amour. Alors elle n’avait pas voulu être payée.

Après avoir mangé, elle sa soupe du fruit imprononçable avec du poisson de la pêche du jour, et James un plat qu’il avait choisi, ils allèrent se coucher. Comme tout le temps, l’infirmier de leur premier voyage venait l’aider. Elle, elle évitait de regarder ou d’être là. Toujours pour faire plaisir à James parce que rien ne la gêner chez lui. Elle lui souhaite bonne nuit avant de se caler comme toujours proche de lui. Cela aussi avait été un changement. Elle n’avait pas redemandé, la fois suivante, si elle pouvait lui voler un pyjama, ou dormir avec elle. C’était devenu naturel. Parfois, elle ricanait un peu bêtement en réalisant qu’elle avait rencontré l’amour de sa vie par une malchance incroyable juste avant de s’endormir. Comme cette nuit là.

Elle s’était endormit avec lui. Ricanant encore de joie avant que son visage perd ses forces pour la laisser se bercer avec Morphée. Elle avait l’impression d’être heureuse dans ses rêves. Elle n’avait plus fait de cauchemar depuis un moment. Ses rêves n’étaient pas forcément logiques, mais ils étaient doux. Dans ses rêves, elle chantait avec James. Il était là, assis alors elle ne pouvait pas savoir s’il pouvait bouger ou non, et elle s’en fichait. Il chantait avec elle avant que….

Il se mit à l’appeler dans ses rêves. Elle fronça les sourcils. Pourquoi faisait-il ça ? Alors qu’elle l’entendit à nouveau, elle sentit qu’elle devait se réveiller et elle ouvrit les yeux sur l’obscurité ambiante de leur chambre. La mer juste en face de leur lit, à travers les fenêtres, avait le reflet de la lune et elle pu voir assez bien rapidement. Elle se demande si elle a rêvé avant de tourner la tête. Il faisait assez claire pour voir mais pas assez pour voir les yeux de James, juste sa forme.

- James, souffla-t-elle, tu m’as appelé ?

Ou alors elle avait rêvé. Ce qui était possible et elle était en train de le réveiller pour rien. Elle espère que cela ne soit pas ça. Elle n’aimait pas déranger les rêves des autres.

Cela faisait quasiment une semaine qu'on était là. Six putains de jour où chaque jour qui passait il m'injectait son produit à la con dans les veines. Il avait beau garder son air optimiste, je voyais bien que ça ne se passait pas comme prévu. Six jour et il n'y avait toujours aucun résultat. Il aurait du se passer quelque chose, je le voyais bien aux sourires crispés du médecin et du kiné. Ce dernier n'arrêtait pas de me remuer dans tous les sens, d'étirer mes muscles et de faire fonctionner mes articulations. Il fallait que mon corps ait un peu récupéré pour quand je recommencerais à bouger. Ca serait compliqué au début qu'il me répétait, mes muscles avaient perdus toutes leurs forces. Il parlait encore comme si j'avais une chance. Moi je commençais à perdre espoir.

Parce que oui, j'avais beau avoir essayé de me protéger de ça, de ne pas trop espérer, je l'avais quand même fait. Je m'étais vu avoir une vie à nouveau, à ses côtés. Et tout était entrain de s'effondrer. C'était pour ça que je n'avais pas voulu croire ce charlatan. Une lésion de la moelle épinière, surtout aussi importante que la mienne, ça ne se guérissait pas. Je n'allais pas sortir de ce fauteuil. Et ça faisait mal... d'avoir espérer l'espace de quelques temps pour qu'on me retire ce rêve.

Le kiné avait terminé la séance, me regardant avec un petit sourire désolé.

"Ne perdez pas espoir Monsieur Baker. Le traitement n'est pas encore terminé. Ce genre de choses ça prend du temps."

- Quand le médecin l'a testé sur lui... ça a mis autant de temps?

"Non mais c'était différent. Vous ne souffrez pas des même lésions et..."

- Justement. Ce n'est pas la même chose. On ne peut pas s'attendre aux même résultats. A demain monsieur.

J'irais jusqu'au bout, je le lui avais promis. Mais je doutais de voir des résultats arriver désormais.

