J'ai beau ne pas croire à la destinée, je ne peux pourtant que reconnaître que notre rencontre est tombée à point nommé. Pour lui, comme pour moi. Je suis néanmoins touchée d'apprendre d'avoir été pour lui une source d'inspiration, comme il l'est pour moi. C'est même plutôt bouleversant quelque part. Il m'inspirait bien avant que je tombe amoureuse de lui. Même si je ne peux nier avoir ressenti une certaine attirance à son égard et ce… dès l'instant où il m'a aidé à éponger ma cuisine. Je repense à notre conversation d'alors et je souris. Peut-être aurais-je dû m'interroger plutôt quant à la facilité avec laquelle j'ai su m'exprimer avec lui. Après tout, je ne suis jamais aussi bavarde avec les autres, surtout les inconnus. Je n'ai pourtant pas rencontré ce genre de soucis avec Tom, jamais. C'est probablement pour ça que je lui ai ensuite proposé de lui servir de guide dans une ville aussi grande qu'un timbre poste.

– J'ai envie de te dédier un album, avec toutes ces chansons.
– Vraiment ?

Peut-il lire l'émotion dans mes yeux ? Sait-il à quel point je me sens honorée par ces propos ? Qu'ils soient vrais ou faux, je suis sincèrement touchée.

– Tu as faim ? me demande-t-il en revenant de la salle de bain.
– Pas pour l'instant non, je me saisis toutefois du menu qu'il me tend. J'y jette tout de même un œil par pure curiosité.

Tom se place derrière moi, je suis surprise du bien-être que me procure sa simple proximité.

– Je ne dirais pas non à une douche, sinon. J'ai l'impression d'être un peu poisseux.
– Tu l'es, je raille gentiment, bien consciente de ne pas être dans un meilleur état que lui après nos ébats.
–Tu me rejoins ? Je sais que tu as déjà pris un bain un peu plus tôt, mais j'ai envie de t'avoir dans mes bras.
– C'est une très jolie manière de me dire que je sens mauvais, merci, je pouffe en me redressant pour quérir un nouveau baiser.

Tout en l'embrassant, je laisse mes mains glisser sur ses flancs, le caressant gentiment, avec tout mon amour et ma tendresse… Puis je le taquine un peu plus en venant le chatouiller, juste avant de détaler en courant vers la salle de bain. Je me dirige aussitôt vers la douche où j'ouvre le robinet afin de laisser le temps à l'eau de chauffer.

– J'ai envie de te dédier un album, avec toutes ces chansons.
– Vraiment ?
"- Vraiment", je lui confirme en souriant.

Elle a l'air émue par cette décision, comme si elle ne se sentait pas digne d'une telle attention. Mais elle est devenue ma muse, mon inspiration, la seule raison qui me donne envie d'écrire. Lui dédier cet album me parait être une évidence.

Elle m'annonce ne pas avoir faim, mais approuve ma décision de prendre une douche. Visiblement; mon odeur n'a pas l'air de lui convenir. Ou peut-être me taquine-t-elle juste.

–Tu me rejoins ? Je sais que tu as déjà pris un bain un peu plus tôt, mais j'ai envie de t'avoir dans mes bras.
"– C'est une très jolie manière de me dire que je sens mauvais, merci"

J'éclate de rire juste avant qu'elle m'embrasse.

"- Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !" je proteste aussitôt.

Mais je continue de rire lorsqu'elle commence à me chatouiller. Elle commence à bien me connaître, et n'a donc aucun mal à trouver les endroits qui me font réagir.

Et elle s'enfuit avant que je n'ai eu le temps de réagir. Je reprends mon souffle, et m'abandonne quelques secondes de plus dans le lit, grognant avec satisfaction.

Puis je me lève enfin. Sur le chemin, mon regard est attiré par mon téléphone, qui a fini à terre à côté de mon jean. L'écran de ce dernier est allumé, indiquant une nouvelle notification. Un message, visiblement. Mais il s'éteint avant que je n'ai pu identifier l'expéditeur.

J'hausse les épaules, et rejoint Emily dans la salle de bain.

L'eau est déjà chaude lorsque je me glisse dans la douche, et je prends plaisir à enlacer Emily par derrière, quitte à la faire sursauter.

