Elle s’était grattée. En silence. Le stress, souvenez-vous. Quand elle stresse elle gratte son ventre. Elle avait mit une main sur son ventre, grattant, ou plutôt frottant de sa paume son ventre, pendant que son autre main était occupé à se faire charcuté les peaux autour des ongles dans sa bouche. La seconde main était surtout là pour contenir son sourire. Elle se contenait que comme ça. La seconde, celle qui montrait le stress… et bien elle montrait aussi l’impatience. C’était juste qu’elle n’avait pas l’habitude d’être aussi heureuse, impatiente, euphorique et stressée en même temps. Tout ça, ça donnait quelque chose de bien étrange dans son esprit. Et ses deux mains étaient occupées ainsi. Elle ne pensait pas à tout le reste. Quand le médecin fut tout aussi heureux, elle enleva la main de ses dents carnassiers mais continua à se frotter le ventre avant de tout lâcher. Elle le laissa partir faire ses examens, ne tenant plus d’envoyer un simple et court message à son meilleur ami. « Il a bougé les doigts ». Paul n’essaya pas de l’appeler, lui renvoya juste quelques SMS où ils parlèrent tous les deux. Elle lui sourit en s’approchant, non pas parce qu’elle pense qu’il ne pouvait pas combler la distance, mais parce que ça ne serait jamais assez rapide de revenir vers lui.

- J’ai pris ma formation a avancé, je pourrais rester avec toi aujourd’hui.

Elle en avait vraiment envie. Elle n’avait pris qu’un sac blanc de plage, mais dedans se trouver des livres de psychologie ainsi que des devoirs qu’elle devait normalement avoir fini depuis une semaine. Ce n’était pas sa faute si la vie lui avait donné une raison de vivre supplémentaire. Si elle avait voulu passer d’assistante sociale à assistante sociale avec un diplôme de pédopsychiatre, c’était pour aider encore plus les enfants. C’était ce qu’elle avait trouvé comme idée pour ne pas dépérir à chaque fois. Si elle pouvait toucher, intimement et profondément les enfants, alors elle pourrait faire le deuil des enfants qu’elle n’aurait jamais. Ils partirent pour la séance de kiné, et elle se cacha rapidement derrière son livre pour cacher son visage et laisser le kiné et James en « semi » intimité. La vérité ? Durant toute la séance de kiné avec son livre ouvert à la même place, elle n’avait pas réussi à enlever son sourire. Et se concentrer. Elle finit cependant par s’endormir derrière son livre avec un sourire de béat sur le visage, derrière son manuel dont elle ne connaissait même pas la page. Il lui avait fallu presque douze heures pour réussir à calmer son esprit de tout ce qui était arrivé la veille.

Ses rêves étaient plus flous. Et elle se réveille à la fin de la séance d’un coup en disant un grand « James, je t’interdit de jeter ma soupe ! » avant de capter qu’elle était toujours dans la pièce pour le kiné et de tourner la tête vers James et le kiné. Son sourire, loin d’être gêné, revient sur son visage.

- Quoi que non, tu peux faire tout ce que tu veux de ma soupe, si ça te rend heureux.

Elle ferma son livre avec attention avant de ranger dans son sac et de revenir vers lui. Elle se penche et prend sa main pour la caresser avant de demander au kiné ce qu’elle doit faire si James sent à nouveau des fourmillements. Il lui explique rapidement un massage à faire, sous forme de caresse en rond qui aide à faire passer le sang plus rapidement et à diminuer les fourmillements douloureux. Une fois fini, elle se tourne et sourit à James.

- Tu veux qu’on mange quelque chose de spécial pour fêter ça ? Ou faire quelque chose ?

Ce n’était pas encore demain ou il accepterait d’aller au cinéma avec elle, ou simple dans un restaurant, mais elle avait vraiment envie de faire quelque chose pour dire que c’était « aujourd’hui ».

Elle resta avec moi tout le reste de la journée. Même si ça devait être long et ennuyant pour elle, elle resta à mes côtés. On avait remarqué en souriant avec le kiné qu'elle s'était endormie pendant que nous étions entrain de travailler.

