Le calme ne tarde pas à avoir raison de lui. Je le sens se détendre lentement contre jusqu'à ce que le sommeil ne l'emporte au pays des rêves. Je reste dans ses bras quelques instants, le temps d'être parfaitement certaine de ne pas le réveiller en me relevant. Je l'observe quelques secondes, le regard attendri par son visage endormi, apaisé… Je dépose une couverture sur ses épaules pour qu'il ne prenne pas froid, puis je me dirige dans la salle de bain pour y remplir la baignoire. N'ayant rien de mieux à faire pour l'instant, autant prendre ce fameux bain et me détendre.

Je prends mon temps pour faire ma toilette, les cheveux en prime. J'observe le soleil entamer doucement sa descente depuis la baignoire remplie de mousse. Cette vision couplée à la sensation de l'eau chaude sur ma peau m'aident à me détendre. Une heure plus tard, lorsque l'eau devient trop froide pour être agréable, je quitte la baignoire pour enfiler un simple peignoir. Puisque nous restons ici, il me paraît inutile d'enfiler le moindre vêtement pour l'instant.

Je lance un coup d'œil dans la chambre, Tom dort encore… Le pauvre doit être complètement harassé. Je m'en veux de l'avoir traîné à travers la ville alors qu'il avait visiblement besoin de repos. Je referme la porte pour ne pas le déranger avec le bruit du sèche-cheveux…. Puis une fois que je n'ai plus rien à faire dans la salle de bain, je regagne la chambre et m'installe près de la fenêtre avec un livre pour profiter de la lumière naturelle.

Tom finit néanmoins par ouvrir les yeux. Sa mine surprise m'amuse et m'arrache un sourire.

– Bonsoir, je lui lance d'une voix calme en reposant mon bouquin. Tu dormais si bien que je te croyais parti pour la nuit.

Mon sourire s'étire quand je me relève pour m'installer sur le bord du lit.

– As-tu fais de beaux rêves ? je le taquine gentiment.

Je suis surpris de la couverture posée sur mes épaules. Je me sens vraiment bien, reposé. J'avais vraiment besoin de cette sieste.

Je crains dans un premier temps d'avoir ennuyé Emily, de m'être assoupi alors qu'elle souhaitait peut-être sortir à nouveau, ou regarder un film.
Mais elle est assise près de la fenêtre avec un livre. Je lui retourne son sourire.

"- Bonsoir, tu dormais si bien que je te croyais parti pour la nuit."

Je cligne des yeux, pas encore tout à fait bien réveillé. Mais ce n'est que lorsqu'elle se lève pour aller s'assoir sur le bord du lit que je suis soudainement plus alerte.
Elle ne porte qu'un simple peignoir, avec apparemment rien en dessous. Et mon corps s'éveille un peu plus, tandis que mon esprit se peuple déjà d'images en tout genre.

"– As-tu fais de beaux rêves ?"

"- Ils étaient moins beaux que la réalité", je souffle en me relevant.

Je m'agenouille sur le lit, et me penche vers elle pour lui voler un baiser. J'ai l'impression d'être beaucoup trop habillé.

"- Tu sens bon", je murmure contre la peau de son cou, parsemant cette zone de baisers avant de capturer de nouveau ses lèvres.

"- Désolé de m'être assoupi", je m'excuse avec un sourire contrit. "Je ne pensais pas être fatigué à ce point. "

Je caresse son visage. Sa peau est douce, et je replace une mèche de cheveux derrière son oreille.

"- Tu as pu te reposer ?" je lui demande ensuite.  "J'imagine que la journée a été fatigante pour toi aussi."

– Ils étaient moins beaux que la réalité dit-il avant de rejoindre sur le lit pour mieux s'emparer de mes lèvres.
– Ah bon ? je murmure presque timidement.

Il ne m'en faut guère plus pour sentir mon corps se réchauffer à son contact. Ne vient-il pas tout juste de se réveiller ?

– Tu sens bon, susurre-t-il contre ma gorge, couvrant ma peau d'une myriade de baisers qui m'arrachent quelques frissons.
–J'ai… J'ai pris un bain, je bégaye avant de soupirer et de répondre à ses baisers avec tendresse.

