Dès que j'ai ouvert les yeux ce matin, j'ai su que ce serait une mauvaise journée. Mon dos me fait instantanément souffrir , et je n'ai pas une minute à moi , avant que mon père ne m'ordonne de le suivre au village. Ce n'est pas moi qui lui succédera, mais il me rappelle que je dois travailer , comme tout le monde.

Je déteste voir du monde. Mais , si je refuse , ça va de nouveau partir en dispute. Surtout que Guelfor se fait vieux désormais , et qu'il me laisse gérer la forge presque tout seul. Selon lui , je ne suis pas aussi doué que mon père , mais je fais l'affaire.
C'est toujours pareil , de toute façon.
Je ne suis pas assez bien.
Pas assez comme mon père.

Je refuse de cohabiter avec les dragons , donc je suis une mauvaise personne.

Qu'ils aillent tous se faire voir.

Je ne cache pas ma souffrance , et ma mauvaise humeur pour autant. Comme d'habitude , Krokmou essaie de me lécher le visage pour dire bonjour. Et , comme toujours , je le repousse, sans un regard pour lui.

"Tu vas au village à pied ?" , Papa me pose la même question chaque matin. Et , j'acquiesce. On m'a dit de toute manière que l'exercice physique serait bon pour mon dos. Pourtant , en 4 années , je n'ai vu aucune amélioration.

Je ne vois pas Zephyr. Peut être est-elle déjà descendue au village , pour aider Papa dans ses activités ? J'en sais rien. Je soupire. Nos courses de dragons me manquent. Parfois.
Hors de question que je remonte sur le dos de ces créatures ailés. Je crois que j'ai eu mon compte.

J'évite les nombreux dragons qui peuplent notre île , jusqu'à parvenir à la forge. Il y en a partout. Leur vue me terrifie , me rend triste. Je ne sais pas comment l'expliquer clairement , mais je ne les supporte juste pas.
Je serre les dents en mettant ma protection en fer , avant d'approcher les premiers objets du feu.

"T'es dans un mauvais jours , Nuffink ?" , Geulfor a cet avantage de comprendre en un clin d'œil quand les douleurs me prennent . Je hoche la tête, le visage fermé , le regard distant. Comme d'habitude.

"Tu pourras partir en début d'après midi si ça ne va pas , tu sais."

"Je n'aurai jamais fini toutes les commandes du jour." , je réplique , croisant enfin son regard.

"J'ai encore la force d'en faire une partie , tu sais. Je préfère ça que tu sois incapable de travailler demain , du tout." , je lui adresse un pâle sourire avant de me mettre à l'ouvrage.

La plupart des commandes résident en des accessoires pour les dragons. Guelfor en appelle un , d'ailleurs pour alimenter le feu de la forge , et je m'écarte le plus possible.

Les heures passent assez vite , tant que je me concentre sur le boulot , pas sur mon dos. Ni sur le fait que le dragon qui nous a aidé était un Cauchemar Monstrueux.
Comme l'était Nightmare.


Nous sommes désormais en milieu d'après midi. Je suis sur la partie supérieure de l'île, celle où on voit le village d'au dessus , pas loin de notre maison. Le ciel est bleu , le soleil brille , les oiseaux chantent...Ok , j'arrête.

Geulfor m'a effectivement laissé partir , alors que mes douleurs ne diminuaient pas.
Évidemment, le trajet retour ne s'est pas bien passé. J'ai croisé un ami de mon père. Son fils n'arrêtait pas de me parler de son dragon , encore un bébé. Il voulait absolument que je le touche , le caresse ou je ne sais quoi. J'étais fatigué, encore plus irritable que d'habitude.

"Putain ! T'a pas encore compris que je veux rien savoir de ton dragon ? Fous moi donc la paix !" , j'ai pété un plomb sur le gamin qui s'est mis à pleurer. Génial. Tous les témoins de la scène me lançaient des regards noirs.

Je suis parti rapidement pour trouver refuge ici , espérant que la douce brise allégerait ma douleur et ma colère. Au bout d'un petit moment , j'entends quelqu'un approcher. Je tourne rapidement la tête pour découvrir ma grande soeur. Je hausse un sourcil , sachant que la conversation ne va pas me plaire. Notre ancienne complicité est perdue depuis longtemps. Ironiquement, depuis qu'elle m'a sauvé la vie.