"Je pense qu'on peut s'arrêter là pour aujourd'hui. Tu as plutôt une bonne mobilité dans les doigts. On va devoir attendre que tu récupères tout ton membre supérieur pour travailler la force. Ca va être long je ne te le cache. Tes muscles n'ont plus aucune force. "

Je hochais doucement la tête en l'entendant parler. J'avais le regard fixé sur mes doigts. J'arrivais désormais à les plier légèrement avant de les tendre à nouveau. Un vrai miracle.

- Je sais oui. Mais je sais aussi qu'il y a une semaine je n'arrivais pas à faire ça. Ca sera long mais je suis prêt à le faire.

"Et je sais que tu y arriveras."

On échangea un sourire complice alors que Letty se réveillait à ce moment là, parlant une fois de plus de soupe. Je pivotais mon fauteuil vers elle pour la rejoindre. C'était tellement plus facile pour moi de le manoeuvrer désormais. J'avais plus de mobilité dans les doigts, je ne devais pas me contenter d'un malheureux doigt pour déplacer mon fauteuil.

- Juste diner avec toi sur la terrasse ça me va parfaitement. Tant que tu ne m'obliges pas à manger de la soupe. C'est vraiment une obsession chez toi ma chérie, il va falloir soigner ça je crois.

Je la taquinais avec plaisir alors que nous rentrions dans notre petite villa. Nous n'y resterions plus très longtemps. Une fois le traitement fini, les derniers examens passés, il ne me resterait plus qu'à continuer la kiné, mais ça je pouvais le faire chez moi. Nous ne pouvions pas nous permettre de rester pendant des mois ici, et ça serait le temps qu'il me faudrait pour récupérer complètement.

Nous avions pris notre diner avant que l'infirmier ne vienne me mettre au lit. J'étais installé quand elle était finalement venue me rejoindre.

- Je peux te demander un service Letty? Il faudrait que tu m'aides à me mettre en position assise, de façon à ce que tu puisses te mettre derrière moi pour me masser les épaules.

Je les bougeais légèrement pour appuyer mes dires.

- Elles me font un peu mal.

J'avais mal mais je souriais en lui disant ça. C'était douloureux, mais douloureux dans le bon sens. Douloureux parce que la vie commençait à revenir doucement en elles.

Elle le regarde, met ses mains sur ses hanches avant de le menacer d’une main.

- On ne va rien soigner du tout sur les soupes. Suffit que tu arrêtes de les jeter dans mes rêves, dit-elle avec un grand sourire malgré sa position et ses propos. Je vais mettre de la soupe dans tes bières quand tu pourras en boire à nouveau, ça t’apprendra.

Elle avait fait ça une fois, à Paul. Autant dire qu’il n’avait plus jamais critiqué sa robe rose avec des roses rouges dessus. (ouais quatre mots à la suite avec la lettre R, elle devait avoué avoir pris cette robe pour ça). Bien sûr, la menace n’était qu’une menace, sauf s’il l’embête trop… mais comme ça sera dans un avenir où il boira tout seul sa bière, elle n’était pas non plus une vicieuse, elle avait le temps d’oublier trois mille fois environ. Le reste était simple et doux, calme et paisible. Elle sourit plusieurs fois, et comme toutes les nuits, elle était habillée d’un t-shirt à James et d’un caleçon. Elle allait lui en offrir à Noël, pour qu’elle puisse lui piquer. Son pyjama à elle était toujours dans sa valise bien plier. Elle le rejoint et hoche la tête quand il lui demande un service. Ce n’était pas une question, il pouvait tout lui demander. Elle sourit en comprenant ce qu’il demandait et se glissa derrière lui après l’avoir relevé comme il lui avait indiqué. Elle aussi, elle souriait comme une bien heureuse.

Elle se glisse là, une jambe de chaque côté alors qu’elle approche ses mains de ses épaules. C’était la première fois qu’elle le voyait depuis cet angle là… Elle avait l’impression qu’il était … Elle ne sait pas expliquer. Elle avait l’impression qu’il était différent vue de dos… Ou juste parce qu’elle ne connaissait pas cette facette de lui, comme ça. En réfléchissant à ça, ses mains passent sous le t-shirt de James et remonte le long de sa colonne vertébrale avec douceur. S’il peut sentir les épaules, il peut sentir ailleurs, et elle ne veut être que douceur. Elle met ses mains sur chaque épaule et elle commence à le masser. Elle sent l’envie de chantonner mais se mord la lèvre pour se taire alors que ses doigts passent sur l’épiderme de James avec lenteur et maitrise. Elle n’avait jamais massé personne avant, mais elle avait bien observé le kiné pour James, alors elle faisait la même chose, moins fort, moins appuyé mais avec toute la bonne volonté du monde.