Un long frisson me parcourt doucement l'échine tandis que je m'évertue à reprendre pied. Je suis toujours aussi surprise de constater qu'il a ce pouvoir étrange sur moi… sur mon corps qui s'éveille au contact du sien.  Il s'excuse pour s'être abandonné à la fatigue, ce à quoi je réponds par un sourire empreint de douceur avant de rétorquer :

– Non, ça va…

Je ferme les yeux, savourant cet instant de pure tendresse, le cœur gorgé de toutes ces émotions débordantes que lui seul sait provoquer. Je me sens bien et … C'est une sensation étrange pour moi… Pour mon cœur trop endurci, trop anesthésié par la vie et ses déceptions. A ce moment précis, j'ai l'impression de ne pas avoir besoin de plus…  Juste lui…

– Que m'as-tu fait, Tom ?

Ma voix se meurt doucement… Ce n'est plus qu'un murmure. Mes yeux cherchent les siens, ils s'y accrochent un instant avant de descendre sur ses lèvres… Des lèvres que je viens capturer à mon tour avant d'enrouler mes bras autour de ses épaules.

"–J'ai… J'ai pris un bain", balbutie-t-elle.

Et si je suis tout d'abord déçu qu'elle ne m'ai pas attendu, je suis heureux qu'elle ai pu prendre du temps pour elle.
Je m'en veux presque de venir me coller à elle alors que j'ai encore sur moi les vêtements de cette après-midi, surtout en considérant la chaleur persistante de Vegas, même à cette période de l'année.

Son sourire me fait frissonner, mon corps tout entier se réveille au contact du sien. Et si au début elle a l'air hésitante, elle répond volontiers à mes baisers.

Je souris lorsqu'elle ferme les yeux, et se laisse aller contre moi, à mes caresses.

"– Que m'as-tu fait, Tom ?"

Je relève la tête, surpris, pour croiser son regard. Ce dernier est empli d'une vulnérabilité que je n'avais pas encore pu observer chez elle. Pas comme ça. Pas aussi marquée.

Cette question reste suspendue entre nous durant de longues secondes.

"- Je ne sais pas. Mais je me pose la même question, à ton sujet. L'effet que tu as sur moi", je souffle finalement sans la lâcher du regard.

Et c'est légitime. Je n'ai jamais ressenti ça avant. Pas aussi fort, pas aussi rapidement. Un simple contact de sa part suffit à m'électriser. Avec elle, je peux lâcher prise, ne plus me retenir à des barrières invisibles.

Son regard tombe ensuite sur mes lèvres, et je soupire quand elle m'embrasse.
Son bras s'enroule autour de mes épaules, et la chaleur de son corps est encore plus agréable. J'ai envie de me lover contre elle, de chercher le contact de sa peau.

"- C'est une belle manière de se réveiller", je murmure en l'attirant un peu plus à moi jusqu'à ce que nous soyions tous les deux allongés sur le lit.

L'on m'a toujours dit que l'amour ressemblait à une explosion. Un grand boum aussi brutal qu'intense… Néanmoins, l'on m'a assuré que passé la déflagration, ne restait que les petites retombées de cendres et de fumerolles… Jusqu'à ce que tout s'éteigne et que le calme revienne. Jusqu'à la fin.

Est-ce donc ce qu'il se produit pour nous ? Sommes-nous au cœur de cette fameuse explosion ? Peut-être… Je n'en sais rien. Mon inexpérience ne me permet pas de me faire une idée et encore moins de comprendre. Jusqu'ici, je pensais même que ce genre de sentiments, ces émotions intenses, n'existaient que dans ces romans de gare… Ceux arborant la photo d'une femme et d'un homme entrelacés sur la couverture… L'homme y est torse nu, généralement aux cheveux longs. La femme porte une robe digne de Scarlett O'Hara pour accentuer le côté fictif et imaginaire de la chose. Je n'ai jamais cru en l'existence de ce genre d'amour.

Alors forcément, ressentir tout ceci, pour cet homme que je connais à peine, a de quoi me perturber. C'est un peu comme si je me retrouvais devant le Père Noël ou le Lapin de Pâques… Face à une légende, une illusion… Et je me sens étrangement seule devant tout ceci… Pourtant, je ne le suis pas. Tom s'échine à me prouver le contraire, volontairement ou non.

– Je ne sais pas. Mais je me pose la même question, à ton sujet. L'effet que tu as sur moi…
– Et quel effet ai-je sur toi ? je demande en me laissant aller contre lui… Contre ses lèvres que j'effleure encore et encore comme si seuls ses baisers pouvaient me permettre de respirer.