Je dépose un baiser dans son cou, tout en nous manoeuvrant pour que nous soyons tous les deux sous le jet d'eau chaude.

Je soupire de bien-être. La chaleur de l'eau me fait un bien fou. Et la présence d'Emily dans mes bras n'est pas étrangère au sourire sur mes lèvres.

Je ferme les yeux, la berçant un instant, murmurant à mi-voix un air qui me vient, pour l'instant sans aucune parole.

Mes mains trouvent ses seins, parfaitement dimensionnés pour mes paumes.

"- Tu es parfaite. Parfaite pour moi," je lui murmure à l'oreille.

Les minutes qui suivent, je parcours son corps d'une toute autre manière, beaucoup plus douce que précédemment, en la savonnant. L'odeur sucrée de ce gel douche empli bientôt l'air.

"- Les répétitions continuent demain matin. Tu voudras y assister ? Ce ne sera probablement pas très différent de ce matin.."

Toujours des chansons avec un texte à réecrire entièrement, toujours Jake et sa mauvaise humeur légendaire.

"- J'ai envie que tu sois là", j'ajoute juste après. "C'est juste que... au moins j'ai l'impression de chanter pour quelqu'un d'important. Mais je ne veux pas que ce soit une obligation pour toi. Si tu préfères retourner voir ton amie, je comprendrai."

Non pas que je n'aime pas chanter uniquement pour les techniciens et autres corps de métier qui nous entourent. Mais Emily est différente. Elle a la même sensibilité artistique que moi. Et j'aime lire dans ses yeux tout ce que lui inspire chaque chanson.

Avant de rentrer dans la douche, j'observe un instant mon reflet dans le miroir. J'ai les joues encore bien rouges, les lèvres gonflées… De nouvelles marques sont apparues sur mes épaules. Je souris en passant la main sur cette nouvelle empreinte de dents et je pouffe en songeant que je pourrais aisément demander à un tatoueur de repasser dessus. Je ne suis pas blessée, l'empreinte ne me cause aucune douleur. C'est juste une marque rouge, légèrement sensible au toucher, rien de plus.

Lorsque la vapeur commence à s'échapper du filet d'eau, je peux me glisser en dessous. Je savoure cette sensation…  Tom ne tarde pas à me rejoindre, se plaçant dans mon dos pour mieux m'enlacer. Je ferme les yeux en l'écoutant chantonner. Cette toilette n'a rien de bien écologique, j'en ai parfaitement conscience… Mais honnêtement, j'en ai strictement rien à faire

–Tu es parfaite. Parfaite pour moi, me murmure-t-il à l'oreilles, ses mains posées sur mes seins.
– Et tu vois ça dans ma poitrine ? Intéressant, je le taquine juste avant de récupérer la bouteille de gel douche.

Je prends ce qu'il me faut pour assurer la toilette et la lui tend ensuite. Je suis surprise de sentir de nouveau ses mains sur mon dos, savonnant cette partie difficilement accessible d'ordinaire.

– Les répétitions continuent demain matin. Tu voudras y assister ? Ce ne sera probablement pas très différent de ce matin..

Je fronce les sourcils en entendant cette question ô combien surprenante. Évidemment que j'y assisterai…

–J'aienvie que tu sois là, précise-t-il.  C'est juste que... au moins j'ai l'impression de chanter pour quelqu'un d'important. Mais je ne veux pas que ce soit une obligation pour toi. Si tu préfères retourner voir ton amie, je comprendrai.

Je me retourne pour lui faire face. Le voilà de nouveau en proie aux doutes… Non, je ne peux décidément pas laisser passer ça.

– Je serais là, Tom. Je suis venue pour ça, tu te souviens ? je murmure tout contre ses lèvres tandis que mes bras viennent se poser sur ses épaules. Et puis, je repars bientôt… Je compte bien profiter de chaque secondes passées ensemble, même si c'est seulement pour te regarder travailler. Puis j'aime t'entendre chanter…J'aime ta voix… Je t'aime, toi.

"– Je serais là, Tom. Je suis venue pour ça, tu te souviens ? Et puis, je repars bientôt… Je compte bien profiter de chaque secondes passées ensemble, même si c'est seulement pour te regarder travailler. Puis j'aime t'entendre chanter…J'aime ta voix… Je t'aime, toi."