Je rentrais à la villa, cachant tant bien que mal ce que je ressentais en cet instant. Je l'écoutais me raconter ses excursions pendant la journée. Je regardais les vidéos et les photos, les commentant, lui posant des questions sur ce qu'elle avait fait. Elle était heureuse. Elle y croyait dur comme fer. Je n'osais pas lui dire que ce n'était plus le cas pour moi, que chaque jour qui passait ne faisait que me démotiver davantage.

J'étais parti me coucher avec elle, la laissant se blottir contre moi, comme chaque fois. Je la regardais dormir, ayant du mal à retenir mes larmes. Jamais je ne pourrais la serrer contre moi, cette réalité s'imposait à moi un peu plus chaque jour et détruisait mon coeur.

Je finis par sombrer dans un demi sommeil. Je n'arrivais pas à dormir correctement depuis bien longtemps mais c'était bien pire depuis quelques jours. Alors quand ça avait commencé à se produire, ça m'avait tiré brutalement du réveil. J'avais paniqué, ne comprenant pas bien ce qui s'était passé et je l'avais appelé.

- Le... Letty...

Elle avait émergé. Elle dormait profondément. J'aurais du culpabiliser de la tirer ainsi du sommeil, mais là pour le moment j'étais trop mal pour y penser.

- Oui... allume s'il te plait...

Je la laissais allumer la petite lampe de chevet avant de parler à nouveau.

- J'ai... j'ai des fourmis dans les doigts. C'est... c'est pas le membre fantôme, je connais bien ça c'est... c'est des fourmis et...

J'étais entrain de fixer mes doigts. Je les regardais, m'interrogeant sur cette sensation que je n'avais pas ressenti depuis des années. J'étais entrain de me demander si je rêvais ou non, si c'était vraiment possible, quand ils avaient bougé...

- Oh mon dieu Letty tu... tu as vu? J'ai... j'ai bougé les doigts...

Elle se déplace vers la lampe, cherche l’interrupteur avec rapidité. Il semblait qu’il avait mal dans sa voix, non ? Pourquoi avait-il mal ? Mal, il pouvait avoir mal ? Elle n’en savait rien, et pour le moment son cerveau ne faisait pas de lien entre la douleur et le fait qu’il ne puisse justement plus rien ressentir. Elle trouva l’interrupteur et se releva pour se mettre sur ses mains, elle le regardait. Des fourmis ? Elle regarda sa main, cherche les insectes alors qu’elle était entre la peur des fourmis rouges qui piquent et le sommeil. Le membre fantôme ? Elle cherche et elle voit. Elle se fige. Est-ce qu’elle a vu ou est-ce qu’elle délire ?

Son cerveau fit la mise au point rapidement. Il se mit à faire un focus alors qu’elle ingurgité toujours l’information. Elle relève les yeux vers James. Elle avait vue. Et … Sans pouvoir s’en empêcher, elle se mit à pleurer. Elle ne pouvait pas parler. Parce qu’elle avait vue. Et que ça suffisait, non ? Elle n’avait pas besoin de parler. Elle en serait même incapable. Elle s’approche de James, hésite à toucher ses doigts. Si elle les touche, est-ce qu’elle va tout faire foirer ? Elle n’en sait rien. Elle n’a jamais connu ça. Elle ne connait pas ce qu’elle doit faire. Elle avait eu six jours pour apprendre ce qu’elle devait faire. Elle remonte les yeux vers lui. Elle ne sait pas quoi faire, mais il pouvait lire que ses larmes n’étaient que de joie sur son visage. Elle décide d’approcher sa main, avec douceur, avec délicatesse. S’il avait des fourmis, il pourrait sentir ses doigts. Elle ne pourrait pas faire foirer ça. Alors doucement elle approche ses doigts et caresse cette peau qui ne bougeait plus depuis si longtemps.

- J’ai vue. J’ai vue, James.

