Au moins, même si franchement humiliante, cette expérience m'aura permise de retenir une leçon très importante : toujours s'assurer que les garçons ne sont pas dans leur chambre quand je décide de faire l'andouille en petite tenue. Non, mieux ! Laisser tomber les petites tenues tant que je vis sous le même toit qu'un mec qui n'est pas mon frère. Voilà…Bon, et peut-être aussi d'éviter de chanter aussi fort, puisque je n'ai clairement pas l'intention d'arrêter de faire l'idiote en musique. Je n'ai toujours pas trouvé mieux pour me vider la tête. Je ne rigole pas hein, y'a pas mieux pour le moral !

Peu désireuse de revenir sur le sujet, je m'empresse de ranger mon bordel. Non seulement cela m'occupe, mais en plus… Bah disons que je n'aime pas l'idée d'empiéter sur leur territoire alors qu'ils m'ont si gentiment accueillis chez eux. Je préfère me faire toute petite, en général… Bon, c'est loupé pour cette fois.

Prise dans mes pensées, je ne l'entends pas m'appeler la première fois. Je réalise d'ailleurs que ce n'est pas son premier appel quand il se rapproche avec un air penaud. Génial, je l'ai mis mal à l'aise.

–Pas besoin de stresser, ok ? Je ne dirais rien à Alex et… Excuse-moi pour mon commentaire, ce n’était vraiment pas classe.

–Dans ce cas, faisons un pacte : Il ne s'est strictement rien passé et que tu n'as strictement rien dit de déplacé, proposé-je en souriant.Ok ?

Je m'apprête à lui tendre la main pour serrer la sienne quand mon téléphone se met à sonner.

–Ah merde, c'est le boulot, dis-je en levant un doigt pour lui signaler d'attendre. Allô ?
– Hailey, c'est Jade, faudrait que tu viennes nous aider là. Jake vient de se faire un lumbago en déchargeant le camion et j'ai des caisses de bouteilles par-dessus les bras et j'ai encore les groupes à additionner pour les prestations du mois. Je te paierais un supplément en liquide… Mais là, j'ai besoin d'aide de toute urgence.
–Ok… J'arrive, soufflé-je en raccrochant.Bon bah, il faut que j'y aille… À demain ?

Je récupère son sac à main, vérifiant qu'il ne manque rien à l'intérieur. Je n'ai plus qu'à enfiler mes bottes, attraper la veste en cuir qui me servira en rentrant et… Je suis prête.

–Bonne journée !

Après m’avoir dévisagé et écouté, elle me propose un pacte. Si j’oublie ce que j’ai vu, alors elle fait l’impasse sur mon commentaire. Le deal me parait bien et son sourire est encourageant, aussi, je vais pour lui prendre la main afin d’entériner ce compromis.
C’est ce moment que choisit son téléphone pour sonner.

Je lui fait signe que j’attends tandis qu’elle répond. Visiblement, il y a une urgence à son travail et elle doit donc y aller.

Bon ! Ben bon courage à toi ! Répondis-je en lui souriant à mon tour.

Après son départ, je me lançais dans mes lessives, le rangement de ma valise et de mon matériel avant de faire un coup de ménage dans ma chambre.
Je croisais Alex et on discutait un peu de sa frangine. Il s’excusa encore de son oublie et je fut obligé de râler pour qu’il arrête.

Finalement, il m’annonçait qu’il y avait un gros projet à son boulot qui se déroulerait sur deux semaines à Seattle. A l’origine, il n’en faisait pas partie mais un des gars c’était cassé le pied en jouant au Molky (personne ne savait comment il avait réussi cet exploit). Au final, on lui avait demandé de le remplacer au débotté.

Ben c’est génial ! C’est une occasion de te faire remarquer, de montrer tes compétences ! M’exclamais-je.

Il semblait peu sûr de lui, hésitant, me précisant qu’il devait donner sa réponse le lendemain pour un départ le lundi suivant. On passait donc vingt minutes à parler de cela et il finit par considérer que, effectivement, c’était une belle opportunité.
Pour un Data Analyst, participer au Data Show de Seattle, c’était une aubaine à ne pas laisser passer.

Je passais le reste de la journée à flâner et à travailler mes retouches photos, Alex étant aller rejoindre sa copine.
Le soir, je mangeais du coup seul avant de me coller devant la télé, vautré sur le canapé. Passé minuit, je préparais le canapé pour Hailey, le basculant en lit et plaçant les draps et oreillers, avant d’aller me coucher.
Il était compliqué d’oublier les images que j’avais vu plus tôt dans la journée… Ces dernières me gardaient éveillé, aussi, plutôt que de tourner en rond dans mon plumard, je retournais travailler sur mon ordi.