- N’hésite pas à me dire si je te fais mal, souffla-t-elle parce qu’elle trouvait cela plus intime. Ou si tu veux ailleurs.

Dans cette chambre, en ce jour, en cette date, en cet instant, James était en train de la sentir dans son dos, sur ses épaules, et elle savait que tout irait mieux. Comme pour illustrer ce moment, deux oiseaux s’approchèrent de la baie vitrée. Leur danse était visible grâce à la lumière de la lune.

- Non ça va. Il faut juste que tu me retiennes un peu. Je ne tiens pas assis tout seul. Pas encore.

Je souriais doucement en lui disant ça. Ce n'était pas le cas encore mais ça viendrait. Je ne cessais de me répéter ça depuis le matin. Ca ne marchait pas encore mais ça allait venir. Il faudrait du temps mais ça viendrait.

Je fermais mes yeux, me détendant alors que je sentais ses mains venir sur mes épaules. Ca avait été bizarre au début. Je savais qu'elle avait passé ses mains sous mon tee shirt mais je n'avais rien ressenti. Puis petit à petit elle les avait monté et j'avais fini par sentir quelque chose. Je les sentais passer sur mes épaules, effleurer ma nuque. J'arrivais à tenir ma tête plus ou moins seul. Ca me semblait être un effort énorme mais j'y arrivais. J'allais pouvoir tourner plus facilement la tête vers elle désormais. En un seul jour j'avais déjà tellement récupéré, j'avais hâte de voir ce que ça pourrait donner d'ici la fin du traitement.

- Tu peux remonter vers la nuque s'il te plait? Et n'hésites pas à enlever mon tee shirt si il te gêne.

Je n'aimais pas trop l'idée qu'elle voit la poche sur mon ventre mais je voulais aussi qu'elle se sente à l'aise pour me masser. J'appréciais de pouvoir passer ce moment avec elle. J'avais un peu plus le sentiment d'être un vrai couple ainsi. Nous étions installé tous les deux dans le lit, partageant un moment tendre que je pouvais sentir.

- Je te promets que dans quelques temps on échangera les positions. C'est moi qui te masserait.

Dés que j'aurais récupéré assez de mobilité, que j'aurais assez de force pour la masser, je me promettais de le faire.

Puis il y avait toutes les choses que je voulais récupérer, autre que ma mobilité. Je voulais me débarrasser d'abord de la sonde qui me faisait pisser. Pouvoir aller seul aux toilettes, même si je ne me tiendrais pas seul de suite pour uriner. Et sans la sonde, quand j'aurais récupéré un peu plus savoir si... si ça pourrait repartir aussi de ce côté là... si mon soldat pouvoir encore se mettre au garde à vous.

Je voulais récupérer assez de tonus aussi en bas pour... pour ne plus avoir besoin de cette poche et pouvoir chier seul, appelons les choses comme elles l'étaient. Je pensais à tout ça, à l'opération qu'il faudrait pour enlever cette poche. C'était des choses dont je n'osais pas parler à Letty encore. Ce n'était pas vraiment glamour quand on y pensait. J'avais réussi à le tenir éloignée de tout ça, laissant l'infirmier faire tous les soins. Mais quand je recommencerais à récupérer, il allait bien falloir que j'évoque tout ces... ces problèmes.

Elle le masse. Elle le masse mais elle a plutôt l’impression de le caresser. Et ça l’intimide un peu. Elle a l’impression de faire … quelque chose d’intime, de plus intime que ce qu’elle ne devrait le ressentir. Alors, elle respire doucement et reste silencieuse. Elle respire doucement. Oui. Doucement. Elle essaie de ne pas se sentir intimidé par le corps de James sous ses doigts. Elle avait l’impression de prendre quelque chose qu’elle ne devrait pas. Elle observe ses mains qui font des reliefs sous le t-shirt, avant qu’il ne lui dise de lui enlever. Elle se mord la lèvre discrètement, occupe ses mains sous le vêtement.

