– Quoi ? Il existe donc des personnes plus pénibles encore que cette Kelly ? je m'écrie de façon théâtrale.
– Je confirme … Cette fille est tout simplement insupportable. Elle n'a, d'ailleurs, pas tout à fait saisi ce que signifie le terme “artiste sculpteur indépendant.

C'est plus fort que moi, j'éclate de rire. Il est vrai que ces termes sont plutôt obscurs au regard de certaines personnes… Au regard d'autres artistes également d'ailleurs. Enfin…

Je les laisse converser au sujet du repas de Noël. Je préfère ne pas m'en mêler mis à part pour donner mon avis lorsque l'on me le demande. C'est vraiment pas mon truc, que voulez-vous.

Lorsque Lucy nous propose de l'accompagner à sa fête du nouvel an, je m'empresse de refuser.

– Castine est plus jolie, rétorque Tom. Moins de monde, beaucoup plus de calme. Moins de risque de croiser des gens que je n'ai pas envie de voir. Et nous trouverons bien quelque chose à faire en attendant minuit. Un film ou un jeu de société.
– Tu te caches ? lance-t-elle en récupérant une marmite dans son placard. Peur de recroiser ton ex, je suppose ?
– J'en doute, je réponds, sûre de moi. Il n'y a rien de gênant à recroiser un ex, surtout quand on est passé à autre chose. Je suis sûre qu'il s'en fiche.

Si j'en suis aussi certaine, c'est parce que je n'aurais aucun mal à croiser la route de Jim. Enfin, je suis persuadée que cela sera tout de même un peu gênant après l'horrible manière dont je l'ai quitté… Mais en dehors de cela, nous sommes tous des adultes. La vie suit son cours après tout et nous sommes tous passés à autre chose.

– Mouais… Bah j'en suis pas aussi sûre, moi, ajoute-t-elle en grimaçant.

"– Tu te caches ?" me lance Lucy lorsque je mentionne que je préfère Castine car ça m'évite de croiser certaines personnes. "Peur de recroiser ton ex, je suppose ?"

Je me renfrogne, vexé que la conversation dérape de cette manière.

"– J'en doute", répond aussitôt Emily. "Il n'y a rien de gênant à recroiser un ex, surtout quand on est passé à autre chose. Je suis sûre qu'il s'en fiche."

Je grimace malgré moi.
Je n'ai vraiment pas envie de m'étendre sur le sujet.
Mais c'est plus fort que moi...

"– Mouais… Bah j'en suis pas aussi sûre, moi."
"– Parce que tu es au courant de tous les détails de ma rupture, Lucy ?", je rétorque d'un ton amer. "Tu as lu la presse à scandales, ou ce sont tes clients qui t'ont raconté tout ça ?"

J'imagine que les rumeurs vont bon train à ce sujet, même si les magazines people ont eu le monopole des théories les plus extravagantes vis à vis de ce qui nous a poussé à nous séparer.

Je détourne le regard, passant une fois de plus une main dans la fourrure de Nix pour me calmer.

"– Donc oui, désolé mais je préfère éviter de la recroiser. Et je n'ai pas envie qu'on me prenne pour une bête de cirque. Encore plus que d'habitude. Ne serait-ce que pour avoir des infos exclusives venant tout droit de Tom Alskell sur pourquoi il a rompu avec la très célèbre mannequin.."

Je me lève brusquement.
Je suis fatigué, et je n'ai franchement pas envie de penser à tout ça.

"– Je vais prendre l'air quelques minutes", j'annonce en attrapant mon manteau. "Je ne suis pas loin. Juste dans mon espace de travail. J'ai encore quelques bricoles à installer."

Et puis ça leur permettra d'être un peu seules sans moi.
A vrai dire, j'ai besoin de m'aérer un peu la tête.

L'année dernière à la même époque, c'était bien à New York que j'ai passé la nouvelle année.
Je me souviens d'une soirée interminable, de l'alcool qui coulait à flots, et de mon ex qui m'avait reproché toute la soirée de ne pas sourire assez pour les photos.

Je fais de mon mieux pour ne pas glisser en me dirigeant vers la grange.
Mais cette fois, je me débrouille visiblement mieux qu'hier.

J'allume la pièce qui m'est réservée, puis soupire en avisant mes deux guitares qui sont posées dans un coin. C'est exactement dans ce genre de moment que j'aurais eu envie de jouer.
Malheureusement, c'est impossible.