J'aime mon travail pour une bonne dizaine de raisons, mais surtout pour l'ambiance qui règne dans cet endroit. Je connais le Blue Tiger depuis toujours. J'y ai même joué une fois, quand j'étais encore au lycée. Ici, c'est la musique qui prime plutôt que l'alcool et cela se ressent partout, jusque dans les murs recouverts de centaines d'affiches de concert, toutes dédicacées. Jade, la gérante, laisse sa chance à tout le monde, qu'importe le style ou l'âge des musiciens. Ici, c'est le talent qui prime.

Alors, forcément, décharger des caisses de bières tout en écoutant des dizaines de musiciens jouer chacun leur tour, je trouve ça génial. Et je m'estime même chanceuse de travailler ici, même si c'est beaucoup de boulot.

En semaine, c'est assez calme. Les gens viennent après le travail et se détendent entre amis ou collègues. À partir du vendredi, c'est autre chose… Le Blue prend des allures de petite salle de concert et… C'est le moment que je préfère. Pour l'heure, nous ne sommes encore que jeudi et je sais qu'il me tarde le lendemain.

J'ai un peu plus de temps pour traîner après la fermeture. Je discute avec le guitariste de l'un des groupes et… Je termine la soirée dans son appartement. Le lendemain matin, j'entreprends la route de la honte en marchant dans les rues vêtue de mes vêtements de la veille, les cheveux décoiffés. C'était une bonne soirée, dans l'ensemble.

Je rentre à l'appart pour trouver Alex dans la cuisine, prenant son petit déjeuner. Le regard qu'il me lance est lourd de reproches, pourtant, il se contente de me demander comment s'est passé ma soirée.

– J'ai besoin d'une douche, je rétorque en souriant avant de me rendre côté canapé pour récupérer des affaires propres dans mon sac…

Le canapé est déplié, le lit fait et je suis sûre que ce n'était pas le cas la veille.

– C'est toi qui… je demande, surprise.
– Matt.
– Oh… C'est gentil de sa part.
– Je crois qu'il t'apprécie…
–Ah…Il est sympa.
– Je dois partir bosser mais, j'ai des choses à te dire. Je dois m'absenter plusieurs jours, tu pourras dormir dans ma chambre.
– Ok, d'accord …
– Je passerai au Blue ce soir.
– Ça marche, je rétorque avant de filer dans la salle de bain.

Je ne m'y attarde pas plus que ça, mais quand je finis par en sortir, Alex est déjà parti. Alors je me glisse simplement sous les couvertures pour terminer ma nuit.

Je crois que j’ai fini par m’endormir sur mon ordinateur.
C’est Alex, avec sa bienveillance habituelle, qui, voyant de la lumière par ma porte entrouverte, m’a réveillé afin de préserver mes cervicales.

Tu sais où est Hailey ? M’avait-il demandé.
Au boulot, j’imagine ? Avais-je répondu avant de voir l’heure indiquée par mon téléphone. 4h du matin, les bars sont fermés. Ah ! Euh, non alors, je ne sais pas où elle est. Avais-je conclu.
J’étais donc allé finir ma nuit dans mon lit.

Je me réveille en fin de matinée, la tête encore dans le gaz à cause du décalage horaire et de cette nuit de travail. Je m’extirpe de mon lit, bâillant et m’étirant. J’ai beaucoup de mal à démarrer aujourd’hui, j’aime pas quand c’est comme ça.
Je me traîne jusqu’à la cuisine en caleçon et en débardeur pour me faire un café, veillant à ne pas réveiller la blonde qui dort dans le canapé.
Je bois mon mug de carburant en regardant la vie par la fenêtre, les gens qui passent, les voitures, les oiseaux, le fleuve au loin.

Après être aller faire mon sport dans ma chambre, je me rends ensuite dans la salle de bain pour prendre une douche, histoire de finir de me réveiller. Ceci fait, je ressors en short de plage pour aller me poser sur un des transat du balcon, afin de profiter du soleil. Lunettes fumées sur le nez, les mains ramenées derrière la tête, je laisse les rayons de l’astre venir se refléter sur ma peau.