- O…oui, je peux.

Pourquoi elle bégaie ? Elle a envie de se frapper. Elle passe sa main, toujours sous le tissu, vers le bras de James, l’autre était à l’extérieur pour enlever la manche tout en soutenant son bras. Elle ne l’avait jamais touché comme ça. Il ne voulait jamais qu’elle le touche comme ça. Elle fait des gestes lents, pour être sur de ne rien faire de mal. Se rapproche de lui pour finir le geste de son bras qui retombe. Elle a fait un bras. Elle continue le mouvement, passe le t-shirt au-dessus de sa tête et il ne reste que la seconde main. Elle vérifie que les poches ne sont pas accrochées en passant la tête par-dessus ses épaules. Elle pousse le t-shirt et le fait tomber au sol. Elle se recule, mais avant, elle profite de la proximité de James et lui fait un baiser, unique et doux, sur sa joue. Elle reprit son massage, se remontant pour atteindre sa nuque plus facilement.

- Je n’ai jamais été massé, avoua-t-elle, tu sais … Je n’étais pas le genre … Fin. En couple, je n’ai jamais été très tendre, ou romantique, pour tout avouer. Je suis celle qu’on largue d’ordinaire. C’est pour ça que je te fais souvent la blague. Je connais mes défauts… surtout depuis … voilà.

Elle appuie sur la nuque, avec des ronds tendres. Elle se rend compte qu’avec lui, elle l’était déjà un peu plus. Tendre et romantique. Avant, en couple, c’était les enfants en premier. Celui qu’elle voulait et ceux des autres, et ensuite sa relation avec l’homme. Maintenant ? Elle n’avait plus aucun besoin physique… Mais elle voulait rester auprès de l’homme, toute sa vie. C’était paradoxal. Elle avait l’impression d’être différente avec James. Elle ne savait même pas pourquoi. Depuis le début, elle avait eu à cœur d’être avec James comme elle était avec les enfants, douce, compatissante, heureuse. Ce qu’elle n’était pas en face des adultes.

- Il va falloir que tu m’apprennes à être une bonne petite copine, d’accord ?

Elle avait dit le mot. Les deux mots. Petite copine. Elle n’avait jamais dit ces deux mots, côte à côte, pour parler d’elle. Alors elle rougit et baisse sa tête pour se cacher dans ses cheveux. Bon. Si James voulait changer d’avis pour leur relation, il fallait le dire, maintenant. Elle ne lui en voudrait pas, mais il fallait au moins qu’elle se prépare. Elle le comprendrait, de ne pas vouloir avoir ce petit boulet accroché à lui, après s’être libéré de sa chaise. Mais ce n’était pas un manque de confiance en son amour… C’était un manque de confiance en elle. Elle n’avait pas confiance en elle. Elle pouvait faire la brave, dire que le monde irait mieux, que les choses iront mieux… Tant qu’on ne parle pas d’elle. Pour elle, l'arrêt de ses relations avait tout à voir avec elle, et rien avec les hommes qui n'avaient pas su l'aimer comme elle est.

Je serrais les dents alors qu'elle venait me retirer mon tee shirt. Ses gestes étaient doux et tendres mais ils restaient encore trop gênant. J'avais encore le sentiment d'être une poupée flasque en voyant mes bras retomber seuls le long de mon corps. Je bougeais légèrement les doigts, me réconfortant un peu de les voir faire. Bientôt....

En attendant, je parvins à baisser le regard sur mon corps. La première fois depuis l'accident que je pouvais me voir ainsi, sans me regarder à travers le reflet de la glace. Le drap était encore assez haut pour cacher la poche et une partie de mon ventre. J'étais maigre, beaucoup trop maigre encore à mon goût. Les muscles avaient fondus après des mois d'inactivité. J'allais avoir un sacré travail de rééducation et de musculation à faire pour les retrouver, pour retrouver une apparence se rapprochant de celle que j'avais autrefois.

- Je vais avoir du mal tu sais. Je n'ai jamais été un très bon petit ami.