Je m'installe donc à mon bureau, branche mon clavier maître, et bidouille le début d'un morceau sur mon logiciel d'enregistrement.

Rien de très concluant. Juste un rythme de batterie synthétisé par ordinateur. Bien plus faible que ce que Jeff me sortirait en à peine quelques minutes.
La ligne de basse que j'ajoute via le clavier est minable.
Et je n'ai même pas le courage d'essayer de brancher le micro pour chanter par dessus.

J'écoute sans réellement comprendre sa réaction. Il a ses raisons, bien-sûr, seulement moi je ne suis au courant de rien. Je ne m'intéresse pas aux histoires des célébrités. Je ne lis pas les torchons qui vivent de l'exposition de leur vie privée. Tout cela me dépasse grandement… Alors non, je suis bien incapable de comprendre ses propos autant que sa réaction. Je demande donc à Lucy de se taire… Je n'ai pas la moindre envie de voir l'ambiance se dégrader… Mais je réagis sans doute beaucoup trop tard puisqu'il décide de s'isoler.

– Tu sais quelque chose à propos de cette femme ?
– Non et, honnêtement, j'en ai rien à faire.
– Sa réaction ne te choque pas ? Je veux dire… t'as pas peur qu'il en soit toujours amoureux?

Je ne sais pas vraiment quoi répondre à cela … Je ne suis pas spécialement choquée, juste surprise. Et puis… Je ne veux pas me mettre à douter de lui, de ses sentiments. Mais effectivement, s'il est toujours amoureux de cette fille, que puis-je faire ? La réponse est pourtant simple : rien du tout. On ne peut pas contrôler les sentiments des autres. Alors autant lui accorder le bénéfice du doute en m'efforçant de ne plus penser à tout cela.

Je me lève pour chercher mon vieux casque dans ma chambre. Je chute en essayant de récupérer une boîte se trouvant tout en haut de mon placard… Lucy me gronde, comme à chaque fois que je m’entête mais je ne m'en préoccupe pas. Au lieu de ça, je récupère mon casque et retourne m'asseoir face au clavier. Je branche la prise et dispose le casque sur mes oreilles… Puis je m'enferme dans la “musique”, du moins… dans de vieux exercices destinés à entraîner la dextérité et la souplesse des doigts.

Voilà, comme ça, je n'entends plus rien. Mon esprit se focalise sur autre chose et … Tout devient tellement plus simple. Lucy se charge de sa soupe. Tom fait je ne sais quoi dans son bureau… Et moi, je prends la fuite.

Je suis toujours installé à mon bureau, m'acharnant sur cette musique qui n'a strictement aucun intérêt.
Je suis en colère, contre l'industrie de la musique, contre les paparazzi. Et surtout en colère contre moi-même. Je ne pensais pas être à ce point susceptible, alors que Lucy avait juste probablement évoqué mon ex pour me taquiner.

Je soupire.

J'ai l'impression de m'être comporté comme un parfait idiot.

Je rabats l'écran de mon ordinateur portable en soupirant. Je ne vais pas pouvoir rester ici éternellement.

Combien de temps s'est écoulé depuis que je me suis isolé ici ?

Je jette un coup d’œil à mon téléphone.

A peine un quart d'heure. Assez pour qu'Emily et Lucy aient eu le temps de discuter, peut-être même au sujet de comportement.

Mais peut-être que je n'ai pas encore complètement digéré ma rupture avec Helena, finalement, même si l'amour que j'ai pour Emily l'emporte sur tout le reste.
Je ne ressens plus rien pour Helena. Juste une affection teintée de nostalgie, mais qui n'a plus rien à voir avec ce que j'éprouve pour Emily aujourd'hui.

Je ferme les yeux quelques instants, juste le temps pour moi de reprendre une respiration à peu près normale.

Puis je me lève, et quitte cette pièce à regrets. Autant aller affronter les conséquences de mes actes.

Je me sens tout penaud lorsque j'entre à nouveau dans la maison.

Je note que Lucy est toujours dans la cuisine, mais qu'Emily s'est installée au piano. Elle a un casque sur les oreilles. Je suis à peu près certain qu'elle ne m'a pas entendu revenir.