Je me réveille en début d'après-midi… J'ai la tête dans le pâté et je me sens quelque peu déphasée. Je sais que si je commence à traîner dans le lit, jamais je ne pourrai me lever… Autant éviter de trainailler, surtout aujourd'hui. Tout en baillant, je me dirige vers la cuisine pour me servir une énorme tasse de café… Puis, vu ma tronche, je me demande s'il ne serait pas plus utile de boire directement à la cafetière.

Je remarque alors que la porte donnant sur le balcon est grande ouverte, alors c'est tout naturellement que je m'y dirige. Et… Je dois me pincer les lèvres pour résister à l'envie d'éclater de rire en voyant Matthew en short et lunettes de soleil allongé sur un transat…

– N'oublie pas de te tourner de temps en temps hein. Ce serait dommage de ne griller qu'un seul côté, pouffé-je avant de m'accouder à la rambarde. Merci pour le lit au fait. T'étais pas obligé.

Une voix amusée, presque moqueuse se fit entendre derrière moi.

Grillé d’un côté, cru de l’autre, ce serait con, oui ! Après, c’est pas impossible, Alex te confirmera que je suis une merde pour la cuisson des viandes.

Je me redressais, m’asseyant en tailleur sur le transat, observant son dos, ses cheveux, sa nuque. Elle me remerciait alors pour son lit, me tirant un sourire.

T’inquiète, ça me faisait plaisir. Franchement, tu rentres tard. Moi, ça ne me coûte rien de le faire en allant me coucher. Quand j’accueille quelqu’un, j’aime le faire bien, que tu puisses te sentir bien tant que chez-nous sera aussi un peu chez-toi. Puis ça me faisait plai…

Cette fois, c’est moi qui suis coupé par mon téléphone. C’est l’agence.

Ouaip, Phillips ! Lançais-je en décrochant.

Matt ! Dieu merci, j’arrive enfin à joindre quelqu’un ! J’ai une commande urgente ! S’écriait le gestionnaire de contrats.

Je ne te promets rien, je suis rentré il y a à peine deux jours de Paris, mais vas-y, je t’écoute.

Ouai, je sais, désolé, mais sur quatorze mercenaires, tu es le seul à avoir répondu. Bon, j’ai une commande urgente pour un disquaire. Il à une promo pour un nouveau magasin à Vancouvert et il a besoin de photos de concerts. Genre bar musicaux, plutôt rock, un truc qui bouge bien.

Pour quand ? Demandais-je en affichant le planning sur mon téléphone, basculant ce dernier en haut-parleur.

Pour demain, 16h max dans ma boite mail ! J’t’en pris, je te fais la série de cent photos à dix mille ! Gégnait-il.
Je levais les yeux vers Hailey.

Quinze mille les cent photos, le délai est hyper court ! Je dois trouver un lieu, obtenir les accords des proprios et des musiciens… Pour moins de quinze mille, je retourne me coucher.

Putain… Bon, va pour quinze ! Mais nickel les photos ! Comme d’habitude !

Ouaip, comme d’hab ! Et je raccrochais avant de faire un sourire à la jeune femme.

Cela t’ennuierait d’appeler ta patronne et de me la passer ? J’ai de la pub gratuite à lui proposer ! Souriais-je

– Te comparerais-tu à un steak ? raillé-je en souriant derrière ma tasse.

Je le remercie alors pour le lit, précisant au passage qu'il n'était clairement pas obligé de me rendre ce service.

–T’inquiète, ça me faisait plaisir. Franchement, tu rentres tard. Moi, ça ne me coûte rien de le faire en allant me coucher. Quand j’accueille quelqu’un, j’aime le faire bien, que tu puisses te sentir bien, tant que chez-nous sera aussi un peu chez toi. Puis ça me faisait plai…

Je m'apprête à lui répondre que je le pensais plutôt du genre à accueillir leurs convives à coup de réveil en fanfare, mais son téléphone se met à sonner. Ne voulant pas être indiscrète, je reporte mon regard sur la ville, sirotant mon café tranquillement.

–Cela t’ennuierait d’appeler ta patronne et de me la passer ? J’ai de la pub gratuite à lui proposer ! me lance-t-il une fois sa conversation achevée.

– Hm, non. Je te fais ça, attends, dis-je en m'emparant de mon téléphone.

Vu l'heure, Jade doit déjà se trouver au bar. Je l'imagine en train de vérifier les derniers détails pour… une centaine de milliers de fois. Elle est comme ça, Jade… Je compose son numéro et j'attends… Elle décroche à la dernière sonnerie et je sens qu'elle vient de courir.