C'est cette sensation qui me perturbe le plus… Cette dépendance étrange… Ce besoin constant et persistant de retrouver ses bras, ses lèvres… lui, tout simplement lui.

– C'est une belle manière de se réveiller, souffle-t-il en me ramenant contre lui tandis que nous nous retrouvons tous deux allongés sur ce lit toujours trop grand.
– Ce serait bête de ne pas en profiter dans ce cas, je pouffe tout en me lovant contre lui.

Je ferme les yeux en écoutant les battements de ce cœur qui bat au même rythme que le mien. Je repense aux paroles de Lucy et je m'interroge.

– Tu y crois toi, aux âmes sœurs ? Tu crois que ce genre de chose existe ?

"– Et quel effet ai-je sur toi ? "

Je prends le temps de réfléchir.

"- Mon coeur bat plus vite, ma respiration s'accélère, j'ai envie de m'enfuir au beau milieu de nullepart juste pour te garder avec moi, pour être seul avec toi."

Je cueille un baiser sur ses lèvres.

"- Et puis, il y a d'autres effets physiques. Les frissons lorsque tu me touches, mon coeur qui donne l'impression d'être sur le point d'exploser. Cette chaleur sur ma peau.."

J'ai envie de continuer cette liste, mais je crois que les gestes seront finalement plus clairs que les paroles.

J'aime sentir ses lèvres contre les miennes, comme si chaque baiser n'était finalement pas suffisant et qu'il fallait que je goûte encore plus sa bouche pour parvenir à respirer.

Elle se blottit contre moi.  Là, allongés l'un contre l'autre dans ce lit si confortable, je n'ai plus envie de bouger, de me lever, de prendre le risque de troubler ce calme.

J'embrasse délicatement ses paupières closes, enfouissant mon nez dans son cou pour à nouveau humer son odeur.

"- Tu y crois toi, aux âmes sœurs ? Tu crois que ce genre de chose existe ?"

Je me fige, alors que je commençais à passer une main sous son peignoir. Mes doigts se posent sur sa hanche nue, et je me force à me concentrer sur cette question si délicate.

"- J'ai envie d'y croire. Étant enfant, j'étais persuadé qu'un jour je rencontrerais la personne qui m'était destiné. En grandissant, j'ai réalisé que ce n'était qu'une histoire. Pourtant..."

J'hésite quelques secondes.

Je n'avais pas prévu de revenir sur ce sujet. Notre relation est tellement récente que je n'ai pas envie de lui faire peur. Elle m'a avoué un peu plus tôt avoir fait échouer plusieurs de ses relations. Je n'ai pas envie que la nôtre se termine ainsi, par peur d'un avenir trop idéalisé.

Je prends possession de ses lèvres, entrouvrant les miennes pour approfondir ce baiser

"- Quand je suis avec toi, j'ai envie d'y croire", je murmure contre sa bouche.

Je l'embrasse une nouvelle fois, puis rouvre les yeux pour me plonger dans les siens, espérant y trouver les réponses à toutes mes questions.

Ma main est toujours posée sur sa hanche, et je trace avec mes doigts des arabesques imaginaires sur sa peau.

"- Tu penses... Tu penses que toi et moi... ?" je demande doucement.

J'ai presque peur de la réponse à cette question.

Je ferme les yeux en l'écoutant énumérer des sensations qui me sont plutôt familières. Ce cœur qui s'affole, cette respiration plus rapide et plus profonde, ces frissons qui parcourent son corps à chaque toucher… Je ne les connais que trop bien pour les ressentir moi aussi. Je souris en l'entendant parler de son désir de s'enfuir dans un lieu où nous pourrions être totalement seuls, lui et moi… Oui, à l'évidence, nous ressentons la même chose.

Je poursuis mes interrogations, toujours avec le même désir de mieux comprendre ces sentiments qui m'assaillent… De mieux comprendre les siens. Et puis, il y a cette histoire d'âmes sœurs auxquelles je n'ai jamais cru, mais je suis tout de même soucieuse de savoir ce qu'il en pense.

–J'ai envie d'y croire. Étant enfant, j'étais persuadé qu'un jour je rencontrerais la personne qui m'était destiné. En grandissant, j'ai réalisé que ce n'était qu'une histoire. Pourtant…Quand je suis avec toi, j'ai envie d'y croire.