Je fermais les yeux un instant, profitant de la caresse de ses mains sur mes épaules et ma nuque. C'était nouveau pour moi aussi. Je ne me laissais pas masser par mes petites amies. Je le faisais pour elles mais plus comme une sorte de préliminaire que comme un moment tendre à deux.

- C'était plus des maitresses que des petites amies tu sais. Ma vraie femme c'était la musique. Je ne vivais que pour ça. Quand je n'étais pas en tournée, j'étais entrain de composer ou d'enregistrer en studio. La musique passait avant tout le reste. J'ai eu des... des maitresses régulières on va dire. On aurait pu leur donner le nom de petite amie vu que je leur étais fidèle pendant quelques mois. Mais nous ne sortions jamais au restaurant en amoureux. On ne partait pas en vacances ensemble. On ne partageait pas de moment comme celui ci. J'étais... le cliché de la rock star on va dire.

J'esquissais un petit sourire en disant ça. Une ville différente chaque soir. Une fille différente dans mon lit à chaque fois.

- J'étais celui qu'on quittait, lassé de fréquenter un courant d'air. Alors tu vois je ne suis pas plus doué que toi.

Je laissais échapper un petit rire triste en disant ça.

- Mais ça n'a pas d'importance comment on était. L'important c'est que maintenant on a envie d'être ensemble, d'être tendre et romantique, de construire quelque chose.

Elle sourit à peine, silencieusement, quand il dit qu’il n’avait jamais été un bon petit ami. Au moins, comme ça, ils seront deux dans la mélasse. Deux qui n’ont jamais … ressenti ça ? Est-ce qu’elle pouvait être prétentieuse en disant qu’elle était différente de toutes les autres ? Oh, ça oui, elle était différente. Elle avait vu rapidement ses « exs ». Elle n’était clairement pas dans la catégorie… mais … Il avait dit qu’il l’aimait et son cœur avait l’impression qu’elle était peut-être plus. Comme lui était plus pour elle. Il ne pouvait pas se comparer aux autres. Déjà, elle l’avait aimé sans penser à avoir un enfant avec lui, ce qui était un plus. Elle l’aimait avant même sa capacité à lui donner un enfant. C’était horrible de penser ainsi, mais c’était le cas. Elle l’écoute, continuant à le masser et à le caresser sur les épaules et à la nuque avec tendresse.

- J’ai vue tes exs, avoua-t-elle encore, quand j’ai compris qui tu étais, c’était pratiquement impossible de faire une recherche sans voir une femme avec toi dans les tabloïds. Elles étaient belles.

Ouais. Elles étaient belles. Pourtant, alors qu’elle était encore en train de le masser, elle s’arrêta doucement pour le prendre dans ses bras. Ses deux bras passés sur ses épaules et sa tête sur celle de James, mais sans appuyer.

- J’accepte de te partager avec ta femme. Cela me va d’être ta maîtresse, si tu continuais à sourire et à rire. J’ai vu une vidéo où tu souris en plein milieu d’un concert à cause de quelque chose qu’à dit le guitariste, ou l’autre qui ressemble au guitariste. Si c’est pour voir ce genre de sourire, ça me dérange pas de passer en seconde.

Parce qu’il allait reprendre la musique, n’est-ce pas ? Letty avait compris que plus qu’un métier, c’était sa vocation. C’était comme si on lui demandait d’arrêter de vouloir aider les enfants. Certes, elle n’avait plus son association, mais elle avait trouvé une autre solution. Parce que c’était important de suivre ce dont on avait besoin. James ne chantait plus. Il lui avait dit qu’à cause de son immobilité, il ne le pouvait plus … mais là, il pourrait reprendre, non ? Il pouvait chanter à nouveau. Il pourrait même lui chanter sa chanson un jour. (Oui, Letty considère que Far too young too die était la sienne maintenant). Elle s’éloigne à peine pour continuer à masser.

- J’ai envie d’être avec toi, d’être tendre et romantique et de construire quelque chose. Je compte te rendre heureux, parce que l’idée de te savoir malheureux ça me … fait peur. J’ai peur de ne pas être assez bien. Mais je vais faire en sorte de… Et ça, même si je suis obligé de te menacer pour que tu puisses chanter.