"Qu'est ce que tu fais là, Zephyr ? Encore venue me faire la morale ?" , ton cassant et moqueur. Je ne daigne pas croiser ses yeux , préférant fixer mon regard sur l'océan.

Comme tout les jours je me lève avant l’aube avec entrain. Mon père était déjà debout car il avait la même habitude que moi : Voler seul à seul avec son dragon avant d’entamer la journée. Je lui souris en silence, gratta affectueusement Krokmou et fila sans plus attendre Lullaby qui se dorait la pilule sur la berge de l’île. On était habitué à vivre à notre rythme mais cela ne nous empêchait pas de s’aimer inconditionnellement. Aussitôt qu’elle me vit, elle tournoya autour de moi joyeusement, tout en grognant. Je ria et me protégea le visage de ces bourrasques imprévues.
« Allez Lullaby, Allons y ! » Déclarais-je après l’avoir sellé et monté.
La dragonne grogna fièrement avant de monter dans les airs et je riais, heureuse de cette vie. Mais comme à chaque fois que je volais, je pensais à mon frère, Nuffink, qui était privé de cette chance… Mais après tout, vu qu’il refusait de donner une chance à un autre dragon, il n’était pas vraiment à plaindre non plus, ce fichu mollusque-tête-de-mule ! Je poussa un cri rageur qui se répercuta dans le ciel. Penser à mon frère finissait toujours ainsi et ne m’apportait rien de bon, autant lâcher l’affaire pour ce matin. Je me secoua la tête pour me changer les idées et monta encore plus haut dans ce ciel dont j’étais maître.

En début de matinée, je rejoignis mère pour un entrainement au combat. Je n’arrivais toujours pas à la battre et cela me frustrait, mais, elle affirmait avec une certitude venue de je-ne-sais-où que c’était pour bientôt. Nous déjeunâmes ensuite ensemble, parlant tactiques de guerres, puis je rejoignais mon père pour une mise au point sur le village, tout en le parcourant à pied, comme toujours. L’idée d’avoir toutes ses responsabilités un jour me terrifiais autant que cela me rendais fière. Je ne pouvais espérer être un jour à la hauteur de mon père, le premier viking à avoir chevaucher un dragon ! Mais je n’avais pas le temps de l’admirer: il fallait que j’aille aider Varek dans son recensement des bébés dragons. Je devais l’admettre : mes journées étaient bien remplies et je ne les voyaient pas passées, mais c’est comme ça et pas autrement que je voulais vivre ma vie. Une fois ceci terminée j’alla rejoindre Kognefor et Kognevite les fils des jumeaux Kognedur et Kranedur pour déjeuner avec eux avant de faire avec eux une de nos célèbres courses de dragons.

L’après-midi était bien entamée quand la course s’acheva, sur ma victoire. Le défi était bien plus grand lorsque Nuffink y participait mais… ça c’était avant. Je soupira et rejoignit de nouveau père, qui m’ordonna désemparé, de m’occuper de mon frère. Apparemment il aurait -encore- vriller sur un des gamins du village. La haine en moi, je me mis à sa recherche. Ça n’allait pas être compliqué, il était à pied, moi pas. Aussitôt repéré, j’atterris et laissa partir Lullaby, je ne connaissais que trop bien son aversion pour les dragons. J’allais opter pour une approche plus diplomatique, ma colère étant retombée durant le vol, mais sa remarque la raviva:
« Je n’aurais pas à te faire la morale si tu te comportais comme un viking digne de ce nom ! » Hurlais-je. « Il est temps que tu avances, Nuffink ! J’en ai plus qu’assez de voir cette coquille vide à la place de mon frère et si tu pen- EH ! Regarde-moi dans les yeux quand je te parle, je ne suis pas un dragon ! » 
Je le saisit par le col, furieuse et le souleva de façon à l’obliger de me regarder avant de poursuivre tout aussi furieuse:
« Un jour, tu devras avancer et si tu le fais pas, la vie t’y forcera ! Et ce sera bien plus douloureux que moi qui te soulèves crois-moi ! » 