Elle s'est retournée pour me faire face et ses lèvres effleurent les miennes. Je ne résiste pas bien longtemps avant d'accentuer cette pression, l'embrassant doucement.

Je sais qu'elle m'aime. Je sais qu'elle est là pour moi. Mais l'entendre me l'affirmer une fois de plus, répondant à cette interrogation que je n'ai pas su retenir... Ca me fait chaud au coeur. Et je me demande une fois de plus comment j'ai pu être aussi chanceux.

"- Le temps va me paraître très long lorsque tu seras repartie

Je l'embrasse sur le front, puis sourit avec amusement.

"Il n'y aura plus personne pour tenir tête à Jake."

Même si, à vrai dire, j'ai bien envie de l'asticoter un peu. Emily a réveillé une facette de ma personne qui s'était endormie et qui refait maintenant surface, aspirant à plus de liberté.

Nous terminons de nous laver, nous chamaillant gentiment sous cette eau chaude. Je vole à Emily des baisers encore teintés de la passion qui nous a pris un peu plus tôt. Ou peut-être est-ce le rappel de son départ prochain qui me rend plus tactile. Je n'arrive pas à la lâcher, même lorsqu'il est temps pour nous de nous sécher.

De retour dans la chambre, tous les deux au chaud dans des peignoirs, nous commandons un repas léger au room service. Et ce dernier ne tarde pas à arriver.

Discutant avec Emily de tout et de rien, j'en ai complètement oublié mon téléphone. La soirée est bien avancée lorsque je prête enfin attention aux vibrations qui se répètent à intervalle régulier.

Je me lève et attrape cet engin.

"- Jeff", je marmonne.

Que me veut-il à cette heure ?

Je parcours rapidement la liste des messages, et j'éclate de rire. Mes joues sont probablement rouges, mais je ne peux m'empêcher de trouver la situation extrêmement amusante.

"- Des photos de nous en train de quitter l'atelier de Lucy circulent sur internet", j'annonce à Emily en riant. "D'après les rumeurs, elle aurait réalisé un moulage de... enfin... de certaines parties de ma personne. "

Ça y est, je bafouille, mais il faut dire que les spéculations vont bon train vis à vis de ce qui aurait pu être moulé.

"- Jeff trouve ça hilarant, visiblement"

Je lève les yeux au ciel, et rédige un rapide message à l'attention de mon ami.

Je note également deux appels manqués de Kelly, ainsi que quelques messages de Peter et Frank, parfaitement illisibles. J'en déduis vite que les deux concernés sont encore allés faire la tournée des bars.

J'abandonne mon téléphone, et retire le peignoir pour enfiler un bas de pyjama.

"- Promis, si un jour j'autorise Lucy à mouler mon torse ou autre chose, tu seras la première informée", je lance à Emily avec un clin d'oeil.

Le temps passé avec lui est si agréable que je ne le vois pas défiler. Je sais déjà qu'il me manquera énormément lorsque nous devrons nous séparer, ne serait-ce que pour quelques jours. Mais pour l'heure, je préfère ne pas y songer et me contente de profiter de cette soirée avec lui. J'aime nos discussions, même les plus banales. Je les aime autant que nos taquineries. Un sourire perpétuel a pris place sur mon visage, même cette fois il ne ressemble en rien à celui que j'arbore lorsque je porte mon masque. Je suis tout simplement heureuse et ce n'est pas quelque chose d'anodin pour moi, bien au contraire. Ces instants sont précieux, j'en ai parfaitement conscience.

Ce sont les vibrations de son téléphone qui viennent de nouveau nous interrompre. Visiblement, il s'agit d'un message envoyé par son ami batteur.

– Des photos de nous en train de quitter l'atelier de Lucy circulent sur internet. D'après les rumeurs, elle aurait réalisé un moulage de... enfin... de certaines parties de ma personne.
– Et bien, cela lui fera une belle publicité entièrement gratuite. Je suis sûre qu'elle t'en sera reconnaissante, je raille en reposant nos assiettes vides sur la desserte. Tu devrais faire le tour de tous les ateliers d'artisans fauchés, juste histoire de gonfler leur chiffre d'affaire.