Elle, elle ne pouvait plus être assistante sociale comme elle le voulait. Elle avait fait une formation de pédopsychiatre pour rentrer dans un cabinet mais ça ne sera pas la même chose. Les enfants seront déjà cassés quand ils arriveront … alors qu’être assistante sociale, c’était essayé d’aider avant. Sa vocation profonde était compliquée à atteindre. James était déjà un génie. Et elle ne comptait pas le laisser arrêter. Bon. Elle n’a jamais été en couple avec une rock star … mais ça ne devait pas être bien compliqué d’aimer quelqu’un qui est aimé par des millions de personnes. Surtout que ce moment, cet instant, il n’était qu’à elle. Elle sourit à nouveau et cacha sa tête dans sa nuque, proche de lui, comme un câlin.

- Je suis heureuse d’être amoureuse de toi, tu sais ? Même si j’ai un peu pleurer, je ne changerais ça pour rien au monde.

- Je ne couchais pas avec toutes les femmes que tu pouvais voir dans les tabloïds. Une bonne partie étaient juste des amies avec qui on m'inventait une liaison.

Et il y en avait avec qui j'avais couché et qui n'étaient jamais apparues dans les magazines mais ça je préférais le taire. Ca devait déjà être assez compliqué de voir le défilé dans mes exs dans les magazines, je n'avais pas besoin d'en rajouter une couche. J'avais au moins cette chance de mon côté, je n'avais pas à voir les visages des mecs avec qui elle avait pu être et qui lui avaient brisé le coeur.

Je soupirais doucement alors qu'elle se mettait à parler de la musique. Je n'avais pas pris la peine d'y penser encore. Quand j'avais su que je pourrais retrouver de la mobilité, j'avais surtout pensé à elle. J'avais pensé à tout ce que nous pourrions faire ensemble, à la vie que je pourrais lui offrir, que nous pourrions vivre ensemble. Je n'avais pas pensé un seul instant à reprendre la direction des studios et de la scène.

- Je ne sais pas encore... pour la musique. Il faudra du temps de toute façon avant que je retrouve des forces. Je n'ai pas envie de me montrer à mes fans dans cet état là. Ca viendra peut être dans des années... ou peut être jamais...

Ce n'était pas ma priorité pour le moment. J'avais tellement de choses à faire avant de redevenir cet homme là. Je ne savais même pas si j'arriverais à récupérer assez pour le redevenir. C'était encore beaucoup trop flou et lointain pour que j'y pense.

- Alors ne me menace pas s'il te plait. Je vais tout faire pour te rendre heureuse. Peut être que pendant très longtemps les seuls concerts que je ferais ne seront que pour toi.

Ca serait plus facile de commencer seulement par elle, du moins tant que je ne serais pas satisfait de ma façon de chanter. Et il faudrait que je prenne le temps de renouer avec les membres du groupe, avec mes anciens amis... Avant de redevenir le James qui montait sur scène, je devais tenter de retrouver un peu du James d'avant.

- Je dois te parler de quelque chose...

Je pensais le James d'autrefois mort et enterré mais il allait revenir d'entre les morts. Alors, il y avait un autre James qui allait devoir mourir pour que je puisse redevenir celui que j'avais été.

- J'avais pris mes dispositions pour partir. J'avais contacté un médecin en Suisse, tout était organisé. Et j'avais mis mes affaires en ordre.

Je savais que ça n'allait pas lui plaire que je lui parle de tout ça mais je tenais à le faire. Parce que même si je n'allais plus partir, je voulais quand même mettre en place certaines de mes idées.

- Je léguais une partie de ma fortune à ma mère. Elle récupérait les droits sur mes chansons. Mais je te donnais une partie de mon argent. Je voulais... j'avais envie que tu fondes un centre pour venir en aide aux enfants. Tu ne devais plus avoir de problèmes pour le financer, une partie des droits qu'allait toucher ma mère allait servir à faire tourner le centre. C'était important pour moi que ma mort serve à quelque chose, que dans ce malheur je puisse au moins en tirer quelque chose de bon, que je puisse te permettre de faire ce qui te rendait heureuse, que tu puisses aider les autres.