– Je t'en prie, Hailey, ne me dis pas que tu es malade…
– Malade, moi ? Risque pas, pouffé-je. J'ai avec moi quelqu'un qui voudrait te parler de quelque chose.
– J'ai déjà sélectionné les groupes pour le mois prochain, Hailey…
– Roh, mais non ! m'écrié-je, légèrement agacée. Attends, je te le passe… j'ajoute en tendant mon appareil à Matthew.

Ben c'est toi qui parle de griller ! Pouffais-je.

Ensuite, alors que je lui explique que ça ne me derangeait pas de m'occuper de son lit, mon téléphone sonne, nous interrompant comme la veille. Le gestionnaire de l'agence est à la recherche désespérée d'un photographe pour une demande urgente et, étant le seul à répondre, j'en profite pour faire monter les prix.

Une fois négocié et raccroché, je demande à la jeune femme si elle peut appeler sa patronne, ce qu'elle fait gentiment avant de me la passer.

Bonjour Madame, je suis Matthew Phillips et je suis photographe professionnel. Je vous explique rapidement, on m'a demander de faire des photos de groupes de musique en urgence. Du coup, sachant où travail Hailey, j'ai une proposition à vous faire. Expliquais-je succinctement.

Je vous écoute ! Repondit-elle tout en bringuebalant une caisse de bouteilles.

Voilà, si vous m'autorisez à faire cela chez-vous et que vous m’obtenez les accords des groupes prévus ce soir, je viendrai avant l'ouverture pour prendre une série de photos de votre établissement. J'en prendrai également durant la soirée qui permettent d'identifier le lieux. C'est photos, je vous les offres pour vos réseaux sociaux, vous pourrez en disposer comme bon vous semble, sous réserve de me citer, évidemment. En parallèle, j'en posterai moi même sur mes pages. En gros, je vous propose de la pub gratuite. Est-ce que cela vous intéresse et vous convient ?

A l'autre bout du fil, j'ai presque l'impression de l’entendre réfléchir intensément. Finalement, elle me donne son accord et confirme valider avec les groupes avant de raccrocher.
Je rends son téléphone à la blonde avec un sourire satisfait.

Merci beaucoup, mademoiselle ! Souriais-je, prononçant ce dernier mot dans un français…approximatif tout en lui rendant son téléphone. Du coup, je t'accompagne ce soir. Dis-je en souriant.

Adossée à la rambarde, ma tasse fumante dans les mains, je n'écoute que très distraitement leur conversation. Je crois comprendre qu'il s'agit de photos du groupe et du bar… Une histoire de publicité gratuite liée à un contrat avec je-ne-sais-qui… Bref, du boulot pour lui sur mon lieu de travail à moi.

– Du coup, je t'accompagne ce soir.
– Toi au Blue Tiger ? je pouffe. Ça promet d'être drôle…

Je dis ça pour plaisanter bien-sûr. Ce bar n'a rien de très select' et s'il y a parfois des gens peu fréquentables, ils sont loin de composer la majorité de la clientèle.

Je traîne quelques heures dans l'appart avant de commencer à me préparer pour la soirée. Cette fois, j'adopte un look rock-chic, ordre de la patronne. C'est samedi soir après tout. Enfin… chic, mais confortable. Hors de question de me trimballer avec des talons aiguilles, je ne suis ni folle, ni masochiste. Mes bottes plates feront l'affaire.

A dix-sept-heures, c'est l'heure pour moi d'y aller. Il y a toute la mise en place à faire et je dois en plus aider les musiciens à s'installer. Cela laissera tout le temps à Matthew de s'entretenir avec Jade avant le coup de feu.

–Hailey ! gronde Jade à mon arrivée. Ce qui n'annonce généralement rien de bon.
– C'est moi.
– Tu passes derrière le bar ce soir, Lou est absent … La poisse.
– Pas de problème.
– Tu peux voir avec les amplis aussi. T'es la seule à savoir les brancher… Puis aide le groupe à se préparer.
– Ça marche, je lance en me retroussant les manches. Au fait, ça c'est Matthew, j'ajoute en le désignant du pouce avant de me mettre au boulot.

Une heure plus tard, la balance est faite et le groupe peut s'échauffer. Pour ma part, j'aide à terminer l'installation au bar en rangeant les quelques bouteilles manquantes. Le bar ne va pas tarder à ouvrir et tout le monde est en effervescence… J'adore ce moment-là… Celui juste avant que tout s'enchaîne et que le bar s'anime pour de bon.

La soirée s'annonce géniale.