J'ai beau plaisanter, je ne suis pas du tout contente de savoir que des photos de moi puissent circuler sur internet. J'espère au moins qu'ils ont pris soin de masquer mon visage, sans quoi je devrais rapidement prendre contact avec mon avocat.

– Jeff trouve ça hilarant, visiblement.
– J'en doute pas… D'autant plus lorsqu'on connaît les … activités annexes de Lucy. Tu savais qu'elle réalisait des sextoys ? Elle fait des moulages de… Tu vois. Ensuite elle y coule du silicone rose… Bref.

Mon sourire s'étire légèrement. J'essaie de rester sérieuse, mais ce n'est pas évident .. Pas après avoir lancé une telle énormité. Je plaisante, évidemment. Je m'amuse simplement de ses réactions avant d'éclater de rire.

– Promis, si un jour j'autorise Lucy à mouler mon torse ou autre chose, tu seras la première informée.
– Oh, mais je sais bien ! Elle sera même plus rapide que toi pour m'en aviser…

Le voyant enfiler son pyjama, je décide d'en faire de même avant de me glisser sous les draps. Je n'ai pas encore sommeil, mais je reste fatiguée.

– Tu veux qu'on se loue un film ? je lui demande en désignant la télécommande de l'énorme télé accrochée au mur.

"- Tu devrais faire le tour de tous les ateliers d'artisans fauchés, juste histoire de gonfler leur chiffre d'affaire."

Je ne peux m'empêcher de rire, même si je note dans la voix d'Emily une certaine inquiétude. Mais après tout, il est normal qu'elle ne soit pas encore tout à fait à l'aise avec les côtés les moins agréables de notre relation.

"- Si tu as d'autres amis dans le besoin, ce sera avec plaisir", je plaisante.

Je l'écoute me décrire l'activité annexe de Lucy, en ouvrant des yeux de plus en plus grands au fil de son explication. Je ne sais pas si je dois la croire... Mais rien que d'imaginer le côté technique de la chose...

"- Tu plaisantes... n'est-ce pas ?" je lui demande après quelques secondes de flottement.

Elle perd finalement cet air sérieux, et éclate de rire, ce qui me fait rire à mon tour.

"- J'y ai presque cru", j'admets en riant. "Je ne connais pas assez bien ton amie, mais si tu lui suggérais ça pour arrondir ses fins de mois, je suis certain que ça marcherait. Resterait juste à trouver des modèles... Et ne compte pas sur moi pour ça."

Je ne la lâche pas des yeux tandis qu'elle enfile son pyjama. Même après l'avoir vu dans le plus simple appareil à de nombreuses reprises, je continue de la trouver magnifique. Et je ne me lasse pas de détailler les marques sur son corps.

Je la rejoins dans le lit, et passe un bras autour de ses épaules pour la serrer contre moi.

"–Tu veux qu'on se loue un film ?"

"- Hmm, pourquoi pas."

Après quelques minutes de recherche sur le catalogue de films auquel nous avons accès, nous optons finalement pour un film d'aventure, devant lequel je ne tarde pas à somnoler. Non pas que le film soit ennuyeux. Mais le lit est confortable, et avoir Emily dans mes bras est finalement beaucoup plus intéressant que le film en lui-même. La tête sur l'épaule d'Emily, je m'autorise à fermer les yeux. Et lorsque je les rouvre, c'est pour être surpris de voir défiler les crédits de fin.

"- Je crois que le sommeil l'a emporté sur le film", je pouffe dans le cou d'Emily, j'espère au moins que ça t'a plu ?"

Je me réinstalle dans le lit, et j'attrape la télécommande pour éteindre la télé, avant d'atteindre à tâtons les interrupteurs pour tamiser l'éclairage.

J'attrape ensuite mon téléphone, et soupire en notant que Kelly a encore essayé de me joindre à plusieurs reprises. Je passe l'engin en mode avion, et vérifie que mon alarme est en place, pour ensuite l'abandonner sur la table de chevet.

Lorsque je me tourne ensuite à nouveau vers Emily, c'est pour l'embrasser tendrement, tout en remontant une main le long de son dos pour venir lui caresser la nuque.

Je soupire avec bien-être, puis dépose une série de baisers sur son visage.