Elle les touche à peine d’une caresse, parce qu’elle veut qu’il les bouge encore s’il le peut. Même si ce n’était qu’ici, ensemble, dans cette nuit qui n’appartient qu’à eux, elle sait ce qu’ils ont vu. Et ça, ça voulait dire l’espoir. Et l’espoir c’était tout ce qu’ils avaient. Elle continue sa caresse mais de l’autre main, elle prend son téléphone et elle screen l’écran. La seule chose qu’elle peut faire pendant que son esprit était encore au clair avec les actions qu’elle devait faire.

- Demain, on pourra le dire au docteur et au kiné, et j’ai noté l’heure. J’ai vue. Tu as vue. Et tu peux me croire, nous ne sommes pas en train de rêver.

Elle ne sait pas ce qu’elle doit faire. Elle tremble un peu de peur et d’excitation. Puis, parce que c’était vital, elle se penche vers lui et l’embrasse… Elle avait réussi à ne pas le faire sans lui demander, mais là, elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas. Elle se recule à peine.

- James Baker, je t’aime, dit-elle en le regardant droit dans les yeux.

Elle avait eu raison. Et elle l’aimait. Comme une folle ? Certainement. Sinon, elle n’aurait pas été à la limite de la harceleuse avec lui…. Mais c’était l’amour. Elle arrive à se contenir, essaie, et finit par lui demander ce qu’elle peut faire. Le masser, appeler le docteur maintenant ou même s’il sent entre chose autre part. Elle essaie de ne pas trop parler, réalise plusieurs fois qu’elle s’occupe que d’elle et pas assez de lui, et se mord la lèvre. James avait bougé les doigts. Et la suite irait aussi simplement que ça.

Ils avaient bougé. Je ne rêvais pas. Elle l'avait vu elle aussi. Après des mois et des mois de paraplégie, le traitement de ce médecin avait marché. J'avais bougé mes doigts. Ca revenait. Ca mettrait encore du temps avant que je ne puisse bouger vraiment mais ça reviendrait, je le savais maintenant. Il n'était plus question d'espérer pour rien. C'était réellement entrain de se produire.

Je sentais les larmes qui coulaient sur mes joues sans pouvoir les retenir. Je la voyais à peine alors qu'elle venait m'embrasser. Je ne voyais que mes doigts et les sensations qu'ils étaient entrain de redécouvrir. Elle me posait tout un tas de questions auxquels je n'arrivais pas à répondre. Je me contentais de répéter en boucle "ils ont bougé".

Je finis par m'éclaircir la voix, reprenant un peu mes esprits au bout d'un moment.

- Attends je veux.... je veux essayer de voir si je peux les bouger volontairement.

Je me concentrais dessus mes doigts. J'avais l'impression d'être entrain de tenter de soulever une montagne tellement l'effort me semblait démesuré. Mais je parvins à les lever. Ce n'était qu'un petit mouvement certes mais j'avais réussi à le faire volontairement. Ce n'était pas un réflexe de mes muscles après toute une journée à faire de la kiné intensive. C'était bien un mouvement volontaire. J'avais bougé moi même mes doigts.

- Prends moi la main s'il te plait, je veux pouvoir la sentir.

Elle obéit et je souris en sentant ses doigts autour des miens. C'était léger comme sensation. J'avais du mal à me dire si la sensation était bien réelle ou si ce n'était que mon esprit se souvenant de ce qu'il devait ressentir. Je bougeais un peu les doigts, essayant de serrer doucement la main. C'était la première fois que je faisais ça, que j'avais vraiment l'impression de lui tenir la main et de ne pas être une poupée de chiffon se laissant manipuler.

- J'ai beaucoup trop hâte d'être demain maintenant. D'avoir la prochaine injection pour accélérer un peu plus la récupération. Revoir le kiné et bosser plus dur pour récupérer davantage de mobilité dans la main.

Je souriais doucement, regardant nos mains enlacées.

- Et la suite aussi... ce ne sont plus des peut être ou des si. Je vais quitter ce maudit fauteuil. Je vais te serrer dans mes bras. Tu n'auras plus à regarder plus bas pour me parler. Je suis un peu plus grand que toi tu sais.

Et je souriais toujours aussi bêtement en parlant, en me projetant dans ce futur dont je n'avais jamais osé rêver.