Je le lâcha ensuite, voyant bien qu’il avait mal. Sa douleur apaisa un peu ma colère et je finis, une larme roulant sur mes joues:
« Le petit frère qui me soutenait dans le maintient du village, qui s’entrainait avec moi et maman, qui menaçait Kognefor et Kognevite à chaque fois qu’ils me faisaient des avances… oui, ce petit frère là, mon vrai petit frère, pas cet espèce de mollusque que tu es devenu ! Eh bien, ce petit frère il me manque, si un jour tu le retrouve, dis-lui que j’ai besoin de lui… s’il te plaît »
A ces mots je me mis moi aussi à fixer l’océan, essuyant prestement mes larmes. Pourquoi était-ce ainsi désormais ?

Je vois dans le regard de Zephyr que ça va mal se finir. Nom de Thor , je sens que j'aurai mieux fait de rentrer immédiatement à la maison , au lieu de venir me ressourcer ici... Franchement , je n'ai pas la tête à me disputer une énième fois avec ma soeur.
Je voudrai juste trouver un moyen durable de soulager mes douleurs , et de retrouver une vie normale. Vaincre mes peurs. Mais , personne ne le comprend , pas même elle. Tout ce qu'elle sait faire , c'est me crier dessus.

"Et c'est quoi un viking digne de ce nom ? Dis moi !" , je lui réplique alors qu'elle me soulève du sol.

Bordel. J'avais oublié à quel point elle est forte. Mes yeux se remplissent de larmes , non de honte ou de tristesse , mais bien de la douleur que son geste emplifit dans tout mon corps.

"Tu ne comprends rien , Zephyr. Pour toi , tout à l'air simple. Mais , tu n'as aucune idée de ce que je traverse. C'est pas en me crachant à la figure que tu améliorera les choses." , je parviens à lâcher difficilement juste avant qu'elle ne me lâche.

Je lève les yeux vers elle en massant mon cou douloureux , repérant l'unique larme qui coule sur sa joue. Je soupire. Oui , les courses de dragons , les disputes avec Kognedur et Kognvite...Les entraînements...Oui , les entraînements. Je les aimais tellement , avant.

Maintenant , je le fais seul de mon côté , sous la supervision de maman , mais sans que ma sœur le sache. J'ai repris il y a peu , et je ne veux pas qu'elle soit au courant. Pas encore. Pas qu'elle croit que tout redevient normal , sous prétexte que j'ai retouché une arme. Car rien , ne sera plus jamais comme avant.

À mon tour , je tourne mes yeux vers l'océan , sa beauté me calme toujours , bien que la colère reste en moi. Comment avons-nous pu nous éloigner à ce point , Zephyr et moi ? Nous étions si proches , autrefois.

"Ce petit frère que tu cherche tant , Zephyr...tu sais où il est." , je fixe ce lieu en ce moment. Oui , la mer a bien failli m'achever ce jour là , et dans un sens je l'aurai préféré .

"Il est mort dans l'océan , il y a 4 ans." , je suis peut être toujours ici grâce à ma sœur , mais assurément mon ancien moi n'est jamais ressorti des eaux.

J’étais épuisée de toute cette incompréhension, toute cette tristesse et surtout, de toutes ces disputes. Je m’assis à coté de Nuffink, séchant mes dernières larmes, lui montrant ainsi que j’étais calmée.
« Tu as raison, je ne peux pas comprendre, et rien ne peux être comme avant. » Admis-je tristement. « Mais… il a une chose qui ne changera jamais, tu sais ? » Lui avouais-je, pleine d’espoir avant de prendre sa main dans la mienne. « Nous somme une famille. »
Oui, ça rien ne pouvait l’effacer pas vrai ? A vrai dire, même ça j’en doutais … et cela me donnait la boule au ventre. Nous ne ressemblions plus vraiment à une famille, maintenant que j’y repense… mais… je voulais y croire. Je devais y croire. Sinon, vraiment tout était perdu.
« Mais tu ne peux pas repousser le monde entier ainsi. Ce pauvre gamin sur lequel tu as hurlé n’est pas responsable de ta douleur. Nous ne sommes pas responsable. Les dragons ne sont pas responsable. » Lui rappelais-je, doucement.
Soudain, une masse sombre fit son apparition sur l’horizon de l’océan. Mon sang ne fit qu’un tour, bien que je n’étais sûre de rien, je me leva précipitamment.
« Hé, c’est moi qui ai les yeux embués où y’a un truc là-bas ? » Voulu-je confirmer le coeur battant à tout rompre.
Je me mis à réfléchir: Ce n’était pas le jour de commerce de Yorrek, nous n’attendions aucune visite amical et/ou diplomatique… alors… alors… serait-ce une attaque ?!  