Ses propos de baisers qui gagnent peu à peu en profondeur. Ils se font plus pressants. Lui aussi s'interroge, je le ressens dans son souffle, dans ses regards. Notre histoire est peut-être récente, il ne demande qu'à y croire… Y croire vraiment. Ses baisers sont chargés de "et si", tout comme les miens. Je fais de mon mieux pour rester ancrée dans l'instant, pour ne pas trop réfléchir au futur… pour ne surtout pas douter. Mon esprit se focalise alors sur sa main posée sur ma hanche, sur les petits mouvements de ses doigts sur ma peau…

– Tu penses... Tu penses que toi et moi... ?

Je ne suis pas certaine de bien comprendre sa question. Me demande-t-il si je pense que nous puissions être des âmes-soeurs lui et moi ? J'ai le sentiment que ses interrogations sont bien plus profondes que cela…

– Je pense que… J'ai envie d'y croire, moi aussi, je rétorque tout en caressant doucement son visage. Je lui souris avec tendresse, mais je ne parviens pas à retenir la suite de mes pensées. Mais j'avoue que ça me fait un peu peur.

Malgré mon manque d'expérience en la matière, je ne suis pas stupide… Je sais que ce genre d'histoire vient avec son lot d'attentes plus ou moins importantes. La nôtre est encore bien trop récente pour que l'on vienne réellement à en parler. Néanmoins, je sais parfaitement que ce moment viendra, un jour ou l'autre et je sais par avance que je ne pourrai que le décevoir…

– [i]Ton ex…Pourquoi vous vous êtes séparés ?[/b]

"– Je pense que… J'ai envie d'y croire, moi aussi"

Je ferme les yeux. J'aime sentir ses mains sur mon visage.

"- Mais j'avoue que ça me fait un peu peur."

Mes paupières se soulèvent. Son sourire est empli d'une tendresse qui me réchauffe le coeur.

"- Moi aussi", j'admets dans un murmure.

Plusieurs secondes s'écoulent, dans ce cocon de chaleur qui nous enveloppe. Je l'embrasse à nouveau, animé par une résolution nouvelle.

Malgré nos différences, il y a ce lien qui nous unie. Peu importe comment nous souhaitons l'appeler. J'espère être capable d'aller au delà de nos peurs respectives, de notre crainte de tout faire échouer.

"Ton ex…Pourquoi vous vous êtes séparés ?"

Je ne m'attendais pas à cette question, et je grimace malgré moi.

La réponse en elle-même n'est pas simple à donner. Il y a tant de raisons, d'explications, de choses qui nous ont séparées malgré nous.

"- Nous étions trop différents, elle et moi. Je l'ai rencontré alors qu'elle était encore mannequin. L'un comme l'autre, nous voyagions beaucoup. Et puis... Elle avait besoin d'être dans la lumière, dans toutes les soirées branchées alors que j'avais besoin de me reposer entre deux tournées. Elle me reprochait de ne pas profiter de ma jeunesse, de ma célébrité. Et les journaux n'ont rien arrangés, avec des rumeurs d'infidélité... Totalement erronées. Notre dernière dispute..."

Le sujet est encore difficile pour moi.

"- Elle m'a accusé d'être un type normal qui s'est retrouvé propulsé à une place que je ne méritais pas."

Je ferme les yeux, me remémorant cette dernière dispute. Le souvenir est encore douloureux.

"- Je ne regrette pas notre séparation", je reprends ensuite. "Surtout que ça m'a permis de te rencontrer. C'est juste que..."

Je viens déposer un baiser dans son cou.

"- J'ai l'impression d'avoir vécu avec elle toutes ces années pour finalement réaliser qu'elle ne me connaissait pas. Pas comme je l'aurais souhaité."

Je lui attrape la main et entrecroise nos doigts.

"- Je n'ai pas envie de faire les même erreurs avec toi"

J'écoute ses explications avec une certaine curiosité. Je ne cherche pas à me montrer indiscrète, c'est uniquement ce besoin de comprendre et de mieux le connaître qui m'anime. Il m'avait dit avoir vécu neuf ans avec cette femme. Et ce n'est tout de même pas rien. Il s'en passe des choses en une décennie… Certains se marient, d'autres ont des enfants, ils achètent des maisons, adoptent des chiens, partent en vacances… Que sais-je ? Mais ce que je sais, c'est que l'on ne reste pas aussi longtemps avec une personne que l'on n'aime pas… Je suppose qu'ils devaient nourrir quelques projets, peut-être même parmi ceux de trouvant un peu plus haut dans ce paragraphe.