Je n'ai plus envie de bouger. Et je sens la fatigue prendre rapidement le dessus. Je ne mets que très peu de temps à m'endormir.

Je me plonge dans le film de la même manière que Tom se laisse aller au sommeil. Je n'ose pas bouger, de peur de le réveiller. Je sais combien il doit être épuisé, alors je préfère le laisser dormir tranquillement… Même si j'ai de plus en plus besoin de bouger. Je ne vais jamais au cinéma pour cette raison précise. Je ne supporte pas de rester immobile en me contentant de regarder un écran. A plusieurs reprises, son téléphone se met à vibrer. Je suis presque sûre qu'il s'agit de cette Kelly et je dois bien avouer que cela commence à réellement m'énerver. Mais, encore une fois, je prends sur moi…

C'est au moment du générique de fin que Tom ouvre finalement les yeux. La télécommande se trouvant de son côté, je le laisse donc éteindre la télévision et la lumière. Je le vois jeter un œil à son téléphone, mais il ne dit rien et se contente finalement de se recoucher pour s'endormir complètement.

Je me réveille bien avant que son téléphone ne se mette à sonner. J'essaie de rester aussi discrète que possible pour ne pas le réveiller, mais je tourne très rapidement en rond. Il me tarde de pouvoir retourner chez moi pour retrouver mes habitudes et surtout mes affaires… Même si cela veut dire qu'il ne sera pas avec moi. Je suis quand même très attachée à mon mode de vie. Cette chambre a beau être luxueuse et confortable, elle ressemble de plus en plus à une cage. Et puis… Je n'ai plus vraiment envie de me balader seule dans cette ville… Je n'ai plus envie de m'y balader tout court en réalité. Pas si cela signifie que je serais prise en photo et exposée ça et là. Je sais que ce n'est pas une chose que je pourrai supporter un jour.

Quand son réveil se met à sonner, je suis assise en tailleur sur le fauteuil, mon livre à la main. L'inactivité m'insupporte de plus en plus et cela se reflète dans ma façon de lire… En réalité, je parcours les mots, les phrases sans réellement les voir. Mon esprit s'égare, il virevolte, ailleurs…

– Bonjour, je lui lance depuis ma place. Bien dormi ?

Je me demande si la gamine a réessayé de le joindre pendant la nuit ? Sans doute… Je me demande également pour quelle raison elle l'aurait fait et quand Tom se décidera à se montrer clair avec elle… Je n'obtiendrai probablement jamais les réponses à ces questions et je le déplore… Combien de temps vais-je devoir prendre sur moi ?

Comme convenu, je l'accompagne à ses répétitions. Je discute un peu avec les personnes du staff, curieuse d'en apprendre plus sur leur métier. Je me fais aussi discrète que possible en observant mon compagnon travailler… Et je prends de nouveau sur moi pour ne pas m'énerver quand la gamine se colle contre lui. Je sais qu'elle en fait volontairement des caisses, je le vois aux regards qu'elle me lance. Mes nerfs sont mis à rude épreuve, mais je ne compte pas lui donner satisfaction et puis… Ce n'est certainement pas à moi de réagir.

Je tourne dans les draps depuis déjà plusieurs minutes lorsque mon réveil sonne, mettant définitivement fin à cet état à mi-chemin entre éveil et sommeil.  Les draps autour de moi sont froids, et quand je tends une main, je n'arrive pas à sentir la présence d'Emily à mes côtés.

J'ouvre les yeux, et la trouve assise sur un fauteuil, un livre sur ses genoux.

"– Bonjour, bien dormi ?"
"- Le réveil a été dur", je soupire. "Tu n'étais pas là", j'ajoute pour seule explication.

Je me lève sans attendre pour la rejoindre et vient déposer mes lèvres sur les siennes.

"- Tu as fait de beaux rêves ? Pas de cauchemars au sujet de sex toys en silicone rose ?" je plaisante.

Elle me parait tendue, comme si la soirée d'hier n'était désormais plus qu'un lointain souvenir. Et je prends donc cinq minutes pour lui masser les épaules et la nuque, tout en lui glissant à l'oreille ô combien je suis heureux qu'elle soit ici avec moi.