Je n'ai pas envie que l'on continue à se disputer. On le fait déjà suffisamment assez. Inutile de continuer.
Je remarque qu'elle s'assoit à côté de moi. Elle s'est sûrement calmée et , je peux donc respirer à nouveau correctement. Sans craindre de me prendre un nouveau coup , du moins pas dans l'immédiat. Je sursaute légèrement , lorsqu'elle prend sa main dans la mienne , et je relève mon regard vers son visage.

"Si tu le penses encore sincèrement Zephyr...Essaie de me comprendre et arrête de me brusquer." , je lui souffle. Oui , je veux encore croire que nous sommes une famille. Mais , j'ai besoin de son soutien , pas de ses cris et de ses scènes de colère. J'ai besoin de retrouver notre complicité perdue.

"Je sais qu'il n'était pas responsable. J'ai juste l'impression...Je me sens tellement seul et en colère. Personne n'arrive à comprendre que ce n'est pas le temps qui va m'aider à vaincre mes peurs. J'ai peur." , je lui confie finalement.

"Dès que je vois un dragon , je me revois sur Nightmare. Je sens à nouveau la chute et la douleur quand j'ai percuté l'eau." , les images s'imposent dans mon esprit et je ne peux rien y faire. Ça me paralyse complètement.

Je lève brusquement la tête quand ma grande sœur mentionne quelque chose à l'horizon. Effectivement, il y a bien quelque chose. À ce que je sais , nous avons peu de visiteurs à cette période de l'année. Et , Papa n'a rien mentionné de commercial ou diplomatique. Je blêmis. Ils sont visiblement trop nombreux pour que ce soit normal. Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines , et je me lève rapidement.

"C'est pas normal. Ta trop de drakhars pour que ce soit amical." , je sens une boule se former dans ma gorge. "On se fait attaquer , Zephyr." , je me tourne vers ma soeur , commençant à paniquer. "Faut qu'on rejoigne le village , tout de suite !" , chercher des armes et commencer à défendre les nôtres. Et , je ne resterai sûrement pas les bras croisés ici , à attendre que ça se passe. Je vais me battre.

La confirmation de mes craintes par mon jeune frère fit bouillir mon sang viking. Aussitôt, j’appela et grimpa sur Lullaby, afin de me rendre au village. J’aurais aimée prendre Nuffink avec moi mais, même dans ces conditions, je doute qu’il monte à dos de dragon. Et je n’avais pas le temps de faire dans la compassion.
« Je pars devant ! » L’avertis-je tout en décollant.
Je pouvais sentir que ma dragonne était tout aussi agitée que moi par la situation. Nos coeurs battaient la chamade à l’unisson tandis que nous arrivions au village. Je croisa ma mère sur le dos de Tempest qui m’avertis de préparer la défense au sol, tandis qu’elle et mon père allaient former un bataillon aérien et frapper avant que l’ennemi ne touche le sol. Je voulu protester mais ma mère ne m’en laissa pas le temps: elle partait déjà.
Dans un cri rageur, je redescendis au sol, avant d’ordonner a Lullaby de rassembler les guerriers restant sur la plage. Pour ma part, je mis les enfants et ceux incapable de se battre à l’abri, à l’arrière de l’île. Soudain je réalisa que l’attaque arrivait déjà sur Beurk… Et que j’avais laissée Lullaby seule, pensant que papa et maman allait soit venir à bout seul des ennemis soit me laisser suffisamment de temps pour tout coordonner à terre. C’était bien ça le plan, non ? Par Thor, que c’était-il passé ? Je priais pour que Nuffink soit allé à la forge pour aider à ravitailler en armures et armes car je n’avais pas le temps de vérifier. Il fallait que j’aille voir ce qu’il se passe… il fallait que je retrouve Lullaby.