"– Je suis désolé", je souffle tandis que Lucy me toise du regard. "Je n'aurais pas dû m'emporter comme ça. L'année dernière j'ai passé un réveillon... Un réveillon à chier, pardonne-moi l'expression. Et t'entendre parler de mon ex, ça a réveillé certains souvenirs. Des mauvais souvenirs. La presse s'est déchainée sur nous, lorsque nous avons officialisé notre rupture."

Je me masse la nuque, incroyablement gêné. Je n'aime vraiment pas m'étendre sur ce sujet. Mais je suppose qu'une explication est inévitable.

"– Je n'aime vraiment pas penser à tout ça", j'admets en grimaçant. "Mais ça n'excuse en rien mon comportement."

Au fur et à mesure que je parle, je me dirige vers Emily, jusqu'à venir me positionner juste derrière elle.

Je ne sais toujours pas si elle m'a entendu arriver, toute concentrée qu'elle est sur son piano.

Puis je pose une main sur son épaule, doucement.

La soupe est prête, nous passons à table et dînons dans un calme plutôt déroutant. En réalité, je n'ai pas très faim. Je picore juste quelques croûtons de pain baignant dans un velouté pourtant délicieux. Lucy m'observe mais ne dit rien. Tant mieux, je n'ai pas spécialement envie de faire la conversation et encore moins d'avoir à me justifier pour mon mutisme. À ce moment-là, ma solitude me manque un peu. C'est probablement égoïste de penser cela, mais c'est pourtant ce que je ressens.

Le repas terminé, je me charge une fois encore de la vaisselle. Lucy essuie les assiettes propres avant de les ranger. Après ça, elle nous laisse seuls alors que je me rends dans la salle de bain pour faire ma toilette et enfiler un pyjama. Je n'ai toujours pas envie de parler, alors je me couche avec un bouquin juste histoire de me distraire et surtout de m'occuper l'esprit.

Je n'ai techniquement pas besoin qu'il me parle davantage de cette femme. Je n'ai pas envie de penser à elle et encore moins de me comparer à cette superbe mannequin qui a vécu avec lui neuf années durant. Je ne veux pas non plus qu'il me parle de leur rupture, ni de ce que la presse a diffusé par la suite… En revanche, j'aimerais ne pas avoir à douter de lui, de ses sentiments envers elle ou envers moi. Je déteste cette sensation. Honnêtement, c'est vraiment horrible. Je lui ai ouvert mon coeur, ma maison… Mais je me demande s'il est réellement prêt à faire de même.

Je décide de laisser tomber pour ce soir. La nuit portant conseil, je choisis donc de me coucher tôt.

Je sens bien que ma réaction a jeté un froid. L'ambiance n'est plus la même. Et je n'ose même pas interrompre le silence qui s'est installé.

J'imagine bien qu'Emily et Lucy ont discuté durant mon absence. Les regards que Lucy pose sur Emily sont lourds de sens.

Emily, quant à elle, s'est plongée dans un mutisme certain. Elle ne m'adresse même pas la parole lorsque Lucy nous laisse enfin seul.

Je finis par laisser tomber, après plusieurs tentatives pour lancer une conversation. Ca me fait mal, mais je ne peux pas non plus la forcer à interragir avec moi.

Elle finit par aller se coucher bien trop tôt, me laissant seul, assis sur ce canapé, avec uniquement Nix pour compagnie. Et encore, ce dernier ronfle déjà comme un bienheureux.

Il est inutile de me voiler la face. Je suis seul. Une fois de plus. Tout ça à cause de cette réaction que je n'ai pas su contrôler.

Je rumine bien trop longtemps, le regard dans le vide, affalé dans ce canapé. Lorsque je commence à m'assoupir, je finis par réussir à me relever.
Je me déshabille dans le salon, soucieux de ne pas réveiller Emily. Et c'est en sous-vêtement que je me rends enfin dans la chambre, pour rejoindre ma compagne dans son lit.

Les draps sont chauds, et je meurs d'envie de venir me blottir contre elle. Mais je ne suis pas certain que ce contact soit bienvenu.

Je me contente donc de rester de mon côté, mettant bien trop longtemps à m'endormir.

Le lendemain matin, je me réveille bien trop tôt. J'ai affreusement mal dormi.

Emily dort encore, et je décide de rester dans ce lit, prenant le temps d'observer son visage assoupi.
Je me suis rapproché d'elle dans mon sommeil. Mais je n'ose toujours pas la toucher, de peur de la réveiller.