- Serrer à nouveau une femme dans mes bras, celle que j'aime par dessus tout. Je n'aurais jamais cru cela possible. Mais ça le sera... je te le promets ma Letty...

Letty n’avait rien dit sur les larmes de James. Elle n’était pas surprise de le voir pleurer, mais elle savait que ce n’était pas usuel chez lui. Alors elle préférait ne rien dire sur ça, profitant de James et de son espoir retrouvé. Ils ont bougé. C’est un fait. Alors, elle sourit béatement comme une ravie de la crèche et elle penche la tête. Elle ne sait pas comment elle pourrait dormir en sachant ça. Cela avait marché. Elle ne comprenait toujours pas comment, mais qu’importe au fond. Cela fonctionne… Elle avait pris sa main, doucement et délicatement comme si elle avait peur de le briser. Elle l’avait prit et elle sentait cette chaleur qu’elle aimait tant… mais elle serait bien incapable de dire si c’était son imagination ou son amour qui faisaient naître cette chaleur dans ses doigts… Ou simplement sa peau contre la sienne. Elle sourit alors qu’elle se couche à côté de lui, sans le lâcher. Elle avait hâte aussi, son sourire dévoilant trop de dents pour être jolie à son goût le disait. Elle le regardait tendrement.

- J’ai hâte que tu puisses me regarder de haut alors, fit-elle en se recouchant à ses côtés après lui avoir fait des bisous sur le visage, son cœur battait la chamade et le silence se prolongea.

Alors qu’elle allait se rendormir, elle ouvrit les yeux en grand et se redressa. James s’était rendormi. Il avait fallu peut-être une heure à Letty pour que les dernières paroles de James percutent son esprit. Il lui avait dit « Je t’aime ». Pas en ces termes, il ne le disait jamais. Mais d’ordinaire il évitait le mot « aimer ». Quand il lui parlait, il disait qu’il voulait être avec elle, qu’il aimait sa compagnie, qu’il était fou d’elle –et c’était déjà un substitut vraiment vraiment très intense pour la brune- mais il n’utilise pas le verbe aimer. Elle l’aura son « je t’aime » et sa photo sur la mer aux lucioles. Elle se cale à nouveau, mais, contrairement à lui, elle est incapable de fermer les yeux. Elle voit le matin se lever sur la plage et s’étire plusieurs minutes avant l’arriver de l’infirmier. Il faut qu’elle se fasse une figure. Alors elle glisse du lit comme une anguille et rejoint sa salle de bain avant d’observer son visage. Il était figé dans un sourire bien trop grand pour ne rien vouloir dire. Elle essaya plusieurs fois d’enlever le sourire avant que son émotion ne ressurgisse sur ses lèvres, jusqu’à ses yeux. Elle avait l’impression que même les yeux fermés et la main devant sa bouche, on pouvait toujours voir qu’elle était en train de sourire. Oh. Cela allait être très compliqué de ne pas gâcher la surprise de James pour le docteur et le kiné… Parce qu’elle allait venir avec lui, et elle allait rester avec lui toute la journée. Parce qu’elle le veut. Il n’y a rien au monde qu’elle ne voudrait plus que ça, surtout aujourd’hui… Mais elle devait se composer une expression neutre … Neutre, se répéta-t-elle en collant son visage au miroir avant que le sourire ne réapparaisse. Elle ne serait jamais actrice. Elle était incapable de cacher son expression. Elle réveilla James en frottant son nez au sien avec ce sourire ineffaçable pour le moment. Elle avait envie qu’il se réveille avec son visage, pas celui de l’infirmier. Pas aujourd’hui. Elle va ouvrir à l’infirmier qui ne pose aucune question, merci bien, elle aurait craqué de bon matin, et elle reste encore de retrait quand il s’occupe de James. Elle, elle s’habille… Mais elle change environ dix huit fois de tenues, tant et si bien que la chambre vide fini dans un foutoir pas possible. Elle rangera. Mais elle voulait être jolie aujourd’hui. Elle finit par être prête avant de revenir pour embrasser James et l’emmené voir le médecin.