Lorsque que j’arriva sur la plage, la bataille avait déjà commencée et l’odeur de sang emplissait déjà l’air. Je ne voyais aucune trace de mes parents. Et lorsque je repéra enfin Lullaby, mon coeur se souleva et j’accouru à ses cotés en hurlant. Ma dragonne était couchée avec de multiples épées et flèches fichée en elle. Son sang teignait la plage d’un rouge sombre. Aussitôt, je m’écroula à ses côtés mais il était trop tard: Je ne pu rien faire et l’éclats dans ses yeux disparu sous mon regard, tandis qu’elle rendait son dernier souffle.
Mon cri se répercuta probablement dans tout Beurk tandis que je me leva avec la rage d’un berserker dans les yeux et que je me jetta sur le premier ennemi que je croisa avec une folie meurtrière inédite. Je ne vivais que pour détruire afin d’apaiser ce chagrin tout aussi destructeur qui naissait en moi.
Soudain, un bruit de Cor retentis. Et les ennemis repartaient tout aussi furtivement qu’il étaient arrivées. Je me laissa tomber sur la plage, couverte d’un sang inconnu, tandis que le coeur en lambeau d’un ennemi tomba lentement de la lame de mon épée. Je ne comprenais rien et… j’avais mal. Si mal que je me mis à suffoquer avant de vomir sans un avertissement. Je rampa jusqu’au cadavre de Lullaby. Celui-ci était déjà froid. J’éclata en sanglot après avoir hurlé :
« RENDEZ-LA MOI ! »
Ne sachant pas vraiment si je menaçais mes ennemis ou bien suppliait les dieux. Je n’était plus que douleur, culpabilité et haine.

Zephyr partage mes craintes , car elle se relève immédiatement en m'informant qu'elle part devant. J'apprécie le fait quelle ne me propose pas de monter sur Lullaby.

Malgré mes douleurs fantômes , je me mets à courir en direction du village. Je fais de mon mieux pour arriver le plus rapidement possible à la forge. C'est l'enfer. En tout point. L'attaque commence déjà à arriver sur l'île. Je rejoins la forge pour récupérer plusieurs armes , une épée que j'attache à son fourreau rapidement , ainsi qu'une hache mon arme principale.
Je prends autant d'arme que je peux porter , pour en distribuer aux vikings qui n'ont pas pu en récupérer. Je ne peux pas faire plus d'aller retours , cela dit , la forge disparaissant dans de nombreuses flammes , sous nos hurlements.

Je fais partie de la défense au sol , bien entendu. Je croise Zephyr qui accompagne les personnes vulnérables à l'arrière de l'île . La bataillon aérien n'a pas réussi à combattre l'ennemi , et la plage est vite envahie.

Je ne me suis jamais battu en réalité. Juste des entraînements basiques. Je découvre ce qu'est l'instinct de survie , le vrai , le plus pur. La bataille se fait violente , sanglante et je pris Thor , Odin , peut importe qui , que mes douleurs ne m'empêchent pas de me battre. Je veux pouvoir redonner chaque coups. J'y arrive , du reste , malgré le sang qui bat à mes tempes. Aucune trace de mes parents , mais pas le temps de s'en inquiéter.

Je tue. Pour la première fois , je prends de véritable vies humaines pour sauver la mienne. J'ai l'impression de ne pas être maître de mes mouvements. Je fais de qu'il faut pour survivre , quitte à trancher des têtes mais je n'y prend aucun plaisir.

Je perds ma concentration en entendant soudainement un cri , prenant le dessus sur le carpharnaum de la bataille. Zephyr ? Par Odin , faites qu'elle aille bien !

Je ne peux pas me poser plus de question qu'un ennemi entaillé mon bras. Heureusement , j'ai retrouvé mes esprits assez vite pour ne pas le laisser me le couper. J'ignore le sang et ma douleur , pour rendre les coups et finalement trancher la gorge de l'ennemi avec ma hache. Son sang éclaboussé mon visage , de maniere macabre , alors que le reste de son corps tombe à mes pieds.