Je n'avais toujours voulu que son bonheur, que je sois à ses côtés ou pas.

- Mais ça ne change rien au final. Tu ne vas pas passer ton temps à mes côtés pendant les longs mois de rééducation qui m'attendent. Je veux que tu en profites pour ouvrir ce centre. Si tu veux bien...

- Oh, je m’en doute. Les tabloïds disent souvent plus que ce qu’il n’est réellement arrivé. Et ne t’en fais pas, je ne serais pas jalouse de tes relations passés.

Elle se sentira moins bien, plus gauche, moins jolie, plus banale et tout le reste … ça oui… Clairement, elle se sentira tout ça… mais pas jalouse. Parce qu’elle sait qu’elle peut avoir confiance, et qu’elle est venue après. Elle ne sera pas jalouse de ses relations passées donc. Elle sera juste envieuse, ça peut-être. Si elle avait pu connaître James plus tôt, elle aurait peut-être connu l’amour véritable avant. Plus rapidement. Avant d’être incapable d’avoir un enfant. Elle bride cette pensée et s’occupe que du moment présent. Le passé est passé comme disait la reine des neiges. Il était temps de voir que le présent et un bout d’avenir. C’est tout. Elle reste proche de lui et soupire.

- Je comprends pour la musique. Pas de menace. Mais fait attention, si tu me promets des concerts, je risque d’en devenir vite accro. Cela me va. Tu sais juste maintenant que je ne serais pas un frein entre toi et ton envie de chanter.

Elle n’avait pas connu le James chanteur et rock star, mais elle se fichait de ça. Elle aimait le James contre elle. Et elle accepterait tout ce qui lui ferait plaisir. Elle préférait le dire avant de ne pas pouvoir. Leur moment était assez intime pour qu’elle puisse l’avouer sans trop de honte. Alors qu’elle se calait un peu mieux, il reprit la parole et elle l’écoute avec attention. Son cœur se serre à l’idée de ce qui aurait pu arriver, et il devait le sentir dans la manière qu’elle avait eu de serrer un peu sa main sur ses épaules. Comme pour le garder dans son point d’ancrage. Et la suite arriva. D’abord, elle écoute, elle lâche un « à moi ? » avant de se taire et de le laisser finir. Elle bouillonne de ne pas pouvoir parler … elle bouillonne de chaleur qu’elle ressent. Parce que …

Il l’avait aimé avant déjà. Parce qu’il avait pensé à lui offrir ça. Et il ne savait même pas à quel point c’était vital pour elle d’être assistante sociale. Il n’en savait rien parce qu’elle ne l’avait pas dit. Elle ne l’avait pas expliqué. Si elle ne pouvait plus être maman, elle pouvait être celle qui sauve les enfants des mauvaises mamans. Elle ne l’avait jamais dit, mais il l’avait su. Alors ses mains étaient toujours sur lui mais avait cessé de bouger, même de se fermer alors qu’elle sentait les larmes qui coulent. D’amour. James l’aimait assez pour lui offrir une raison de vivre après sa mort. Est-ce qu’il était fou ? Elle l’aurait détesté d’être mort et de lui offrir une raison de vivre, surement … mais là… Là, il était vivant, et il ne comptait plus mourir alors … Elle réalisait qu’avant même qu’elle ne craque et lui montre son plus gros secret, il l’aimait. Pas comme maintenant peut-être, mais il y avait eu assez d’amour pour qu’il se lie, l’un et l’autre. Elle ne lui avait pas reparlé du centre et de mécène depuis bien avant Noël. Alors, rien à foutre, elle passe ses mains sous les bras de James et elle se colle à lui, clairement plus. Et elle cache sa tête dans son cou, elle se cache et elle pleure parce qu’elle ne voit pas comment elle pourrait gérer autant d’amour.

- Si je veux bien ? S’étrangla-t-elle dans ses larmes, tu sais que maintenant que tu es en vie ça fait de toi le mécène ?

Ouais elle essaie de dire des choses évidentes pour remettre tout son esprit en ordre. Elle essaie en tout cas. Elle n’y arrive pas réellement, elle se cache un peu plus. Mets les deux mains jointes devant le buste de James et respire doucement entre coupé de hoquet.