Ce n'est que lorsqu'elle ouvre enfin les yeux que je me risque à lui adresser la parole.

"– Bonjour. Tu as bien dormi ?"

J'essaie de sourire. Mais je n'arrive probablement qu'à grimacer.

"– Je suis désolé pour hier. Je n'aurais pas dû réagir comme ça."

– Bonjour… je rétorque en notant les efforts qu'il doit fournir pour tenter d'esquisser un sourire.

Non, je n'ai pas bien dormi. Comment l'aurais-je pu ? Je déteste cette situation…

– Je suis désolé pour hier. Je n'aurais pas dû réagir comme ça.
– Pourquoi t'excuser ? J'ai bien vu que c'était incontrôlable et involontaire de ta part, je rétorque en soupirant avant de me redresser. Je ne t’en veux pas, Tom. Je ne suis pas en colère non plus. Mais il me semble que tu as encore des choses à régler… Des choses qui, je le sais, ne me concernent pas.

Je me relève en prenant appui sur le déambulateur posté près du lit. J'attrape la robe de chambre accrochée juste au-dessus et l'enfile en silence. Des tonnes de questions me brûlent les lèvres, mais aucune ne parvient à sortir. Je sais que c'est très mauvais, mais je ne le contrôle pas vraiment. Les mots restent simplement coincés…

– Je vais faire du café, dis-je pour ne pas simplement rester silencieuse.

Il me faut un temps monstre pour regagner la cuisine. J'ouvre la porte arrière pour permettre à Nix de sortir avant de m'occuper du café. Le poêle s'est éteint durant la nuit …Il fait froid. Je lance la cafetière et me dirige vers le poêle devant lequel il me faut m'asseoir pour l'allumer.

Tout est si difficile. Tout prend tellement plus de temps. Je suis déjà épuisée et il est encore tôt.

Elle répond à mon bonjour, mais je sens bien que le malaise de la veille n'a toujours pas disparu.

"– Je ne t’en veux pas, Tom. Je ne suis pas en colère non plus. Mais il me semble que tu as encore des choses à régler… Des choses qui, je le sais, ne me concernent pas."

Je baisse les yeux, incapable de répondre à cette affirmation.
Elle a raison, bien sûr.

"– Je vais faire du café", annonce-t-elle en sortant de la chambre.

Je n'ai même pas eu le temps de l'embrasser.

Je suis toujours allongé dans le lit, et je grogne en me retournant. J'ai horreur de cette situation, de cette distance qui s'est installée.

Je fouille dans le placard pour trouver un t-shirt, puis fais un tour dans la salle de bain, avant de ramasser les vêtements que j'ai étalé la veille dans le salon.

Et enfin, après avoir rangé mon bazar, je rejoins ma compagne dans la cuisine.
Je la trouve assise devant le poêle, en train d'allumer ce dernier.

Je n'hésite qu'un instant avant de m'assoir à côté d'elle, et ose enfin lui déposer un baiser sur la joue.

"– J'ai encore des choses à régler", je confirme. "La période des fêtes réveille des mauvais souvenirs. Mais tout ça, c'est du passé. Je vais travailler sur moi, pour oublier tout ça."

Je passe un bras autour de ses épaules. Elle donne l'impression d'être frigorifiée.

Je n'ai pas vraiment chaud, mais j'espère pouvoir l'aider à détendre la tension qui semble s'être accumulée dans ses épaules et son dos.

"– Il me semble t'avoir promis un massage, hier", je continue en m'installant derrière elle pour presser ma main valide dans le haut de son dos.

Puis je soupire, et viens déposer mes lèvres dans sa nuque.

"– Jeff essaie de me faire voir un psy depuis des années", j'admets à voix-basse. "Je pensais que c'était inutile. Mais peut-être... Peut-être que j'ai besoin d'aide."

C'est difficile à admettre. Surtout après m'être battu bec et ongles pour éviter ça des années durant. Mais ces derniers mois j'ai bien l'impression que tout ce qui m'est arrivé depuis le début de ma carrière me rattrape. Douloureusement.

– J'ai encore des choses à régler, finit-il par reconnaître après s'être assis à mes côtés . La période des fêtes réveille des mauvais souvenirs. Mais tout ça, c'est du passé. Je vais travailler sur moi, pour oublier tout ça.