Alors il me parle de leurs différences, de leur manière de jouir de leur existence. L'une rêvait de lumière, l'autre préférait le calme… Mais… Ils ont tout de même su composer avec ceci pendant neuf ans… Du coup, à partir de quand est-ce réellement devenu un problème ? Je suis certaine qu'il ne me dit pas tout… Il parle de rumeurs infondées concernant une éventuelle infidélité et je commence à stresser. Vais-je devoir faire face à ce genre de chose moi aussi ?

Je n'ai pas envie de songer à tout cela. Je sais que les tabloïds ont la fâcheuse tendance d'interpréter les choses de manière à rendre attirants leurs fichus torchons … J'en ai conscience mais… Parfois, ils ne se trompent pas. Alors, certes, je ne lis pas ce genre de papier. Cela ne m'a jamais intéressé… Sauf que notre relation est connue dans tout Castine et je sais que certains ne se priveront pas de me le montrer si une telle photo venait à être publiée… Et je sais aussi qu'ils le feront avec bienveillance parce qu'ils sont tous persuadés qu'il est essentiel de nous soutenir et nous protéger les uns des autres…

J'ai soudainement envie de disparaître…

– Elle m'a accusé d'être un type normal qui s'est retrouvé propulsé à une place que je ne méritais pas.

Je le regarde fermer les yeux… À l'évidence, cette remarque bien précise a dû le toucher au plus profond de son âme. Il en souffre encore aujourd'hui… Ce qui ne doit pas l'aider avec son manque de confiance qu'il a envers lui-même. Il n'est jamais agréable d'entendre pareils mots et c'est d'autant plus difficile lorsque cela vient de la personne que l'on aime.

– Je n'ai pas envie de faire les même erreurs avec toi…
– De quelles erreurs parles-tu ? Qu'est-ce qui t'inquiète ? je lui demande en observant nos mains liées.

Je pense alors à mes propres erreurs. Celles que j'ai commises durant des années durant, construisant ainsi mon petit château de cartes instables. Pour ma part, c'est le décès de ma grand-mère qui m'a permis d'ouvrir les yeux et surtout de réagir. J'étais en train d'étouffer dans une vie qui n'avait jamais été réellement la mienne … Piégée dans une relation que je ne voulais pas, auprès d'un homme que j'appréciais et respectais énormément mais que je n'aimais pas… Ou pas suffisamment pour pousser jusqu'au mariage… Au fond, ma principale erreur a été de vouloir à tout prix convenir à tout le monde…

– J'ai été fiancée, je me décide à avouer. Et nous n'étions pas si différents. On s'entendait même très bien, assez pour que j'en vienne à le considérer comme mon meilleur ami.

Ce n'est probablement pas la meilleure façon de planter le décor, mais je n'ai pas trouvé mieux.

– C'était vraiment un type bien. Martha l'aimait beaucoup, c'est même elle qui nous a poussé l'un vers l'autre… Elle était déjà très malade à l'époque, alors… Je n'ai pas vraiment lutté. Je me suis dit "pourquoi pas"? Elle l'aimait tellement après tout. Elle était même sûre que nous étions faits l'un pour l'autre et… J'ai vraiment tout fait pour que ça devienne vrai.

Je me redresse lentement pour mieux l'observer. Je lui offre un sourire sincère… parce qu'il me suffit de le regarder pour avoir réellement envie de sourire.

– Mais… Ça ne l'était pas… Ça n'a jamais été vrai… En tout cas, pour moi. J'ai rompu nos fiançailles le lendemain de la mort de Martha… Tout s'est écroulé à ce moment-là… Quand j'ai réalisé que ma seule véritable erreur a été de prendre sur moi… De faire comme "si" pour coller aux attentes des autres et de faire taire les miennes… Je me suis alors promis de ne plus jamais faire ce genre de choses.

Il y a une différence entre faire des efforts pour l'autre et tout concéder en permanence jusqu'à en oublier ses propres désirs…ses propres besoins et ce, jusqu'à s'oublier soi-même.