Ils arrivèrent prêt de là, et il fallait le sortir de la voiture. Elle savait que bientôt, elle n’aurait plus à le faire, et ça la fait sourire encore plus. Elle sourit avant de lâcher un rire. James était aussi heureux. Et ça la rendait encore plus heureuse. Elle mit sa main devant son visage. Il pouvait bouger, il avait utilisé le mot « aimer » et il était heureux. Franchement, il faudrait au moins une détresse équivalente à ce bonheur pour lui faire enlever son sourire.

- Tu dois y aller en premier James. C’est écrit sur ma tête qu’il y a quelque chose. En gros. Je ne veux pas te gâcher ça.

Mais même là, elle n’arrivait pas à s’empêcher de sourire. Elle tirait vers le bas ses lèvres d’une main, mais impossible de s’arrêter. Elle prit doucement la main qui avait bougé et la serra à peine. Juste parce qu’elle avait envie qu’il sente sa chaleur. Qu’il la sente elle. Elle aurait pu vivre sans ça, elle le sait … Mais elle aimait qu’il la sente.

J'avais fini par sombrer dans le sommeil, sans vraiment m'en rendre compte. J'avais dormi paisiblement, mieux qu'habituellement. Elle m'avait réveillée le lendemain, cachant difficilement son excitation. Je pouvais difficilement m'empêcher de sourire en la voyant. Ce n'était plus pareil désormais. Je ne souffrais plus autant de ne pouvoir me lever avec elle. J'étais plutôt impatient. J'attendais avec excitation le jour où je pourrais tendre les bras et l'attirer sur moi pour un câlin matinal. Ca viendrait, je le savais désormais.

L'infirmier ne tarda pas à arriver pour me sortir de mon lit. Ca aussi ça n'allait pas durer. Je ne savais pas combien de temps il me faudrait pour sortir seul de mont mais ça aussi ça viendrait. Avant la fin de l'année j'avais bon espoir de pouvoir bouger un peu plus facilement seul, de pouvoir trinquer avec elle et ma mère à notre prochain noel.

Je n'arrivais pas à me retenir pour parler à l'infirmier de mon petit progrès. Je bougeais légèrement mes doigts pour lui montrer, fier de moi. C'était ridicule quand on y pensait, je bougeais à peine les doigts de quelques centimètres. Mais il était adorable, il accorda à mon petit exploit toute son attention. Il était heureux lui aussi de voir mes progrès.

Après un petit déjeuner, allez courage bientôt je mangerais seul, on se rendit chez le médecin. Elle n'arrivait pas à quitter son sourire et pour une fois j'étais dans le même état qu'elle. Je voyais des encouragements dans tout ça.

- C'est écrit sur la mienne aussi. Tu peux venir, c'est comme tu veux.

Je la laissais se décider alors que j'entrais dans le cabinet du médecin. Il commença comme à son habitude, fixant son ordinateur alors qu'il me demandait comment ça allait. Se pourrait il que lui aussi avait commencé à perdre espoir devant l'absence de résultat de son traitement? Hmm... ce n'était pas vraiment encourageant. Heureusement que les progrès étaient arrivés sinon j'aurais été encore plus abattu. Si même votre médecin n'y croit plus comment continuer à s'accrocher?

- Je vais bien. J'arrive à bouger mes doigts depuis cette nuit. Ca a commencé par des fourmillements puis les sensations sont revenues peu à peu. C'est léger mais j'arrive à les bouger.

Là pour le coup j'avais retenu toute son attention. Il lâcha son ordinateur pour venir me voir en souriant. Il me demanda de les bouger à nouveau, me regardant faire sans perdre son sourire. Il m'envoya ensuite passer quelques examens avant que je ne parte pour ma séance d'injection. Je retrouvais Letty à ce moment là, son sourire ne l'avait toujours pas quitté et le mien non plus.

- Il est...euphorique. Il m'a fait passé tout un tas d'examens à nouveau. On verra demain. Mais il est persuadé qu'on est sur la bonne voie. Je fais mon injection et cet aprem je vais travailler avec le kiné. Vraiment travailler.

J'allais m'entrainer à bouger mes doigts. J'allais bouger en séance de kiné et pas juste rester passif pendant qu'il me bougeait dans tous les sens.