Le Cor sonnant le repli de nos adversaires retentit. Je laisse tomber ma hache , et vomis sur le sol de la plage. Je n'arrivais pas à stopper ces nausées , ni les douleurs qui viennent de s'emparer de mon corps. Je ne reprends mes esprits , que lorsque la voix brisée de ma soeur résonne à nouveau , dans l'air cette fois silencieux. La peur de la perdre , me tord le ventre alors que je me relève doucement.
Couvert de sang , un goût écoeurant en bouche...Les guerres n'ont définitivement rien d'heroïque.

Mes parents sont introuvables. Je ne veux pas penser au pire , tout de suite. Je croise Kognevite , dans un état déplorable également , appuyé sur son dragon. Il me désigne le coin opposé de la plage , où je vois Lullaby allongé sur le sable et Zephyr inerte contre son corps. Mon sang ne fait qu'un tour. Je hurle.

"Zephyr !" , je cours vers elle et constate rapidement qu'elle a l'air en vie.

Elle , oui. Mais , son dragon...Oh , par tous les dieux...Je sens les larmes me monter aux yeux , alors que je me mets à genoux , à côté de ma grande soeur. Je sais ce qu'elle traverse , oui très bien même , j'en subis encore les conséquences. Je passe mon bras autour de ses épaules , la laissant pleurer son amie.

"Je suis là , grande soeur. Je suis là." , je sais que tout autre mots est inutile.

Je ferme les yeux en la rapprochant de moi , essayant d'effacer ces image de mon esprit. Si je me concentre assez fort , peut être que je me reveillerai dans mon lit , et que tout ceci ne sera qu'un rêve.

J’avais mal partout et chaque souffle me donnais l’impression de faire l’effort d’une vie entière. Je sentis un corps chaud contre le mien et l’odeur putride de sang à demi séchée empli mes narines. J’entendis des voix mais elle paraissaient si lointaines. Et toujours cette douleur. Allait-elle cessée un jour ? J’aurais bien voulu rester là, à me complaire de cette douleur mais … Père et mère avaient disparu… Père et mère avaient disparu !
Douloureusement, je me redressa, bien que tremblante et haletante tandis que mon visage était couvert de sang, de sueur et de larmes. Je commença a donner des ordres et d’évaluer la situation.
« Nuffink, je crois que la cible était vraiment nos parents. Tout le monde est de retour sauf eux ! » M’horrifiais-je en constatant le retour de Varek, Kranedur et Kognedur ainsi que Rustik.
J’allais aller à leur rencontre mais je ne voulais pas perturber les retrouvailles de mes amis avec leurs parents. A la place je me tourna vers le corps sans vie de mon alliée de toujours et retourna dans les bras de mon frère. Les ordres étaient donnés et puis Varek m’avait fais signe de faire mon deuil, sous entendu qu’il gérait. Je resta un long moment à pleurer dans les bras de mon frère, répétant que c’était ma faute, que je n’aurais jamais dû la laisser seule. Au fur et à mesure que le temps passa, mon chagrin ne se taisait certes pas, mais je reprenais progressivement le dessus. Je me leva et, fermant les yeux de ma dragonne, récita une recommandation pour que son âme atteigne le Valhalla. Puis, j’alla chercher des torches et, à mon retour, je vis que des vikings avaient fait un cercles de pierres autour d’elle. Je les remercia de la tête, puis lança le flambeau, avant d’encore une fois pleurer sur l’épaule de mon frère, tandis que l’âme de Lullaby s’élevait dans la fumée.
(…)
J’avais fait le point sur la situation avec les camarades de mon père ainsi que Nuffink et il était convenu qu’ils partiraient demain en mission de repérage. Je rageait de ne pas pouvoir les accompagner, mais sans Lullaby, je me sentais comme une moins que rien. La douleur de sa mort était revenu et je me tortillais comme une enfant apeurée dans mon lit, tout en étouffant mes sanglots dans mon oreiller. Soudain, un cri de dragon retenti. Ce cri m’était familier… Un furie nocturne ? Krokmou ?! Je me leva en courant et voulu avertir mon frère mais ce dernier n’était pas là. Je grommela et sorti en trombe. C’est alors que dans la pénombre du soir, à la lueur de la lune et des étoiles, je vis mon frère et un furie nocturne qui semblait avoir vécu l’horreur, face à face.