– Pendant des années, je me suis comportée comme un imposteur. Les gens me trouvaient si bizarre qu'ils me laissaient de côté. Je me suis toujours sentie à part, de trop… Lucy m'a aidé, pendant un temps… Je l'ai imitée, tout simplement parce qu'elle maîtrisait les codes sociaux alors que pour moi, tout était si flou. J'ai aussi écouté Martha, c'était mon modèle…. Elle savait forcément ce qui était bon pour moi… Aujourd'hui, je sais que si j'avais osé lui dire les choses telles qu'elles étaient vraiment, elle les aurait comprises… Lucy aussi… Mais j'avais tellement peur qu'elles me rejettent elles aussi…

Quelle stupide gamine je pouvais être…

– Au fond… À force de jouer le rôle de quelqu'un d'autre, je pense que personne ne me connaissait vraiment… Pas même moi… Et quand je te regarde, parfois… Comme cela a pu être le cas lors de cette répétition… J'ai l'impression que, toi aussi… Tu te comportes comme un imposteur…

Il ne s'agit pas là d'un reproche et encore moins d'une leçon de morale… Je me contente de lui livrer mes propres ressentis.

– Tu disais que, malgré toutes ces années ton ex ne te connaissait pas comme tu l'aurais souhaité mais… Du coup, qu'est-ce que tu souhaitais ?

"– De quelles erreurs parles-tu ? Qu'est-ce qui t'inquiète ?"

J'embrasse chacun de ses doigts, m'émerveillant d'à quel point nos mains tiennent parfaitement l'une dans l'autre.

"- L'éloignement", je murmure. "Je n'ai plus envie de faire passer ma carrière avant mon couple. Avec mon ex, je n'ai pas su trouver le temps. Et puis, notre communication était très mauvaise. Nous ne parlions jamais de notre avenir."

Et nous nous disputions beaucoup. Que ce soit en se voyant, ou par écran interposés. Mais ça... Je ne veux pas revenir dessus. C'est du domaine du passé.

"- Sache que notre communication est déjà bien meilleure que celle que j'avais avec mon ex. Toi et moi arrivons bien mieux à nous comprendre."

Je lui embrasse le bout du nez.

"– J'ai été fiancée", admet-elle ensuite.

Et le choc de cette nouvelle doit se voir sur mon visage. Mais je ne parviens pas à le masquer. Emily, fiancée ? Je ne m'étais pas attendu à cela. Qui est cet homme ? Pourquoi se sont-ils séparés ?

Je l'écoute attentivement m'expliquer cette histoire qui a finalement échoué.
Elle aborde un sujet qui me parle particulièrement : faire comme tout le monde, pour rentrer dans un moule, correspondre à ce que notre entourage attend de nous.
C'est ce que j'ai fait des années durant... ce que je fais encore si souvent.

"- Et quand je te regarde, parfois… Comme cela a pu être le cas lors de cette répétition… J'ai l'impression que, toi aussi… Tu te comportes comme un imposteur…"

C'est compliqué pour moi d'entendre cela. Surtout que je sais parfaitement qu'elle a raison. Bien sûr qu'elle a raison. Mais ce qui me touche surtout, c'est qu'elle ai été capable de percer à jour ce masque que je porte si souvent, alors qu'elle ne me connait finalement que depuis peu.

Comment un tel lien a-t-il pu se créer si rapidement entre nous ? Pourquoi mon coeur bat-il si vite lorsqu'elle m'expose ses observations ? Avec Helena, je me serais défendu, j'aurais nié cette accusation. Mais ici, je ne peux qu'aquiescer, alors que la honte me noue les entrailles.

"- Tu as raison. J'ai... Je me suis forgé comme une armure. Et maintenant, c'est difficile d'en sortir."

"– Tu disais que, malgré toutes ces années ton ex ne te connaissait pas comme tu l'aurais souhaité mais… Du coup, qu'est-ce que tu souhaitais ?"

"- J'ai des rêves très simples. Beaucoup trop simples pour elle. Je voulais m'installer avec elle, durablement. Simplement vivre une vie normale, au calme, dès que je le pouvais. "

Je me tais un instant, et je reprends d'une voix hésitante.

"- Toi et moi... Ce n'est pas pour coller aux attentes de quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ? Je ne veux pas que tu te sentes enfermée dans notre relation, Emily. J'ai envie..  J'ai envie de toi. Pas d'un rôle que tu joues. C'est de la véritable Emily dont je suis tombé amoureux."

Tombé fou amoureux, oui. C'est même incroyable, en y pensant.

"- Ton ex... Tu l'as revu, depuis ?"

C'est peut être de la curiosité mal placée, mais j'ai besoin de comprendre la relation qu'elle entretient avec cet homme, désormais.