- Je veux bien, James. Cela serait avec plaisir. On … Avec Paul on a déjà fait ça une fois, et on a tout ce qu’il faut pour le faire. On pourra même reprendre nos dossiers pour ceux qui sont en cours. Et …

Elle le serre un peu plus dans ses bras. Elle n’arrive plus à parler. Elle laisse tomber. Elle a dit oui. Et maintenant, comment elle était censée changer de position ? Elle était ébouriffée, larmoyante, et clairement pas belle à regarder. Elle soupire. Elle se pousse et le remet comme il faut dans le lit. Avant de se mettre à ses côtés. Elle met la main de James dans son dos, celle qui pouvait sentir, enroule ses bras autour des ses deux épaules et met sa tête contre celle de James.

- Vraiment, James, si tu continues à être trop parfait, comment je fais moi ? Je peux savoir ? Je te rendrais heureuse avec tout ce que j’ai, mais tu dois diminuer un peu le niveau j’arriverais jamais à t’atteindre sinon.

Elle disait cela en rigolant, mais pas trop non plus. Elle rigolait et la taquinait… mais il était vraiment trop parfait. On disait que l’argent ne faisait pas le bonheur, elle est d’accord. Mais l’argent peut aider. La preuve étant de ce qu’il venait de lui donner… Mais le problème, le plus gros problème, c’est quand acceptant comme ça, elle aurait l’impression de profiter de son argent. Il n’était pas mort, pas de droit sur les chansons, il garde tout. Alors elle préférait le voir comme un mécène, et elle ne démordrait pas de ça. Elle préférait arrêter de manger des soupes que de considérer comme acquis l’argent que James accepte de donner pour les enfants. Parce que même si elle accepte, elle se met en tête que cet argent, il ne lui a pas donné à elle, mais pour les enfants. Le fait que ça la rends heureuse était annexe. Elle allait pouvoir aider des familles. Et ça… Cela sera possible grâce à James. Elle ne sait pas comment elle pourrait lui rendre l’amour qu’il lui donne, l’intérêt.

- Je t’aime.

Je savais que je risquais de la toucher en lui avouant tout ça. Je me doutais que ce serait le genre de choses qui compterait pour elle et je ne m'étais pas trompé. J'avais voulu faire quelque chose de bien et en partant, et je l'aurais fait. Mais quelque part, c'était beaucoup mieux que je le fasse maintenant. J'aurais raté ce moment. J'aurais manqué la joie qu'elle ressentait à cet instant, de se dire qu'elle pourrait reprendre son rêve là où elle l'avait laissé. Et ça n'aurait pas eu la même saveur pour elle. Elle aurait vécu ça en même temps que mon deuil. Ca aurait certainement eu un goût amer pour elle. C'était mieux ainsi.

La seule chose perturbante, c'était de ne pas la sentir m'enlacer complètement. Elle avait posé les mains dans un endroit que je ne sentais plus. Je ne pouvais pas bouger pour la serrer dans mes bras. Pas encore c'était vrai, mais en cet instant le pas encore était particulièrement frustré.

Je la laissais faire alors qu'elle m'allongeait et qu'elle venait se blottir contre moi. Je sentais ma main dans son dos et pour la première fois je pouvais la caresser doucement du bout des doigts. J'étais mal à l'aise d'être torse nu comme ça mais pour le moment ça passerait. Je lui demanderais juste de me rhabiller quand on se déciderait à se coucher.

Je souris doucement en l'entendant me dire à quel point j'avais mis la barre haute.

- Letty... si je suis là aujourd'hui. Si je recommence à bouger. Si je me mets à croire en nouveau à l'avenir. Si je vais retrouver une vie. C'est uniquement grâce à toi. Si tu n'avais pas trouvé ce médecin, que tu ne m'avais pas convaincu d'essayer ce traitement. Rien de tout ça n'aurait été possible. Tu m'as sauvé la vie Letty. Alors te donner un peu d'argent pour financer ton rêve, ce n'est rien du tout ça.

Et pour la première fois, j'arrivais à tourner ma tête seul. J'arrivais à la bouger assez pour déposer un léger baiser sur son front. Enfin... je pouvais faire ça pour elle.

- Je t'aime aussi Letty...