Je n'imaginais pas que l'atmosphère après une bataille puisse être si...calme ? Chacun pleure ses morts de son côté, tout le monde essaie de panser ses plaies , malgré l'odeur horrible qui reste dans l'air , mélange de sang et de sueur.
Je ne peux qu'être admiratif de la volonte de ma soeur de prendre les commandes en cet instant , dans son état. Effectivement , tout porte à croire que l'attaque visait nos parents. Pourquoi , je n'en sais rien. Mais , ce sont les seuls disparus. Nos assaillants n'ont fait aucun autre prisonnier.

Je suis soulagé que Varek prenne le relai pour gérer la situation. Oui , ce serait normalement à Zephyr de faire le point , mais nous sommes encore jeunes , nos parents ont disparu et , elle vient de perdre sa meilleure amie. Elle ne peut pas porter tout ce poids sur ces épaules. Notre dispute me semble totalement oublié , quand elle revient se blottir dans mes bras. Nos rapports étaient si distants depuis des années...Il a fallu un drame pour que nous retrouvions notre complicité. C'est cruellement ironique.

Je passe une main dans son dos , de manière réconfortante. Elle s'en veut. Je comprends ce qu'elle ressent , mais je ne veux pas lui imposer de discours inutile. Alors , je suis là pour elle , jusqu'à ce qu'elle adresse sa dernière prière en faveur de Lullaby. Je suis triste pour ce dragon aussi , faut pas croire. Je le connais depuis si longtemps...Comme un véritable membre de notre famille. Zephyr ne s'en doute sûrement pas , mais voir ces flammes s'élever dans le ciel est un déchirement pour moi aussi.
Comme ça l'est dans une certaine mesure pour les autres dragons et les malheureux vikings qui rejoignent le Vahalla à leur tour.


Zephyr a bien géré toute la situation , malgré sa peine. Elle est tellement plus forte que moi. À la voir , je prends de plus en plus conscience de mon comportement déplorable depuis des années. J'en ai honte.

Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Papa et Maman ont disparus , sont peut être morts. Lullaby est mort , des hommes aussi...J'ai beau m'être lavé , j'ai l'impression que l'odeur du sang me colle à la peau. Je ne reste pas longtemps dans mon lit , quittant le confort rassurant de notre maison , pour marcher aux alentours , dans l'air frais de la nuit.

Au bout de quelques instants , j'entend un léger bruit. Je sens une présence derrière moi et , je me retourne vivement sur le qui-vive. Mon cœur s'arrête de battre , le temps d'une seconde. Ma bouche se desèche. Krokmou ? Non. Ce n'est pas lui , il n'a pas la même attitude.
Je suis paralysé. De peur , je crois. Je n'ai pas approché un dragon d'aussi près , depuis si longtemps.

Je croise enfin ses yeux , d'un bleu profond très différent de la teinte des prunelles de Krokmou. Une furie nocturne. Ainsi , le dragon de mon père n'est pas le dernier de son espèce ? Papa aurait rêvé de le savoir.
Le dragon imposant s'avance , et je recule. Il souffle brusquement. Je reste figé dans son regard. Il veut que je le suive. Je le lis dans ses yeux. Je ne sais pas quoi faire. C'est comme si une force m'y poussait...Ou alors , comme si il me parlait.
C'est perturbant. Très doucement , j'avale la distance entre nous pour poser une main sur son front. Je retiens ma respiration , ayant la sensation que c'est la première fois que je touche un dragon alors que...

J'inspire un grand coup lorsque ses yeux se ferment. Et , je sais que je dois impérativement le suivre. Je le sens. Il est bien venu pour une raison.

"J'ai peur de voler mon grand..." , je lui souffle alors que je remarque la présence de Zephyr qui nous devisage. La furie se tend. "C'est ma grande soeur." , il se calme aussitôt . Vraiment , il doit être venu pour nous.

"C'est une furie." , je me tourne vers ma soeur. "On pensait qu'ils avaient tous disparu...Je crois qu'il veut qu'on le suive. Et si..." , je réfléchis un instant. "Peut être qu'il sait où se trouve nos parents et Krokmou ?" , Krokmou reste l'alpha des dragons , ceux de son espèces sont forcément à sa recherche. Enfin , j'imagine.