Malheureusement pour nous, la réalité nous rattrape bien vite.
Nous retrouvons Jeff dans le hall à peine une heure plus tard. Et nous ne tardons pas à nous rendre à la suite des répétitions.
Jake est d'une humeur massacrante. Surtout que Peter est absent, et que Frank a l'air d'avoir bien du mal à récupérer de sa soirée de la veille.

"- Qu'est-ce que vous avez foutu hier soir ?" lui lance Jeff dès que Jake a le dos tourné.
"- Crois-moi", marmonne Frank, "tu n'as vraiment pas envie de le savoir."
"- Et oú est Peter ?" reprend Jeff. "Il devrait déjà être là depuis plus d'une heure."

Frank a l'air inquiet, je le sens. Et ce n'est pas vraiment dans ses habitudes

"- Il n'a pas répondu quand j'ai tambouriné à sa porte ce matin", marmonne-t-il. "J'me suis dit qu'il dormait encore. Comme d'habitude, quoi, et puis..."

Il devient incroyablement pâle. Et heureusement, je suis là pour rattraper sa guitare lorsqu'il tente maladroitement de l'accrocher au pied le plus proche avant de filer en direction des sanitaires.

Jeff et moi échangerons un regard agacé.

"- On pourrait croire que passé trente-cinq ans ils auraient arrêté leurs conneries...", je marmonne en passant la sangle de guitare par-dessus ma tête.

Je peux aisément prendre la place de Frank pour le moment, sauf pour les solos. Reste que nous n'avons toujours pas de bassiste.

Qu'à cela ne tienne, Jake revient toujours aussi de mauvaise humeur, et nous hurle de reprendre.

"- Tom, Kelly ! C'est à vous !"

Je soupire. Kelly, elle, est toujours là. Et toujours aussi en forme.
Je ne me sépare pas de la guitare de Frank, même si Jake me hurle plusieurs fois de le faire. J'en ai assez de l'écouter et j'ai bien envie d'essayer cette petite Fender. Je plaque les premiers accords de la chanson, tandis que Kelly se colle déjà à moi.

La chanson en elle-même ne me pose plus aucune difficulté. Je n'ai qu'à imaginer qu'Emily est à la place de Kelly pour que les paroles me viennent aisément.

Je glisse d'ailleurs des coups d'oeil réguliers en direction d'Emily tout au long de ma performance. Et je ne peux m'empêcher de lui lancer un bref clin d'oeil quand la chanson se termine.

"- C'était parfait, Tom !" s'exclame Kelly en passant un bras autour de ma taille.

Je me fige avec gêne.

"- Arrête, s'il te plait", je lui souffle à l'oreille.
"- Quoi donc, Tom ?" rétorque-t-elle d'un air qu'elle veut innocent mais qui ne trompe personne.
"- Je suis en couple, Kelly", je siffle en retour.
"- Je ne vois pas le rapport", lance-t-elle avec un sourire charmeur.

J'arrive tout de même à reculer en lui lançant un regard noir. Jake nous fait rejouer la chanson deux fois avant d'enchaîner sur une pause. J'attendais ça avec impatience.

J'accroche la Fender de Frank à un pied. Ce dernier n'est toujours pas revenu des sanitaires, et Jeff lance à la cantonade qu'il se charge d'aller voir si ce dernier va bien.

Quant à moi, je me dirige vers Emily, et me laisse tomber dans le siège à sa gauche, avant de déposer un baiser dans son cou.

Je glisse un bras autour de sa taille, m'abreuvant de sa présence.

"- Ca va ?" je murmure à son oreille. "Jake ne t'a pas encore démoli les tympans ?"

Je pose mes lèvres sur sa joue, puis fronce les sourcils.

"- A ce rythme là, nous n'aurons ni bassiste, ni guitariste, pour demain. Je ne sais pas oú est Peter, mais ce n'est pas dans ses habitudes de manquer une répétition. En général il se contente de se pointer avec une gueule de bois. Ou pire, encore bien imbibé. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait hier soir, mais ils ne se sont manifestement pas endormis devant un film."

Je souris en me remémorant la soirée de la veille. A quoi bon aller faire la tournée des bars et des casinos si je peux à la place passer du temps en compagnie d'Emily ?