J'écoute, même si je ne trouve rien à répondre à cela. Cette période de l'année ne m'inspire rien de bien agréable non plus. Je prends sur moi pour ne pas transmettre ma mauvaise humeur aux autres, plus particulièrement à Lucy pour qui cette période est sacrée.

– Il me semble t'avoir promis un massage, hier, déclare-t-il en adaptant sa position pour s'installer derrière moi.

Toujours aussi silencieuse, je ferme les yeux… Ces attentions semblent m'apaiser un peu.

– Jeff essaie de me faire voir un psy depuis des années. Je pensais que c'était inutile. Mais peut-être... Peut-être que j'ai besoin d'aide.
– Peut-être ? je pouffe, un peu malgré moi. Tu en as clairement besoin, Tom… Tu as beau sourire et faire comme “si”, on dirait un écorché.

Je me retourne à mon tour pour lui faire face. Je suis tout à fait sérieuse.

– Tu es vraiment prêt à tout ça, Tom ? Je veux dire…vivre avec moi ? Cela revient à officialiser notre relation, même au regard de ton ex et de la presse, même si je préférerais me faire oublier par la dernière partie. Depuis hier je me demande si j'ai vraiment ma place dans ta vie … C'est un tel foutoir dans ta tête… Alors je te pose la question : est-ce que c'est vraiment ce que tu veux ?

Elle ne se dérobe pas à moi. Pas à ma main sur ses épaules. Pas aux baisers que je pose sur sa peau.

Je me détends au fil des secondes.
Sauf qu'elle ne dit toujours rien.
Puis je mentionne le psy.

"– Peut-être ?  Tu en as clairement besoin, Tom… Tu as beau sourire et faire comme “si”, on dirait un écorché."

Je ferme les yeux quelques secondes. Je n'ai vraiment pas envie de voir la moindre étincelle de pitié dans son regard. J'ai fait de mon mieux pour cacher mes blessures, mais il est évident qu'à présent elle n'a plus aucun doute sur l'homme que je suis vraiment.

Un gars complètement paumé.
Un type normal qui s'est retrouvé à une place qu'il n'aurait pas dû occuper.

"– Ne dit-on pas que ce sont les écorchés qui écrivent les meilleures chansons ?" je rétorque dans une tentative d'auto-dérision.

Mais je n'ai aucun doute qu'Emily voit clair dans mon jeu.
Et pour cause, lorsqu'elle se retourne pour me faire face, il n'y a plus aucune trace d'amusement sur son visage.

"– Tu es vraiment prêt à tout ça, Tom ? Je veux dire…vivre avec moi ? Cela revient à officialiser notre relation, même au regard de ton ex et de la presse, même si je préférerais me faire oublier par la dernière partie. Depuis hier je me demande si j'ai vraiment ma place dans ta vie … C'est un tel foutoir dans ta tête… Alors je te pose la question : est-ce que c'est vraiment ce que tu veux ?"
"Je t'aime toi, Emily. Toi et personne d'autre. Tu as une place dans ma vie. Toute la place que tu voudras prendre."

Je viens poser mon front contre le siens, et ferme un instant les yeux, le temps de remettre de l'ordre dans mes pensées.

Je peux douter sur nombre de choses, mais je ne doute pas de ce que je veux en ce qui concerne Emily.

"– Je veux vivre avec toi. Je veux me réveiller chaque matin à tes côtés. Je veux t'entendre râler contre les mugs de café froid que je laisse trainer partout. Je veux pouvoir me blottir contre toi, devant un film nul ou simplement pour lire, ou juste discuter de tout et de rien. Je suis certain... absolument certain que c'est ce que je veux."

Je l'embrasse doucement, souriant enfin contre ses lèvres. Un sourire serein, cette fois.

"– Vis à vis du foutoir dans ma tête, je vais prendre rendez-vous avec le psy de Jeff. Je dois avoir sa carte de visite, quelque part. Il fait des consultations à distance. Ou sinon je trouverai quelqu'un non loin d'ici, peu importe."

Je suis pas certain d'être prêt à me livrer à un inconnu. Mais le serais-je vraiment un jour ? Quoiqu'il en soit, je sais que je ne peux pas laisser la situation empirer.

"– J'ai l'impression d'avoir vu tout mes boucliers s'effondrer les uns après les autres, ces derniers mois", je murmure en attirant Emily à moi pour la serrer dans mes bras. "J'ai besoin de temps pour réussir à gérer tout ça."

Je dépose un baiser dans ses cheveux.