De là où je me trouve j'ai l'impression d'assister à une vaste blague… Leur manager est continuellement en colère, même si cette fois il a toutes les raisons de l'être. Il manque deux musiciens, les mêmes qui s'étaient rendus à la répétition de la veille avec une gueule de bois carabinée. Kelly continue son jeu de séduction en me crachant pratiquement à la figure. Elle agit comme si je n'existais tout simplement pas et je fais montre d'énormément de patience pour ne pas réagir. A la fin, je finis tout simplement par récupérer mon bouquin et faire mine de me plonger dedans… Juste pour ne plus avoir à la regarder.

Je ne relève les yeux que lorsque Tom vient me rejoindre.

– Ça va ? Jake ne t'a pas encore démoli les tympans ?
– Non, pas encore, je rétorque en m'efforçant de sourire.
– A ce rythme là, nous n'aurons ni bassiste, ni guitariste, pour demain. Je ne sais pas oú est Peter, mais ce n'est pas dans ses habitudes de manquer une répétition. En général, il se contente de se pointer avec une gueule de bois. Ou pire, encore bien imbibé. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait hier soir, mais ils ne se sont manifestement pas endormis devant un film.
– Hm… À votre place, j'enverrai les flics et une ambulance dans sa chambre d'hôtel… je rétorque en rangeant mon livre dans mon sac.

Je suis contrariée et je n'aime vraiment pas cela. Je n'ai pas envie de lui offrir cette satisfaction. Depuis la scène, Kelly nous lance quelques œillades chargées d'impatience. Très bien… Jouons dans ce cas. Je me tourne vers Tom en affichant un gros sourire avant de venir chuchoter à son oreille :

– Je dois faire quoi pour qu'elle cesse son petit jeu celle-ci ?

Cette oreille, je viens la mordiller tout en posant une main sur sa cuisse … A mon tour, je la regarde et je peux aisément lire sa colère dans son regard.

– Je confirme, elle veut vraiment te mettre dans son lit … Elle doit penser avoir toutes ses chances, après tout… Je ne suis pas un mannequin russe… Je suis d'une telle banalité que pour elle, il n'y a même pas de rivalité possible…

Je m'empare tendrement de ses lèvres avant de finalement me relever.

– Je te laisse régler ça avec elle. J'en ai un peu marre d'assister à son petit manège. Je vais prendre l'air.

"- Hm… À votre place, j'enverrai les flics et une ambulance dans sa chambre d'hôtel…"

Emily n'a pas tort. Même en considérant les habitudes plus que discutables de mes camarades, ce n'est pas du genre de Peter d'être absent si longtemps.

Je note qu'Emily regarde à nouveau en direction de la scène. Sur cette dernière, Kelly nous fixe d'un regard acéré.

"– Je dois faire quoi pour qu'elle cesse son petit jeu celle-ci ?" chuchote Emily à mon oreille.

Je mets de longues secondes à comprendre vraiment ce qu'elle me demande. Son souffle est chaud, et voilà qu'elle me mordille l'oreille en posant une main sur ma cuisse.
Je ferme les yeux. Pourquoi sommes-nous obligés de rester là, déjà ? Nous pourrions nous enfuir, retourner à l'hôtel... Et Emily pourrait juste bouger sa main sur ma cuisse, remontant juste un peu plus haut.
Je jure dans ma barbe.
L'effet qu'elle a sur moi est incroyable. Je réagis au quart de tour, à la moindre caresse.

Mais quand je rouvre les yeux, je note que le regard d'Emily est à nouveau dirigé vers Kellly.

Un rire nait dans ma gorge. Alors elle n'a fait ça que pour la rendre jalouse ? Cela m'étonnait aussi d'elle, qui préfère d'ordinaire garder ce genre de geste derrière une porte close.

"- Oublie là...", je murmure en glissant une main sur sa joue.

Mais elle est plus rapide que moi.

" – Je confirme, elle veut vraiment te mettre dans son lit … Elle doit penser avoir toutes ses chances, après tout… Je ne suis pas un mannequin russe… Je suis d'une telle banalité que pour elle, il n'y a même pas de rivalité possible…"

J'ouvre la bouche pour protester, mais elle m'embrasse avant que je n'ai pu lui dire quoique ce soit. Je réponds aussitôt à ce baiser, accentuant la pression entre nos lèvres tandis que je viens glisser une main dans ses cheveux.

Mais elle se dérobe à mon étreinte, et se lève.

"– Je te laisse régler ça avec elle. J'en ai un peu marre d'assister à son petit manège. Je vais prendre l'air", annonce-t-elle ensuite.

"- Emily, attends."

Je lui attrape la main, et me lève à mon tour pour venir la prendre dans mes bras.

"- Je me fiche éperduement que tu ne sois pas un mannequin russe", je murmure doucement en calant mes mains contre ses joues. "Et tu n'es pas banale. Loin de là. Je t'aime toi. C'est toi qui m'a envoûté, qui m'a rendu complètement dingue alors que j'avais prévu de rester célibataire un bon moment. Et c'est toi que j'ai envie d'avoir dans mon lit. Pas Kelly, ou qui que ce soit d'autre. Mais promis, je vais la décourager. Une fois de plus."

Je viens cueillir un baiser sur ses lèvres.

"- Je te laisse prendre l'air si tu en as besoin", je continue en la relâchant. "Juste... Soit prudente, s'il te plait."

Je lui vole un baiser, puis la relâche.

Du coin de l'oeil, je vois Jeff revenir des sanitaires avec un air un peu écoeuré.

"- Jeff doit savoir dans quelle chambre est Peter. Je vais voir ça avec lui."

Je pose juste un instant une main sur sa joue, et lui souris tendrement avant de m'éloigner rejoindre mon ami batteur.

"- Il a gerbé partout", me lance ce dernier lorsque j'arrive à sa hauteur. "Et toujours aucune nouvelle de Peter."
"- Il faudrait peut-être appeler les secours, non ? Juste au cas oú ?"

Jeff acquiesce et sort aussitôt son téléphone avant de s'éloigner en direction de la sortie. Probablement pour pouvoir téléphoner dans le calme.

Je m'apprête à le suivre lorsqu'on m'attrape la main. Et quand je me retourne, c'est pour tomber sur Kelly.

"- Salut Tom !" me lance-t-elle avec un sourire charmeur. "Tu es dispo après la répétition ? Je me disais qu'on pourrait boire un verre, tous les deux ? Prendre le temps de mieux se connaitre. J'ai une excellente bouteille dans ma chambre d'hôtel..."
"- Kelly", je la coupe. "Je ne suis pas intéressé. Je suis en couple. Je suis fou amoureux de ma compagne, et rien ne pourra changer ça. Je ne suis pas attiré par toi. "

Et elle éclate de rire.

"- Je suis Kelly Kherson ! Bien sûr que tu es attiré par moi. Je suis jeune, je suis belle, je suis célèbre. Ta copine n'est personne, Tom. Tu sais très bien que tu ne pourras pas continuer avec elle bien longtemps. Tu te lasseras vite.. "
"- Occupe-toi de ce qui te regarde", je siffle en me redressant de toute ma hauteur. "Tu n'es qu'une gamine, Kelly ! Tu n'as jamais connu l'amour, le vrai, celui qui te donne des frissons rien qu'en songeant à ton ou ta partenaire. J'aime Emily. De tout mon coeur. Et jamais je ne referai l'erreur de fréquenter quelqu'un du même milieu que toi et moi. Alors laisse tomber, et pour la dernière fois, laisse-moi tranquille !"

Mon ton est sec, et j'imagine que la colère qu'elle a su éveillé en moi est parfaitement évidente sur mon visage.  Mais je m'en moque. J'en ai assez de tout ça. Je me moque éperduement du choc sur le visage de Kelly, ou même de la voir partir ensuite en courant.

"- Tom, Kelly ! Vous reprenez dans deux minutes !" hurle Jake sur scène.
"- Pas maintenant, Jake !" je crie en retour. "J'ai des choses plus urgentes à gérer."

Je n'attends même pas de réponse de sa part, partant d'un pas rapide en direction de ma sortie qu'a pris Jeff un peu plus tôt. Avec un peu de chance, Emily ne sera pas loin. Et je ne peux m'empêcher d'être inquiet au sujet de Peter. J'espère que les nouvelles seront bonnes.